Journal Défense de la France, n°39, 30 septembre 1943

Légende :

Newspaper "Défense de la France", n°39, September 30, 1943.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés

Détails techniques :

Numéro imprimé sur un feuillet au recto et au verso. Format 25 x 32 cm. Le papier utilisé demeure de qualité inégale et bien souvent médiocre.

Lieu : France - Ile-de-France

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Analyse média

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Cette 39e publication de Défense de la France est imprimée sur la presse du mouvement, la Teisch, acquise au mois d’avril 1943.
Elle est installée depuis le mois de juillet dans les établissements Labordière à Aubervilliers. La machine est placée dans le local des expéditions, recouverte, en dehors des heures de tirage, d’une énorme caisse que manœuvre un système de poulies. La Phénix, dont se dote Défense de la France en juin, n’est utilisée que peu de temps.
Les arrestations du 20 juillet débouchent sur la saisie de cette presse sans pour autant entamer le potentiel du mouvement qui conserve la Teish et les ateliers typographiques.

Ce nouvel équipement spécialisé permet, d’une part, d’améliorer la présentation du journal (les compositions sont désormais irréprochables) et, d’autre part, d’accroître la vitesse d’impression augmentant ainsi le nombre de tirages qui n’a cessé de s’intensifier depuis le début de l’année. A cette époque, le tirage s’élève en moyenne à 150 000 exemplaires.
Défense de la France finalise donc, à cette époque, ses installations professionnelles engagées en 1942 grâce au concours déterminant des hommes de métier – Jacques Grou-Radenez et Alain Radiguer avant tout – qui permettent au mouvement d’acquérir ces machines, du matériel divers mais aussi et surtout le savoir-faire.

Très vite, ces nouvelles acquisitions renforcent l’indépendance du mouvement en rendant inutile le recours aux imprimeurs professionnels. Cette professionnalisation du mouvement s’accompagne en effet d’une volonté d’expansion. « De parisien, il se mue, en une organisation nationale » (1) et s’assure des relais en province, notamment en zone sud, moyennant des échanges de services. Nul doute, l’année 1943 marque une étape importante ; le mouvement change de dimension. Par ailleurs, l’accroissement des effectifs de Défense de la France, notamment depuis l’intégration d’une partie des éléments des Volontaires de la Liberté que dirige le très charismatique Jacques Lusseyran, permet une extension de la diffusion – dont ils ont la charge – qui impose une augmentation des tirages et accélère par conséquent la professionnalisation des imprimeries du mouvement.

Cette édition est un numéro spécial sur les camps de la mort. Dans son journal intitulé : « LES DÉFENSEURS DE LA CIVILISATION », Défense de la France dénonce, en s’appuyant sur des photos inédites transmises par la Suisse ou par des prisonniers de guerre détenus près de Rawa-Ruska, le système concentrationnaire nazi.

En réaction à la vague d’arrestations du 20 juillet 1943 qui « a été le grand chagrin de Philippe »  (2), Défense de la France décide de consacrer un numéro aux atrocités perpétrées par les nazis et la police française. « Le journal comprend notamment des photographies d’enfants faméliques et de prisonniers russes jetés dans des charniers.
Outre l’information du public, cette publication vise également à innocenter les militants arrêtés.
[…] En montrant qu’il n’ignore rien des méthodes nazies, dévoilées à l’opinion, le journal exerce une discrète pression sur les services repressifs. » (3)

Au recto du journal, une série d’articles apporte un complément d’information sur ces innommables persécutions perpétrées par les nazis, au nom de principes raciaux et politiques. Défense de la France juge nécessaire de publier de pareilles horreurs, afin de « témoigner », « convaincre » et « dégoûter ».

Sont ainsi dénoncées :

- « Les horreurs de la police de Vichy et de la Gestapo » ;

- L’ordre nouveau en Europe, dans les camps de concentration et en Pologne ;

Et, dans un troisième article, la rédaction rappelle aux Français que la reproduction de ces « Fruits de la haine » a pour but ultime de les combattre.

