Journal Défense de la France, n°32, 8 mai 1943
Légende :
Newspaper "Défense de la France", n°32, May 8, 1943.
Genre : Image
Type : Presse clandestine/ Clandestine Press
Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés
Détails techniques :
Numéro imprimé dans le format 21 x 32 cm. Le papier acheté au marché noir demeure de qualité inégale et bien souvent médiocre.
Lieu : France - Ile-de-France
Analyse média
Ce 32e journal de Défense de la France est imprimé sur la nouvelle presse professionnelle, une Teisch très puissante acquise par le mouvement au mois d’avril.
Cette édition est composée de six articles :
- Le premier signé « Jean Lorraine », Jean-Daniel Jurgensen évoque la « Nécessité d’une mystique » et, dans la continuité de ce mouvement spontané qu’est la Résistance, représenté par le général de Gaulle, l’indispensable foi en une idée forte qui doit devenir « la IVe République ».
- Entre deux articles, Défense de la France glisse un bref extrait du discours du général de Gaulle prononcé le 20 avril 1943 dans lequel il rappelle une fois de plus sa volonté de voir le peuple français être le maître chez lui. Au deuxième trimestre, le mouvement a définitivement fermé la parenthèse giraudiste et reconnaît de Gaulle comme l’unique chef de la Résistance.
- Dans le troisième article, intitulé « Servir la France », Défense de la France « appuie ses prétentions politiques en admettant que [le général de Gaulle] prenne la tête d’un gouvernement provisoire à Alger. »
- Comme dans le précédent numéro, « Scrutator », Jean-William Lapierre, présente sa « Revue de la presse » et sélectionne les thèmes suivants : « Le gouvernement Pétain », « Le débarquement », « La légitimité républicaine » enfin, des témoignages « pris sur le vif » de Français n’osant pas écrire leur révolte et leur soif de rébellion.
- Après un bref article consacré à « La Relève », Défense de la France publie des « Nouvelles d’Allemagne » qui subit de lourds bombardements notamment sur ses zones industrielles.
- Dans sa dernière rubrique intitulée « Tribune libre », Défense de la France communique « quelques pensées pleines de bon sens d’un groupe d’ouvriers prônant l’unification de la lutte ».
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A cette époque, Défense de la France finalise ses installations professionnelles engagée en 1942 grâce au concours déterminant des hommes de métiers – Jacques Grou-Radenez et Alain Radiguer avant tout – qui permettent au mouvement d’acquérir des machines professionnelles, du matériel divers mais aussi et surtout le savoir-faire.
Par l’intermédiaire du premier, Défense de la France se dote en avril 1943 d’une Teisch, une presse fort puissante qui augmente considérablement le tirage du journal. Dès lors, la Rotaprint utilisée depuis le printemps 1941, est définitivement mise de côté.
Contrairement à cette dernière, la nouvelle machine pèse plus d’un tonne et ne peut se transporter aisément. « Le mouvement recherche donc des emplacements sûrs afin d’éviter des déménagements complexes à réaliser. […] La Teisch est ainsi, initialement abritée dans un garage situé rue de Sèvres avant d’être installée, en juillet 1943, aux établissements Larbordière à Aubervilliers. […] Hormis les heures de tirage, la machine, placée dans le local des expéditions, est recouverte d’une énorme caisse que manœuvre unsystème de poulis. Ce camouflage soustarit la Teisch au regard indiscret des Allemands qui exploitent cette usine. »
Très vite, l’acquisition de ce matériel renforce l’indépendance du mouvement en rendant inutile le recours aux imprimeurs professionnels. « Surtout, ces presses améliorent la présentation du journal tout en accroissant la vitesse d’impression. »
L’accroissement des effectifs permet l’extension de la diffusion et impose donc une augmentation des tirages.
L’évolution du conflit depuis la fin du mois de novembre 1942 influe favorablement sur le développement de la Résistance.
La presse clandestine adapte son discours et fortifie son engagement. C’est le cas pour Défense de la France qui change progressivement le contenu de son journal. Tout en restant fidèle à ses principes énoncés dès 1941, le mouvement abandonne peu à peu son répertoire, centré jusqu’ici sur une simple protestation morale, au profit d’un message plus radical visant à mobiliser activement les Français afin qu’ils « ruinent définitivement l’ennemi ». Ainsi, sur les 27 numéros publiés par DF du 1er novembre 1942 à août 1944, ce thème revient à 8 reprises et bénéficie parfois d’articles particuliers.
