Journal Défense de la France, n°25, 1er janvier 1943
Légende :
Newspaper "Défense de la France", n°25, January 1, 1943.
Genre : Image
Type : Presse clandestine/ Clandestine Press
Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés
Détails techniques :
Feuillet imprimé au recto-verso. Format 21 x 31 cm. Le papier, acheté au marché noir, est jaunâtre et de médiocre qualité.
Lieu : France - Ile-de-France
Analyse média
25e journal de Défense de la France. Cette édition est datée du 1er janvier 1943 et imprimée sur la Rotaprint acquise par le mouvement au printemps 1941.
En 1943, le tirage va connaître une croissance spectaculaire qui s’explique d’une part par l’extension des effectifs et, d’autre part, par le développement du professionnalisme des imprimeries. Ainsi au début de l’année, le tirage atteint une moyenne de 100 000 à 120 000 exemplaires.
Ce journal est le dernier à porter la mention « Ni Allemands, ni Russes, ni Anglais ». Bien que l’évolution du conflit joue en faveur d’un processus d’unification de la Résistance et d’un ralliement aux forces alliées, Défense de la France peine à abandonner l’isolement de son engagement et certaines de ses convictions. A partir de la fin 1942, pourtant, la jonction s’opère et le mouvement s’adapte aux réalités.
Ce premier numéro de l’année 1943 est constitué de quatre principaux articles et d’une mise en garde des Français contre la traîtrise et la délation. Défense de la France promet une « terrible vengeance ».
- Dans son article, « Indomitus » appelle l’armée française à unir ses forces et à se rassembler sous « un seul drapeau » afin de « sauver la nation française ». Philippe Viannay a définitivement abandonné sa position maréchaliste et incite fermement l’armée à n’éprouver « aucun scrupule de fidélité envers le régime de Vichy et le Maréchal ».
- Un second article signé Défense de la France exhorte les Français à « Gagner la paix » par une lutte sans limite.
- Sous la plume de « R. Christian », Défense de la France poursuit « sa croisade pour la civilisation chrétienne ». Malgré les nouveaux combats engagés depuis la fin de l’année 1942, certaines continuités prévalent dans le journal de 1941 à 1944 : le maintien de la référence chrétienne en est une.
- « Robert Tenaille » consacre le dernier article au positionnement de l’Italie confrontée à « La menace stratégique », aux « Bombardements », au « Malaise intérieur. »
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L’impression du journal s’effectue, depuis la fin du mois de septembre 1942, dans un appartement de la rue Gazan entièrement insonorisé, grâce à deux épaisseurs de liège fixées sur les murs au moyen de colle et d’épingles, évitant ainsi aux vibrations de passer. Cette « imprimerie qui fut une des plus belles réalisations techniques de Défense de la France » (1) permet à « Simone » d’augmenter son tirage.
Par ailleurs, le soutien apporté au mouvement par Jacques Grou-Radenez depuis le mois de février de cette même année, contribue très largement à cette expansion de Défense de la France. Et l’on peut affirmer qu’en ce début d’année 1943, Défense de la France sort définitivement de sa phase artisanale.
« Outre la fourniture du matériel, ce professionnel dépanne le mouvement pour l’impression de certains documents » (2) et le met en relation avec des photograveurs et des techniciens qui n’hésitent pas à former les jeunes militants inexpérimentés au métier d’imprimeur et à l’ensemble des règles de la typographie.
Parmi eux, Charlotte Nadel, pionnière du mouvement, bénéficie d’un apprentissage rapide et utile, lui permettant de coiffer, à terme, toute la branche technique du mouvement. Dès lors, le mouvement installe un atelier de composition au n°41, de la rue du Montparnasse.
Ces stages chez l’imprimeur complètent l’apprentissage de ces pionniers de l’imprimerie qui, dans l’ensemble, se forment sur le tas.
« Ainsi était mise en route une logique qui nous portait, nous emportait plutôt, et nous obligeait à répondre aux multiples interrogations que suscitait son propre développement. Le journal n’était plus une fin en soi mais un support. […] Notre expansion nous contraignait à sortir de notre petit ghetto. » (3)
Cette préprofessionalisation du mouvement s’accompagne d’une volonté d’expansion. « De parisien, il se mue, en une organisation nationale et élargit par ailleurs le champ de son action. » (4)
Nul doute, le début de l’année 1943 marque une étape importante ; le mouvement change de dimension. Défense de la France entre dans une seconde phase.