 

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L’évolution du conflit depuis la fin du mois de novembre 1942 influe favorablement sur le développement de la Résistance. La presse clandestine adapte son discours et fortifie son engagement. C’est le cas pour Défense de la France qui change progressivement le contenu de son journal. Tout en restant fidèle à ses principes énoncés dès 1941, le mouvement abandonne peu à peu son répertoire, centré jusqu’ici sur une simple protestation morale, au profit d’un message plus radical visant à mobiliser activement les Français afin qu’ils « ruinent définitivement l’ennemi ». Ainsi, sur les 27 numéros publiés par Défense de la France du 1er novembre 1942 à août 1944, ce thème revient à 8 reprises et bénéficie parfois d’articles particuliers. De même, l’instauration du STO le 16 février 1943 permet au mouvement de fournir des mots d’ordre clairs appelant les jeunes Français à la désertion. 
Par ailleurs, la contre-propagande comme les informations militaires, jusqu’alors privilégiées, passent au second plan. 

En outre, « la nocivité du nazisme et du régime pétainiste étant désormais admise par l’opinion, le journal juge inutile de s’étendre sur ces thèmes. » (2) La ligne du journal connaît donc un revirement total et « se consacre à définir les modalités du combat. » (4)
Enfin, après une brève parenthèse giraudiste, le discours du journal affiche, sous l’influence de Jean-Daniel Jurgensen, une loyauté sans faille à l’égard du général de Gaulle qu’il considère, finalement, comme l’unique chef de la France combattante. 


Sources : (1) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940-1949, éditions du Seuil, 1995. (2) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L’instinct de Résistance de l’Occupation à l’école des Glénans, éditions Pascal, 2004.  (3) Olivier Wieviorka, Op.cit. (3) Ibid. (4) Ibid



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This 39th issue was printed on the movement's printing press, the Teisch machine that it had acquired in April 1943. The machine had been installed in the warehouse of a Labordière factory in Aubervilliers in July, placed in the dispatch department, and covered by a case that was maneuvered by a system of pulleys. The Phénix, recovered in June 1943, was only used by the movement for a short time. The arrests made on July 20 and the subsequent seizure of the Phénix machine were without seriously undermining the potential of the movement, which had retained the Teisch and its typographic workshops.

This new professional equipment allowed the movement to greatly increase its printing speed and augment the number of copies it could diffuse, which would increase continuously since the beginning of the year.


At this point in time, the average printing reached approximately 150,000 copies. At this time, Défense de la France was in the process of finalizing its professional installations begun in 1942 thanks to the determined help of professionals – above all, Jacques Grou-Radenez and Alain Radiguer – who enabled the movement to acquire professional machines and the various necessary materials, as well as training them in how to print their paper.


However, the acquisition of these materials quickly made the assistance of the professional printers unnecessary, also greatly reinforcing the independence of the movement. This professionalization of the movement was accompanied by a desire to expand. « It would be transformed from a Parisian organization into a national one » and verified intermediaries in the countryside, notably in the southern zone, reaching out to exchange services.

Undoubtedly, 1943 marked a critical step in the development of the movement. Additionally, an increase in membership to Défense de la France, most notably following the integration of a part of the Volontaires de la Liberté (Liberty Volunteers), led by the charismatic Jacques Lusseyran, allowed the movement to extend its diffusion and print more copies, confirming the success of the professionalization.


This publication is a special edition on the death camps. In the paper titled, « DEFENDERS OF CIVILIZATION », Défense de la France, using unedited photos from Switzerland or by prisoners of war detained near Rawa-Ruska, denounced the concentration camps of the Nazis.

In reaction to the wave of arrests on July 20, 1943, « and to the chagrin of Philippe » (2), Défense de la France decided to dedicate this issue to the atrocities perpetrated by the Nazis and the French police.

 

« The newspaper comprises notably of emaciated children and of Russian prisoners thrown into mass graves. In addition to the public information, this publication protects the innocence of the arrested militants. [...] By showing that they would ignore none of the Nazi methods, they revealed their opinions, exerting a discrete pressure upon these repressive acts. » (3)

 

On the back of the paper, a series of articles serves to complement the information on the unspeakable atrocities committed by the Nazis, in the name of racial and political principles. Défense de la France judged it necessary to publish this horrifying accounts to « bear witness », « to convince », and « to disgust ».


