Journal Défense de la France, n°45, avril 1944
Légende :
Newspaper "Défense de la France", n°45, April 1944.
Genre : Image
Type : Presse clandestine/ Clandestine Press
Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés
Détails techniques :
Numéro imprimé sur un feuillet au recto et au verso. Format 25 x 32 cm. Le papier utilisé demeure de qualité inégale et bien souvent médiocre.
Date document : Avril 1944
Lieu : France - Ile-de-France
Analyse média
Ce 45e journal de Défense de la France est imprimé sur les presses professionnelles du mouvement.
Ce 45e numéro propose, comme les autres, de nombreux articles :
- « Robert Tenaille », Robert Salmon, intitule son premier article : « De la démocratie politique à la démocratie sociale ». Dans son exposé, l’auteur présente « les buts de la révolution sociale » engagée par « les combattants de la Résistance ». « Simples et clairs, ils s’énoncent en quelques mots : liberté, sécurité, socialisme, justice, responsabilité ».
- Défense de la France retranscrit ensuite un article de Walter Lippmann extrait du New York Times daté du 18 mars 1944. Dans son exposé, le journaliste entend démontrer que la France doit avoir une place de choix dans le « règlement des questions européennes et la stabilité de l’Europe ». Selon lui la destinée des autres pays est « étroitement liée au sort de la France » qui a un vrai rôle à jouer dans le concert des nations.
- Sous la plume de Philippe Viannay, Défense de la France rappelle aux Français qu’il n’y a qu’ « Une seule colère », « la colère française » dirigée contre « l’ennemi : l’Allemand et ses traîtres ». La Résistance française veut faire « bloc » avec l’ensemble des combattants qui ne se laisseront pas diviser. Dans son article, « Indomitus » démontre que la marche vers l’unité est bel et bien engagée.
- Dans son quatrième article intitulé « La vie politique de la France », un auteur anonyme traite les sujets suivants : « La France et ses Alliés » et « La France est un Empire ».
- A travers son article intitulé « De qui se moque-t-on », « Jean Lorraine », Jean-Daniel Jurgensen réagit face à la décision du commissaire à la Justice de mettre « sous séquestre des journaux et périodiques ayant paru en Afrique du Nord antérieurement au 8 novembre 1942 », afin que la commission d’épuration puisse, le moment venu, en disposer facilement. DF juge cette « disposition dérisoire » et outrageante « pour tous ceux qui, sur le sol national souffrent et luttent pour une France où l'on puisse balayer les derniers vestiges de la trahison et refaire une Patrie libre et forte ».
- Défense de la France rappelle aux Français, dans un 6ème article que « La France est en guerre ». Il communique aux lecteurs un compte rendu des nombreuses opérations accomplies par différentes organisations de résistance, ainsi que de « La bataille du maquis ».
- Après un avertissement lancé aux « Alsaciens-Lorrains » à propos de mesures prises par les Allemands sur leurs concitoyens, Défense de la France communique à ses lecteurs une "Lettre venue d'un Oflag" en date du 1er février 1944.
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A cette époque, Défense de la France possède une Teisch, une Crafftmann, acquises respectivement au mois d’avril 1943 et au mois d’octobre de la même année, et une troisième machine appelée « La grosse Margot » dont il se dote au printemps 1944.
La première est depuis juillet dans les établissements Labordière à Aubervilliers tandis que la seconde, est abritée dans un lavoir désaffecté que tient madame Cumin, âgée de 84 ans.
L’organisation désormais professionnelle de Défense de la France renforce l’indépendance du mouvement en rendant inutile le recours aux imprimeurs de métier. Ce nouvel équipement permet, d’une part, d’améliorer la présentation du journal et, d’autre part, d’accroître la vitesse d’impression et donc d’augmenter le nombre de tirages. En outre, depuis l’automne 1943, DF décentralise ses imprimeries, notamment en zone sud, suite à un accord conclu entre Philippe Viannay et Claude Bourdet au mois d’octobre. Ce dernier « cherchait à me joindre pour faire participer Défense de la France à l’opération de regroupement qu’il tentait en zone nord, faisant suite à celle qui avait déjà été réalisée en zone sud avec les Mouvements unis de la Résistance (MUR) », se souvient Philippe Viannay. (1)
Défense de la France s’engage à imprimer et diffuser Combat en zone Nord et à équiper ses imprimeries de Lyon d’une Crafftmann automatique et du matériel nécessaire, grâce à la générosité d’Alain Radiguer. En retour, l’équipe de Bourdet, sous la houlette de Velin, prend en charge le tirage et la diffusion de Défense de la France pour la zone Sud, en remplacement de France que leur « rédaction s’avérait incapable de réaliser dans le sens voulu. » (2)
Les deux rédactions « restent absolument indépendantes tout en réalisant, en commun un pool d’informations et de photos. »
Ainsi, la dissémination des ateliers – composition, clicherie et imprimerie – la spécialisation des permanents, une efficace stratégie de diffusion et une organisation rigoureusement cloisonnée répondent aux exigences voulues par Philippe Viannay et assurent à Défense de la France une protection irréprochable.