De même, l’instauration du STO le 16 février 1943 permet au mouvement de fournir des mots d’ordre clairs appelant les jeunes Français à la désertion. Par ailleurs, la contre-propagande comme les informations militaires, jusqu’alors privilégiées, passent au second plan. En outre, « la nocivité du nazisme et du régime pétainiste étant désormais admise par l’opinion, le journal juge inutile de s’étendre sur ces thèmes. » La ligne du journal connaît donc un revirement total et « se consacre à définir les modalités du combat. »
Enfin, après une brève parenthèse giraudiste, le discours du journal affiche, sous l’influence de Jean-Daniel Jurgensen, une loyauté sans faille à l’égard du général de Gaulle qu’il considère, finalement comme l’unique chef de la France combattante.
Sources : Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France, 1940-1949, éditions du Seuil, 1995.
This 32nd issue of the underground newspaper, Défense de la France was printed on a new, powerful professional printing machine, a Teisch that was acquired by the movement in April.
This issue is composed of six articles:
- In the first article, signed « Jean Lorraine », Jean-Daniel Jurgensen evokes the « Necessity of the Mystical » and in the continuity of the spontaneous movement that is the Resistance, represented by General de Gaulle, the indispensable faith in an idea that is to become the « IV République ».
- Over two articles, Défense de la France covered a brief excerpt of a speech by General de Gaulle from April 20, in which he called the French to be their own masters. In the second trimester, the movement ended its support of Giraud, recognizing de Gaulle as the sole leader of the Resistance.
- In the third article, titled « To Serve France », Défense de la France « pushed their political beliefs by supposing that General de Gaulle should head any provisional government in Algiers. »
- As in the previous issue, « Scrutator », Jean-William Lapierre presents his « Press Review » and selects the following themes: « the Pétain government », « the Allied landing », « the Republican legitimacy » and « firsthand » accounts of the French not daring to write of their revolts and their thirst for rebellion.
- After a brief article devoted to « la Relève » (the policy by which French workers were exported to Germany in exchange for the release of French war prisoners), Défense de la France published its « News from Germany » which had been submitted to heavy bombardments notably in their industrial zones.
- In their final section, titled « Free Trial », Défense de la France communicated « some sensible thoughts by a group of factory workers advocating for the unification of the struggle ».
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At this time, Défense de la France was in the process of finalizing its professional installations begun in 1942 thanks to the determined help of professionals – above all, Jacques Grou-Radenez and Alain Radiguer – who enabled the movement to acquire professional machines and the various necessary materials, as well as training them in how to print their paper.
Through Grou-Radenez, the movement managed to equip itself with a Teisch printer in April 1943. The Teisch machine was a powerful printer than enabled the group to considerably augment its printing quantities. From this point on, the Rotaprint, which had been used since the Spring of 1941, was set aside.
Unlike its predecessor, this new machine weighed more than a ton and could not be easily transported. « Therefore, the movement looked for a site where they could avoid the nearly impossible task of having to move the machine. [...] The Teisch was thus initially sheltered in a garage on Rue de Sèvres until it was installed in the premises of Labordière in Aubervilliers. [...] Save for the hours of printing, the machine was hidden in the shipping department, covered in a giant box that was maneuvered with a system of pulleys. This camouflage protected the Teisch from the Germans that used the factory ». (1)
To compensate for the disorganization resulting from these movements, Grou-Radenez took charge of the printing of the 31st issue, thus assuring the transition, which certainly explained the reduction in copies being printed. The acquisition of these materials quickly made the assistance of the professional printers unnecessary, also greatly reinforcing the independence of the movement. « This printing press improved the presentation of the newspaper all while increasing the rate of production ». (2)
An increase in membership allowed the movement to extend its diffusion and print more copies, confirming the success of the professionalization. The evolution of the conflict since November 1942 favorably influenced the development of the Resistance. The underground newspapers adapted their discourse and fortified their operations. Such was the case for Défense de la France as well, who progressively changed the content of their newspaper.
While staying true to the principles they announced in 1941, the movement abandoned its repertoire little by little, which had thus far been centered on a simple moral protest, and moving in favor of a more radical message looking to mobilize the French to « definitively ruin the enemy ».
Thus, of the 27 issues published between November 1, 1942 and August 1944, the theme returned to 8 central themes, sometimes benefiting particular articles.
At the same time, the Service du Travail Obligatoire (STO) was established on February 16, 1943, which forced young French men to be deported to Germany to work and aid the war effort, as Germany's labor force was weakened by the need of more troops.
The establishment of the STO gave Défense de la France the opportunity to provide clear orders calling the young French to desert. In addition, the counter-propaganda such as military information, which had previously been favored, now took a backseat.
