Journal Défense de la France, n°15, 1er mai 1942

Légende :

Newspaper "Défense de la France", n°15, May 1, 1942.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés

Détails techniques :

Un seul feuillet imprimé au recto et au verso. Format 21 x 31 cm. Le papier jaunâtre, acheté au marché noir, est de médiocre qualité.

Lieu : France - Ile-de-France

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Analyse média

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Ce journal est le numéro 15 du mouvement Défense de la France. Il est daté du 1er mai 1942 et imprimé sur la Rotaprint acquise par le mouvement dès le printemps 1941.
A cette époque le tirage s’élève à environ 10 000 exemplaires. Malgré de « redoutables problèmes d’approvisionnement en encre et en papier notamment », il se maintient et tend à augmenter au fil du temps.

Comme le précédent, ce numéro est une édition relativement brève. Il se compose de deux articles :

- Dans le premier, qui couvre la quasi-totalité du journal, Robert Salmon adresse une « Réponse à M. Pierre Laval ». A l’intérieur de ses trois chapitres : « Orgueil et mensonge », « L’idéal proposé » et « Le généreux vainqueur », l’auteur dénonce l’Alliance franco-allemande que le chef du gouvernement semble annoncer, critique l’acte constitutionnel n° 11 qui donne tout le pouvoir à Laval et met en garde contre l’hypocrisie des Allemands et de Vichy qui espèrent tromper les Français en disant « Europe » au lieu de dire « Allemagne ». (1) 

- Dans son deuxième et dernier article, Défense de la France alerte, une nouvelle fois les Français, sur « Le pillage de la France (qui) continue ».

 

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Aux mois d’avril et mai 1942, suite à une fausse alerte, Défense de la France décide de quitter les caves de la Sorbonne (Paris), où s’effectue depuis la fin du mois d’août 1941 l’impression, et s’installe dans le logement du professeur Alphonse Dain, situé rue de Dantzig dans le 15ème arrondissement de Paris. 

C’est le cinquième déménagement de la Rotaprint qui, de format réduit, se transporte aisément lorque la sécurité l’exige. 

Inconfortablement installée dans la salle de bain du professeur, l’impression ne se fait pas bien. « On faisait beaucoup de ratés que l’on déchiquetait en petits morceaux pour les brûler dans la cheminée du salon. Le professeur Dain nous avait demandé de ne pas envahir complètement son appartement et de nous cantonner à la salle de bain ! Alors c’était un peu délicat », raconte Hélène Viannay. (2)

Depuis le mois de février 1942, l’imprimeur Grou-Radenez offre son concours au mouvement lui permettant de sortir très progressivement de sa phase artisanale en passant « de l’offset au stade professionnel »« Outre la fourniture du matériel, ce professionnel promet de dépanner Défense de la France pour l’impression de certains documents », (3) de mettre en relation le mouvement avec des photograveurs et des techniciens et, surtout, de former, les jeunes militants inexpérimentés au métier d’imprimeur et notamment à l’ensemble des règles de la typographie. 

Parmi eux Charlotte Nadel, pionnière du mouvement, bénéficie d’un apprentissage rapide et utile, lui permettant de coiffer, à terme, toute la branche technique du mouvement. Dès lors, le mouvement installe un atelier de composition au n°41, rue du Montparnasse (Paris). 

Ces stages chez l’imprimeur complètent l’apprentissage de ces pionniers de l’imprimerie qui, dans l’ensemble, se forment sur le tas.

« Ainsi était mise en route une logique qui nous portait, nous emportait plutôt, et nous obligeait à répondre aux multiples interrogations que suscitait son propre développement. Le journal n’était plus une fin en soi mais un support. […] Notre expansion nous contraignait à sortir de notre petit ghetto. » (4) 

Cette préprofessionalisation du mouvement s’accompagne d’une volonté d’expansion. « De parisien, il se mue en une organisation nationale et élargit par ailleurs le champ de son action. » (5)

« Les 21 premiers numéros sont écrits par 9 rédacteurs seulement. […] Les dirigeants s’attribuent leurs articles au gré de leurs affinités et les auteurs, une fois les textes acceptés, signent leur copie d’un pseudonyme : « Indomitus » pour Viannay, « Robert Tenaille » pour Salmon. Les deux hommes rédigent à eux seuls la majorité des contributions, même si quelques personnalités extérieures, René Tézenas du Montcel, « Maître Jacques », ou Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier », apportent parfois leurs concours. En somme, une poignée d’hommes assume à elle seule la rédaction du journal. » (6) 