En revanche, l’accélération des derniers événements et les absences répétées de Philippe Viannay, de plus en plus occupé par ses nouvelles responsabilités que lui confère sa récente nomination à la direction des FFI de la sous-région P1, influe sur la périodicité du journal qui devient moins régulière.
Sources : (1) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, édition Ramsay, 1988. (2) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la résistance, Défense de la France, 1940-1949, édition du Seuil, 1995.
This 45th issue of Défense de la France was printed on the movement's professional printing presses.
Like its predecessor, this newspaper consists of numerous articles:
- This issue opens with « Of Political and Social Democracy » by Robert Salmon, « Robert Tenaille ». In the article, the author presents « the goals of the social revolution » led by the « combatants of the Resistance ». « Clearly and simply, they define it in a few words: liberty, security, socialism, justice, and responsibility ».
- Next, Défense de la France retranscribed a letter from Walter Lippman of the New York Times dated March 18, 1944. Lippman intended to demonstrate that France ought to have a say in « the European Question and the stability of Europe ». According to him, the destiny of the other countries were « directly linked to the fate of France » who had a role to play in the concert of nations.
- Under the pen of Philippe Viannay, DF reminded France that there was only « One sole anger [...] the French anger » caused by « the enemy: Germany and its traitors ». The French Resistance wanted to side with all combatants, ending the internal division. In his article, « Indomitus » demonstrated that the march toward unity was well under way. - In the fourth article, « The Political life in France » an anonymous author analyzed two points: « France and its Allies » and « France and its Empire ».
- Through « From those who mock us », Jean-Daniel Jurgensen reacted to the decision of the Justice Commissioner to « sequester the newspapers and periodicals having appeared in North Africa following November 8, 1942 » so that the commission of purification could dispose of them easily if the time came. DF contests this « derisory behavior » and was outraged « for all of those who, on their native soil, suffer and struggle for a France who could sweep away the last vestiges of betrayal and recreate a motherland free and strong ».
- Défense de la France reminded its readers of numerous operations led by various organizations of the Resistance, as well as « The battle of the maquis » in the sixth article, « France at War ».
- Following a warning to the « Alsaciens-Lorrains » about measures taken by the Germans against their fellow citizens, DF shared a « Letter from an Oflag », dated February 1, 1944 with its readers.
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In November 1943, the movement had two machines at its disposal. The first was the Teisch machine that it had acquired in April, which had been installed in the warehouse of a Labordière factory in Aubervilliers. The second, a Crafftmann, was given to the movement in October by their friend, Alain Radriguer, and was sheltered in an abandoned wash house owned by Madame Currin, an 84 year-old woman.
The now professional organization of Défense de la France reinforced the independence of the movement, making the professional printers unnecessary. The new equipment allowed them to ameliorate the presentation of the journal and to increase the speed of printing, thereby enabling greater numbers of copies. At 450,000 copies, Défense de la France set the record for the most copies printed by an underground newspaper under the Occupation.
In addition, at this time, Défense de la France decentralized its printers in the Southern Zone following the conclusion of an agreement between Philippe Viannay and Claude Bourdet. The latter « sought to contact me so that Défense de la France might participate in the unification operation in the Northern Zone, following the efforts already in place in the Southern Zone with the Mouvements unis de la Résistance (United Movements of the Resistance) » recalled Philippe Viannay. (1)
Défense de la France engaged in the printing and diffusion of Combat in the Northern Zone and in equipping the printing workshops in Lyon with a Crafftmann automatic press and the necessary materials, thanks to the help of Alain Radriguerf. In return, Bourdet's team, under the leadership of Velin, took over the printing and diffusion of Défense de la France in the Southern Zone. The two editions « would stay completely independent while realizing a pool of common information and photos ».
Thus the dispersal of the workshops – composition, template-making, and printing – allowed for a permanent specialization, an efficient strategy of diffusion, and a rigorous system of organization to respond to the demands of production from Philippe Viannay and to guarantee the movement's protection.