The subjects denounced by this issue:


- « The horrors of the Vichy police and the Gestapo ».

- The New Order in Europe, in the concentration camps in Poland. In the third article, the French are reminded of the « Fruit of their Hatred » with the ultimate goal of calling the people to combat.


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The evolution of the conflict since November 1942 favorably influenced the development of the Resistance. The underground newspapers adapted their discourse and fortified their operations. Such was the case for Défense de la France as well, who progressively changed the content of their newspaper.

While staying true to the principles they announced in 1941, the movement abandoned its repertoire little by little, which had thus far been centered on a simple moral protest, and moving in favor of a more radical message looking to mobilize the French to « definitively ruin the enemy ».

 

Thus, of the 27 issues published between November 1, 1942 and August 1944, the theme returned to 8 central themes, sometimes benefiting particular articles. At the same time, the Service du Travail Obligatoire (STO) was established on February 16, 1943, which forced young French men to be deported to Germany to work and aid the war effort, as Germany's labor force was weakened by the need of more troops. The establishment of the STO gave Défense de la France the opportunity to provide clear orders calling the young French to desert.

In addition, the counter-propaganda such as military information, which had previously been favored, now took a backseat. Similarly, « the noxiousness of Nazism and the Pétain regime were proven by opinion, as the paper found it less useful to dwell on these themes. » (4)


The discourse of the newspaper thus underwent a complete turnaround, « dedicating itself to defining the terms of the combat ». (5

Finally, after a brief Giraudist period, with the influence of Jean-Daniel Jurgensen, the newspaper exhibited an undaunting loyalty to de Gaulle, who it considered to be the sole leader of the French struggle.

 

Source: (1) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (2) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L'instinct de Résistance et l'Occupation à l'école des Glénans, Pascal publications, 2004. (3) Olivier Wieviorka, Op.cit. (4) Ibid. (5) Ibid.


Traduction : Matthias R/ Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique

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L’année 1943 marque un tournant décisif dans l’évolution du conflit mondial.
Amorcé depuis le printemps 1942, ce changement résulte, notamment de la mise en place d’une stratégie commune par les forces alliées qui permet de stopper, sur la plupart des fronts, l’avancée des forces de l’Axe.

Des rives de la Volga aux plages de Sicile, l’armée allemande vacille. Depuis le 2 février, Stalingrad est enfin reprise par l’armée Rouge qui déferle à la poursuite de la Wehrmacht et reprend les terres perdues en 1942.
A l’été 1943, les Allemands ont définitivement perdu l’initiative sur le front de l’Est tandis que les forces de l’Axe capitulent en Italie. Rommel cède du terrain en Afrique où les Alliés ont débarqué le 8 novembre. Les bombardiers alliés pilonnent sans relâche les centres industriels et les postes militaires stratégiques du Reich et des territoires occupés par la Wehrmacht.

Ces derniers événements changent progressivement mais radicalement la face du conflit sur le plan international comme sur le plan national et signent l’inéluctabilité de la défaite allemande. Désormais, l’ensemble des forces alliées peut s’inscrire dans la perspective d’une victoire possible.

En France, le mythe d’un Pétain résistant est définitivement brisé. La population française, fatiguée, usée par les difficultés du rationnement, les restrictions quotidiennes et l’ensemble des exactions commises par les Allemands, cultive une haine de plus en plus marquée à l’égard de l’occupant dont la présence s’étend depuis le 11 novembre sur l’ensemble du territoire.
L’impopularité de Pierre Laval, chef du gouvernement depuis le 18 avril 1942, l’augmentation de la répression qui se traduit par des rafles et l’institution du Service du traval obligatoire (STO) favorisent le rejet de la collaboration et marquent un tournant dans l’évolution des mentalités dont profite une Résistance qui n'a cessé, au cours de l’année 1942, de tisser sa toile, de veiller, d'entreprendre.
L’évolution du conflit l’amène à s’inscrire dans cette mouvance générale en s’adaptant aux événements présents et à venir et lui impose une véritable mutation. 