Dans les 22 premiers numéros, publiés entre le mois d’août 1941 et novembre 1942, Défense de la France engage un combat fondé sur une protestation morale. Son discours, centré sur l’information et la contre-propagande traite, de manière inégale, les sujets suivants : la collaboration, le défaitisme, les provinces perdues et la germanisation des populations locales, l’anglophobie, le pillage économique allemand, les rigueurs de l’occupation, l’hitlérisme et le barbarisme nazi, les camps de concentration, les revers de la Wehrmacht et les difficultés économiques du Reich


Sources :
 (1) Marie Granet, Le journal Défense de la France, Presses universitaires de France, 1961. (2) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, l’instinct de résistance de l’Occupation à l’école des Glénans, éditions Pascal, 2004. (3)  Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940-1949, éditions du Seuil, 1995. (4) Philppe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, éditions Ramsay, 1988. (5) Olivier Wieiviorka, Op.cit. (6) Ibid

 

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This newspaper is the fifteenth issue of the Défense de la France movement. It is dated May, 1 1942 and was printed on the Rotaprint acquired by the movement in the Spring of 1941. At the time, around 10,000 copies of this issue were printed. Despite the « formidable problems of ink and paper supplies », the printing was maintained, and over time, even augmented.

Like the previous issue, this paper is relatively brief. It is composed of only two articles:

- In the first, which encompasses practically the entire issue, Robert Salmon addresses a « Response to Monsieur Pierre Laval ». In his three chapters, « Pride and Lies », « The Proposed Ideal », and « The Generous Vanquisher », the author denounces the Franco-German alliance that Laval seemed to announce, criticizes the Constitutional Act #11 which gave all of the power to Laval, and warns readers about the hypocrisy of the Germans and the Vichy government who hope to trick the French by saying « Europe » instead of « Germany ».

- In the second and final article, Défense de la France alerts the French once again of the « continuous economic pillaging of France ».

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In the months of April and May 1942, following a false alarm, Défense de la France decided to leave the basement of the Sorbonne, which had been their base since the end of August 1941. The movement decided to move to the home of Professor Alphonse Dain, on Rue de Dantzig in the 15th Arrondissement in Paris.

In fourteen months, the Rotaprint thus came to know its fifth move. In a reduced format, this printing press moved easily when security demanded.

Uncomfortably set up in the Professor's bathroom, the printing was not well done. « We made a lot of mistakes that we shred into tiny pieces to burn in the fireplace in the main room. Professor Dain asked us not to completely invade his apartment and to station ourselves in the bathroom! It was kind of a delicate situation » recounted Hélène Viannay. (1)

Since February 1942, this professional offered his support to Défense de la France, and allowed it to pass from an entirely artisanal operation to « formatting the paper on a professional stage [...]. ». « In addition to the supply of materials, Grou-Radenez promised to help Défense de la France with the printing of certain documents » (2). This created a relationship between the movement and photo-engravers and technicians and, above all, to teach the young, inexperienced members the rules of typography.

Among them, Charlotte Nadel, one of the pioneers of the movement, benefited from a rapid and useful apprenticeship, permitting her to control the technical branch of the movement. From then on, the movement operated out of a workshop at 41, Rue du Montparnasse in Paris.

These apprenticeships at the printers help the young pioneers, on the whole, to learn on the job. « Thus a logic was set in place that carried us, swept us rather, and obligated us to respond to the multiple interrogations that sparked its own development. The newspaper is no longer a goal in and of itself, but a base [...]. Our expansion compells us to leave our little ghetto. » (3) This pre-professionalism of the movement was accompanied by a desire to expand. « From Parisian, it transformed into a national organization and extended the reach of their action. » (4)

« The first 21 issues were written by a team of only 9 authors. [...] The directors attributed their articles to their close friends, and once the texts were accepted, signed the copies under a pseudonym: « Indomitus » for Viannay, « Robert Tenaille » for Salmon. The two men wrote the majority of the contributions themselves, though occasionally contributions were sent in from other personalities, such as René Tézenas-du-Montcel, « Maître Jacques », or Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier ». Overall, only a handful of people assumed all of the writing for the newspaper ». (5)

In the first 22 issues, published between August 1941 and November 1942, Défense de la France engaged in combat on the basis of moral protest. Its message, centered on information and counter-propaganda, addressed, unequally, the following subjects: collaboration, defeatism, lost territories and the germanization of local populations, anglophobia, the economic exploitation by Germany, the difficulties of the occupation, Hitlerism and Nazi barbarism, concentration camps, the defeat of the Wehrmacht and the economic difficulties of the Reich.