Similarly, « the noxiousness of Nazism and the Pétain regime were proven by opinion, as the paper found it less useful to dwell on these themes. » (3) The discourse of the newspaper thus underwent a complete turnaround, « dedicating itself to defining the terms of the combat ». (4)
Source: (1) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (2) Ibid. (3) Ibid. (4) Ibid.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmanuelle Benassi
Contexte historique
L’année 1943 marque un tournant décisif dans l’évolution du conflit mondial.
Amorcé depuis le printemps 1942, ce changement résulte, notamment, de la mise en place d’une stratégie commune par les forces alliées qui permet de stopper, sur la plupart des fronts, l’avancée des forces de l’Axe.
Des rives de la Volga aux plages de Sicile, l’armée allemande vacille. Depuis le 2 février, Stalingrad est enfin reprise par l’armée Rouge qui déferle à la poursuite de la Wehrmacht et reprend les terres perdues en 1942. Rommel cède du terrain en Afrique où les Alliés ont débarqué le 8 novembre. Ces derniers événements changent progressivement mais radicalement la face du conflit sur le plan international comme sur le plan national et signent l’inéluctabilité de la défaite allemande.
Désormais, l’ensemble des forces alliées peut s’inscrire dans la perspective d’une victoire possible.
En France, le mythe d’un Pétain résistant est définitivement brisé. La population française, fatiguée, usée par les difficultés du rationnement, les restrictions quotidiennes et l’ensemble des exactions commises par les Allemands, cultive une haine de plus en plus marquée à l’égard de l’occupant dont la présence s’étend depuis le 11 novembre sur l’ensemble du territoire.
L’impopularité de Pierre Laval, chef du gouvernement depuis le 18 avril 1942, l’augmentation de la répression qui se traduit par des rafles et l’institution du Service du traval obligatoire (STO) favorisent le rejet de la collaboration et marquent un tournant dans l’évolution des mentalités dont profite une Résistance qui n'a cessé, au cours de l’année 1942, de tisser sa toile, de veiller, d'entreprendre.
L’évolution du conflit l’amène à s’inscrire dans cette mouvance générale en s’adaptant aux événements présents et à venir et lui impose une véritable mutation. Elle s’organise grâce notamment à l’action entreprise par Jean Moulin qui, depuis plusieurs mois, parcourt la France occupée en vue de regrouper les dirigeants des principales organisations de résistance et, ensemble, de poursuivre le processus d’unification de leurs forces.
1943 est donc une année décisive où les espoirs changent de camp, où, malgré les souffrances et les sacrifices de plus en plus durs, on se prend à espérer, à oser croire peut-être de nouveau en un avenir, à se laisser porter par souffle de la victoire.
Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.
The beginning of 1943 marked a pivotal moment in the global conflict. Beginning in the Spring, this change resulted notably from the institution of a common strategy by the Allied Forces, permitting them to stop the advancement of Axis forces on a majority of fronts.
From the banks of the Volga to the beaches of Sicily, the German army began to buckle. On February 2, Stalingrad was retaken by the Red Army, who swept out in pursuit of the Germans, retaking lands lost in 1942. Rommel lost terrain in North Africa, where the Allies landed on the eighth of November.
These recent developments progressively and radically changed the face of the conflict on both the national and international stages, signaling the inevitable defeat of Germany. The Allied Forces could begin to assembling their forces with victory now seeming possible.
In France, the myth of Marshall Pétain was effectively crushed. The French, worn-out and tired of the hardships of rationing and the daily restrictions inflicted by a German occupation, cultivated a hatred toward the occupiers that grew stronger and stronger since November 11.
The unpopularity of Pierre Laval, who became the head of the government on April 18, and the increase in German repression through raids and persecution, encouraged the French to reject the collaboration, which thus inspired a change in the mentalities of the population. The primary beneficiary of this change in mentality was the Resistance, who, throughout the first six months of 1942, ceaselessly spun its web of connections, preparing, watching, and waiting.
The evolution of the conflict led the Resistance to adapt to the general movement and become more involved in the present events. It was organized most notably by the actions of Jean Moulin who, for several months, had traversed France to regroup the leaders of the various resistance movements and bring them together in a process of unification through the Conseil national de la Résistance (National Council of the Resistance), created in February.
1943 was therefore a decisive year in which the balance tipped in favor of the Allies and in which, despite the suffering and the sacrifices that became more and more difficult, one could bring themselves to hope, one could dare to believe in a new future, to let themselves be carried away by the spirit of victory.
Source: Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmanuelle Benassi