L’évolution du conflit depuis la fin du mois de novembre 1942 influe favorablement sur le développement de la Résistance. La presse clandestine adapte son discours et fortifie son engagement. C’est le cas pour Défense de la France qui change progressivement le contenu de son journal. Tout en restant fidèle à ses principes énoncés dès 1941, le mouvement abandonne peu à peu son répertoire, centré jusqu’ici sur une simple protestation morale, au profit d’un message plus radical visant à mobiliser activement les Français afin qu’ils « ruinent définitivement l’ennemi. »
Ainsi, sur les 27 numéros publiés par Défense de la France du 1er novembre 1942 à août 1944, ce thème revient à 8 reprises et bénéficie parfois d’articles particuliers.
Par ailleurs, la contre-propagande comme les informations militaires, jusqu’alors privilégiées, passent au second plan. De même « la nocivité du nazisme et du régime pétainiste étant désormais admise par l’opinion, le journal juge inutile de s’étendre sur ces thèmes. » (5)
La ligne du journal connaît donc un revirement total et « se consacre à définir les modalités du combat. » (6)
Sources : (1) Extrait d’un Exposé synthétique de ce que fut le mouvement « Défense de la France, document non daté. Mais la nature de ce document d’archive nous permet de situer sa rédaction dans les années 1945-1950, collection Jean-Marie Delabre. (2) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940-1949, éditions du Seuil, 1995. (3) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, éditions Ramsay, 1988. (4) Olivier Wieviorka, Op.cit. (5) Ibid. (6) Ibid.
This 25th issue of Défense de la France is dated January 1, 1943 and was printed on the Rotaprint, which was acquired by the movement in the Spring of 1941. In 1943, the printing achieved even greater numbers of publications partly as a result of an increase in the access to materials, but also due to their professionalization.
Thus, at the beginning of the year, DF achieved an average of between 100,000 and 120,000 copies. This issue is the last to bear the motto, « Neither Germans, nor Russians, nor English ». As the evolution of the conflict tended to favor a unification of the Resistance movements with the Allied Forces, Défense de la France tended to abandon some of its previous convictions. Starting at the end of 1942, the paper decided to adapt to the reality of the moment.
This first issue of 1943 consists of four principal articles and a warning against betrayal and informing. Défense de la France promises a « terrible vengeance ».
- In his article, « Indomitus » calls the French army to unite its forces under « one sole flag » to « save the French nation ». Philippe Viannay had definitively abandoned his support for Pétain and strongly encouraged the army to discard « any scrap of fidelity toward the Vichy regime and the Marshall ».
- A second article urges the French to « win peace » through a limitless struggle.
- Under the pen of « R. Christian », Défense de la France pursues « their crusade for Christian civilization ». Despite the new battles since the end of 1942, certain continuities prevailed in the newspaper from 1941 to 1944: the maintenance of a Christian reference is among them.
- « Robert Tenaille » devotes the last article to the situation in Italy, who is confronted by « a strategic threat », « bombardments », and « internal uneasiness ».
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Since the end of September, Défense de la France, the printing took place in an apartment along Rue Gazan which was completely soundproof, thanks to two cork coverings attached to the walls with glue and pins. This « printing press, which was one of the best technological realizations of the movement » (1), allowing them to augment their printing.
Since February 1942, the professional printer, Grou-Radenez, offered his support to Défense de la France, and contributing greatly toward its professionalization. « In addition to the supply of materials, Grou-Radenez promised to help Défense de la France with the printing of certain documents » (2).
This created a relationship between the movement and photo-engravers and technicians and, above all, to teach the young, inexperienced members the rules of typography.
Among them, Charlotte Nadel, one of the pioneers of the movement, benefited from a rapid and useful apprenticeship, permitting her to control the technical branch of the movement. From then on, the movement operated out of a workshop at 41, Rue du Montparnasse in Paris.
These apprenticeships at the printers helped the young pioneers, on the whole, to learn on the job.
« Thus a logic was set in place that carried us, swept us rather, and obligated us to respond to the multiple interrogations that sparked its own development. The newspaper is no longer a goal in and of itself, but a base [...]. Our expansion compels us to leave our little ghetto. » (3)
This pre-professionalism of the movement was accompanied by a desire to expand. « It transformed from a Parisian into a national organization and extended the reach of their action. » (4)
Without a doubt, at the end of 1942, Défense de la France was entering a second phase.
The evolution of the conflict since November 1942 favorably influenced the development of the Resistance. The underground newspapers adapted their discourse and fortified their operations. Such was the case for Défense de la France as well, who progressively changed the content of their newspaper.