Source: (1) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, l'instinct de résistance de l'Occupation à l'école des Glénans, Pascal publications, 2004. (2) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance , Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (3) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, Ramsay publications, 1988. (4) Olivier Wieviorka, Op.cit. (5) Ibid. (6) Clarisse Feletin, Op.cit.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

 

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique

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L’année 1942 est une année charnière dans l'évolution du conflit devenu mondial.
Les forces de l'Axe sont à leur apogée : en Europe, le Reich contrôle la majorité des territoires et n'a subi aucune défaite mise à part la « non-victoire » face à l'Angleterre. En Afrique du Nord, il ne manque que l'Egypte à l'Afrika Korps. Dans le Pacifique, le Japon contrôle la majorité des îles.

Mais à partir du printemps 1942, le cours de la guerre change ; les Alliés, Américains, Britanniques et Soviétiques se rencontrent plusieurs fois depuis le début de l’année pour mettre en place une stratégie commune. 

Les Etats-Unis, qui mettent toute leur puissance industrielle au service de la guerre depuis l’attaque de Pearl Harbor, sont bientôt en mesure de porter des coups et de relancer la reconquête de l'océan Pacifique, île par île. 

Partout, les différents fronts se bloquent et les forces de l'Axe stoppent leur avancée. les Allemands relancent leur offensive vers l’est, en direction de la Volga et des pétroles du Caucase. Mais leurs troupes subissent de lourdes pertes et restent bloquées devant Stalingrad. 

En Afrique du Nord, les Britanniques reprennent peu à peu l’initiative et commencent à repousser Rommel et l'Afrika Korps vers l’ouest.

En France le Maréchal Pétain perd en crédibilité auprès d’une population française fatiguée, usée par les difficultés du rationnement et les restrictions quotidiennes que lui inflige une occupation allemande de plus en plus pesante. L’impopularité de Pierre Laval, devenu chef du gouvernement le 18 avril, l’augmentation de la repression qui se traduit par des rafles et de persécutions multiples, favorisent le rejet de la collaboration et font de 1942 un tournant dans l’évolution des mentalités dont profite une Résistance qui n'a cessé, au cours des six premiers mois de 1942, de tisser sa toile, de veiller, d'entreprendre. 

En ce printemps 1942, c’est « l’époque de l’apparition des grands mouvements de résistance »


Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.

 

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The year of 1942 was a pivotal year in the evolution of the war, as it began to become global. The Axis forces were at their peak: in Europe, the Reich controled a majority of the territories and was subjected to no defeats apart from the « non-victory » against England. In North Africa, the Afrika Korps controlled all but Egypt.

In the Pacific, Japan controlled a majority of the islands. But starting in the Spring of 1942, the war began to change; the Allies, Americans, British, and Soviets had met several times since the beginning of the year to establish a common strategy.

The United States, who had put all of their industrial strength behind the war effort following the attack on Pearl Harbor, were soon in a position to deal blows and to undertake the reconquest of the Pacific Ocean island by island.

Everywhere, the different forces retreated as the Axis stopped the advance. In the East, the Germans launched a counter-offensive toward the Volga and the oil reserves in Caucasia. However, their forces fell victim to heavy losses and they were blocked by the Russians before Stalingrad.

In North Africa, the British began to retake initiative, little by little, dispelling Rommel and the Afrika Korps toward the west.

In France, Marshall Pétain lost credibility amongst a worn-out French population, tired of the hardships of rationing and the daily restrictions inflicted by a German occupation that were growing heavier and heavier. The unpopularity of Pierre Laval, who became the head of the government on April 18, and the increase in German repression through raids and persecution, encouraged the French to reject the collaboration, which thus inspired a change in the mentalities of the population. The primary beneficiary of this change in mentality was the Resistance, who, throughout the first six months of 1942, ceaselessly spun its web of connections, preparing, watching, and waiting.

In Spring 1942, it was « the time of the appearance of the great movements of the Resistance ».


Source: Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

 

Author: Emmanuelle Benassi