Source: (1) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance; Journalisme, Glénans, Ramsay publications, 1988. (2) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (3) Ibid. (4) Ibid.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmanuelle Benassi
Contexte historique
1944 est bien pour l'Europe occupée l'année des plus grands espoirs. Grâce à l'action des différentes armées alliées ainsi qu'à l'aide qui leur est apportée par les mouvements et les maquis de la Résistance, l'Allemagne nazie recule sur tous les fronts et son effondrement semble proche.
Le repli allemand, amorcé au lendemain de Stalingrad, s’amplifie et ne s’arrêtera qu’à Berlin en mai 1945. Les fronts italien et africain, déterminants en 1943, deviennent secondaires dans le concept stratégique anglo-américain, concentré prioritairement sur la préparatio
Par ailleurs, les Alliés poursuivent sans relâche leurs bombardements sur le territoire allemand qui subit des raids massifs destinés à démoraliser la population et à neutraliser ses postes militaires stratégiques.
En France, le mythe du maréchal Pétain est définitivement brisé. La population française, fatiguée, usée par les difficultés du rationnement, les restrictions quotidiennes et l’ensemble des exactions commises par les Allemands, cultive une haine de plus en plus marquée à l’égard de l’occupant qui, dans un dernier sursaut de barbarie, se livre à de nombreux massacres
L’impopularité de Pierre Laval, chef du gouvernement depuis le 18 avril 1942, l’augmentation de la répression qui se traduit par des rafles et l’institution du Service du travail obligatoire (STO) favorisent le rejet de la collaboration dont profite la résistance. Ainsi, avec l’aide des populations civiles, elle accueille les nombreux réfractaires du STO et constitue des "maquis" dans des zones peu habitées.
L'afflux de ces jeunes maquisards permet à la Résistance de développer des actions sur une grande échelle et de constituer des forces militaires couvrant tout le territoire.
Depuis 1940, la Résistance a parcouru un long chemin : de quelques groupes d'hommes à l'origine, elle parvient à la mise en place d'importantes organisations qui résultent d’un long processus d’unification élaboré tout au long de l’année 1943. Ce sont principalement les MUR, le CNR et, depuis le 15 janvier, le MLN.
En cette année 1944, malgré un cruel manque d’armes, l’ensemble de la Résistance se prépare à combattre aux côtés des Alliés.
Concomitamment, à Alger, le Comité français de Libération nationale – présidé par le général de Gaulle, désormais reconnu comme chef de la Résistance – devient le Gouvernement provisoire de la République française et s'élargit à de vastes fractions de la société.
Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.
For Occupied Europe, 1944 was a year of hope. Thanks to the actions of various Allied armies with the support of the movements and maquis (militias) of the Resistance, Nazi Germany began to buckle on all of its fronts, as its collapse loomed close. The German fold, sparked by their defeat in Stalingrad, was amplified and did not stop until Berlin in May 1945. After the Allied successes on the African and Italian fronts, the Anglo-American forces concentrated their efforts on preparations for a decisive action designed to strike the Reich at its heart: a landing on the West of continental Europe.
At the same time, the Allies pursued a relentless bombing campaign on the German territory which was subjected to massive air-raids designed to demoralize the population and to neutralize their strategic military operations.
In France, the myth of Marshall Pétain was effectively crushed. The French, worn-out and tired of the hardships of rationing and the daily restrictions inflicted by a German occupation, cultivated a hatred toward the occupiers that had grown stronger and stronger since November 11.
The unpopularity of Pierre Laval, who became the head of the government on April 18, and the increase in German repression through raids and the Service du Travail obligatoire (STO) – a program forcing young French laborers to relocate to Germany to support the industries of war – encouraged the French to reject the collaboration, from which the Resistance benefitted. Thus, with the help of the civilian population, the Resistance housed numerous deserters of the STO and formed « Maquis » in relatively uninhabited areas. These Maquis were bands of armed men who became active in the Resistance fighting against the presence of the Reich.
This influx of these young maquisards allowed the Resistance to develop its actions on a ladder of command, constituting troops all across the territory. Since 1940, the Resistance had come a long way – from a few isolated groups of men, it grew into a movement whose process of unification would span the entire year of 1943. The most important of these unifying movements were the MUR, the CNR, and soon the MLN. In 1944, despite a massive shortage of arms, the Resistance prepared itself for battle at the side of the Allies.
Simultaneously, in Algiers, the Comité français de Libération nationale (French Committee of National Liberation) – presided over by General de Gaulle, henceforth known as the head of the Resistance – formed a provisional government of the French Republic and reached out to the divergent factions of French society.
Source: Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmanuelle Benassi