While staying true to the principles they announced in 1941, the movement abandoned its repertoire little by little, which had thus far been centered on a simple moral protest, and moving in favor of a more radical message looking to mobilize the French to « definitively ruin the enemy » (5).
Thus, of the 27 issues published between November 1, 1942 and August 1944, the theme returned to 8 central themes, sometimes benefiting particular articles.
In addition, the counter-propaganda such as military information, which had previously been favored, now took a backseat. Similarly, « the noxiousness of Nazism and the Pétain regime were proven by opinion, as the paper found it less useful to dwell on these themes. » (5)
The discourse of the newspaper thus underwent a complete turnaround, « dedicating itself to defining the terms of the combat ». (6)
Source: (1) Exposé synthétique de ce que fut le mouvement « Défense de la France » collection de JM Delabre. (2) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance , Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (3) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, Ramsay publications, 1988. (4) Olivier Wieviorka, Op.cit. (5) Ibid. (6) Ibid.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmanuelle Benassi
Contexte historique
Le début de l’année 1943 marque un tournant décisif dans l’évolution du conflit mondial.
Amorcé depuis le printemps 1942, ce changement résulte, notamment, de la mise en place d’une stratégie commune par les forces alliées qui permet de stopper, sur la plupart des fronts, l’avancée des forces de l’Axe.
Le débarquement allié en Afrique du Nord survenu le 8 novembre, la libération de l’Afrique du Nord et l’enlisement définitif de la Wermahcht aux portes de Stalingrad changent progressivement mais radicalement la face du conflit sur le plan national comme sur le plan international et signent l’inéluctabilité de la défaite allemande.
Désormais, l’ensemble des forces alliées peut s’inscrire dans la perspective d’une victoire possible.
En France, le mythe d’un Pétain résistant est définitivement brisé. La population française, fatiguée, usée par les difficultés du rationnement, les restrictions quotidiennes et l’ensemble des exactions commises par les Allemands, cultive une haine de plus en plus marquée à l’égard de l’occupant dont la présence s’étend depuis le 11 novembre sur l’ensemble du territoire.
L’impopularité de Pierre Laval, chef du gouvernement depuis le 18 avril, l’augmentation de la répression qui se traduit par des rafles et l’institution de la relève le 22 juillet 1942 favorisent le rejet de la collaboration et font de 1942 un tournant dans l’évolution des mentalités dont profite une Résistance qui n'a cessé, au cours de l’année 1942, de tisser sa toile, de veiller, d'entreprendre.
L’évolution du conflit lui impose une véritable mutation. Cantonnée jusqu’à présent à une simple protestation symbolique sans réelle incidence pratique, la Résistance va s’inscrire dans cette mouvance générale en s’adaptant aux événements présents et à venir.
En outre, l’action entreprise par Jean Moulin, délégué du général de Gaulle, depuis le début de l’année, permet aux dirigeants des principales organisations de résistance de travailler progressivement à un processus d’unification de leurs forces.
Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.
The beginning of 1943 marked a pivotal moment in the global conflict. Beginning in the Spring, this change resulted notably from the institution of a common strategy by the Allied Forces, permitting them to stop the advancement of Axis forces on a majority of fronts.
The Allied landing in North Africa occurred on November 8, the liberation of North Africa, and the collapse of the Wehrmacht at the gates of Stalingrad progressively and radically changed the face of the conflict on both the national and international stages. The Allied Forces could begin to assembling their forces with victory now seeming possible.
In France, the myth of Marshall Pétain was effectively crushed. The French, worn-out and tired of the hardships of rationing and the daily restrictions inflicted by a German occupation, cultivated a hatred toward the occupiers that grew stronger and stronger since November 11.
The unpopularity of Pierre Laval, who became the head of the government on April 18, and the increase in German repression through raids and persecution, encouraged the French to reject the collaboration, which thus inspired a change in the mentalities of the population. The primary beneficiary of this change in mentality was the Resistance, who, throughout the first six months of 1942, ceaselessly spun its web of connections, preparing, watching, and waiting.
The evolution of the conflict caused a real mutation in the Resistance. Having been previously confined to a simple, symbolic protestation, the Resistance was to soon gain influence and adapt to the coming events.
Thanks to the actions undertaken by Jean Moulin, delegate of General de Gaulle, the principle organizations of the Resistance began to work toward the unification of their forces.
Source: Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmanuelle Benassi