Ainsi, avec l’aide des populations civiles, elle accueille les nombreux réfractaires du STO et constitue des "maquis" dans des zones peu habitées. L'afflux de ces jeunes maquisards permet à la Résistance de développer des actions sur une grande échelle et de constituer des forces militaires couvrant tout le territoire.

Elle s’organise, en outre, grâce à l’action entreprise par Jean Moulin qui, depuis plusieurs mois, parcourt la France occupée en vue de regrouper les dirigeants des principales organisations de résistance et, ensemble, de poursuivre le processus d’unification de leurs forces. Ainsi se constituent, en janvier 1943, les Mouvements unis de Résistance (MUR) réunissant les trois principaux mouvements de zone sud, Combat, Libération et Franc-Tireur et le 27 mai se tient la première réunion du Conseil national de la Résistance, représentant des formations des mouvements de Résistance des deux zones.

1943 est donc une année décisive où les espoirs changent de camp, où, malgré les souffrances et les sacrifices de plus en plus durs, on se prend à espérer, à oser croire peut-être de nouveau en un avenir, à se laisser porter par souffle de la victoire.


Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.


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The beginning of 1943 marked a pivotal moment in the global conflict. Beginning in the Spring, this change resulted notably from the institution of a common strategy by the Allied Forces, permitting them to stop the advancement of Axis forces on a majority of fronts.


From the banks of the Volga to the beaches of Sicily, the German army began to buckle. On February 2, Stalingrad was retaken by the Red Army, who swept out in pursuit of the Germans, retaking lands lost in 1942.

In the summer of 1943, the Germans definitively lost their momentum on the Eastern Front, while the Axis forces capitulated in Italy. Rommel lost terrain in North Africa, where the Allies landed on the eighth of November. The Allied bombardments relentless pounded the industrial centers and military posts of the Reich and the territories occupied by the Wehrmacht.

These recent developments progressively and radically changed the face of the conflict on both the national and international stages, signaling the inevitable defeat of Germany. The Allied Forces could begin to assembling their forces with victory now seeming possible.

In France, the myth of Marshall Pétain was effectively crushed. The French, worn-out and tired of the hardships of rationing and the daily restrictions inflicted by a German occupation, cultivated a hatred toward the occupiers that had grown stronger and stronger since November 11.

The unpopularity of Pierre Laval, who became the head of the government on April 18, and the increase in German repression through raids and the Service du Travail obligatoire (STO) – a program forcing young French laborers to relocate to Germany to support the industries of war – encouraged the French to reject the collaboration, which thus inspired a change in the mentalities of the population.
The primary beneficiary of this change in mentality was the Resistance, who, throughout the first six months of 1942, ceaselessly spun its web of connections, preparing, watching, and waiting.

The evolution of the conflict led the Resistance to adapt to the general movement and become more involved in the present events. Thus, with the help of the civilian population, the Resistance housed numerous deserters of the STO and formed « Maquis » in relatively uninhabited areas. These Maquis were bands of armed men who became active in the Resistance fighting against the presence of the Reich.

This influx of these young maquisards allowed the Resistance to develop its actions on a ladder of command, constituting troops all across the territory. It was organized most notably by the actions of Jean Moulin who, for several months, had traversed France to regroup the leaders of the various resistance movements and bring them together in a process of unification. Thus in January 1943, he created the United Movements of the resistance, united three principal movements in the Southern Zone – Combat, Libération, and Franc-Tireur.


On May 27, he organized the first meeting of the Conseil national de la Résistance (National Council of the Resistance), which would represent the formation of movements across the two zones.


1943 was therefore a decisive year in which the balance tipped in favor of the Allies and in which, despite the suffering and the sacrifices that became more and more difficult, one could bring themselves to hope, one could dare to believe in a new future, to let themselves be carried away by the spirit of victory.


Source: Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi