Monument aux morts de Taulignan

Légende :

Trois plaques apposées sur le monument de Taulignan commémorent, à des titres différents, les deux conflits mondiaux.

Genre : Image

Producteur : Coustaury Alain

Source :

Détails techniques :

Trois plaques de marbre de hauteur différente et de largeur sensiblement égale ont été scellées à la base du monument aux morts de Taulignan, place du

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Taulignan

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Analyse média

La lecture des trois plaques se fait de haut en bas, dans un ordre chronologique. La première a été apposée par « les » anciens combattants de 1914-1918 le 11 novembre 1940. La seconde précise que ce sont « les non » légionnaires qui, le 12 juin 1945, rendent hommage à leurs « frères héroïques » des deux conflits mondiaux. La troisième plaque, sans préciser la date de la pose, rend hommage aux victimes du nazisme et particulièrement à celles du massacre du 12 juin 1944.


Coustaury Alain

Contexte historique

L'intérêt du document réside dans le libellé des trois plaques dédiées aux deux conflits mondiaux. La première stipule que ce sont « les » anciens combattants qui l'ont posée. L'emploi de l'article défini laisse supposer une unanimité de la part des anciens combattants de Taulignan pour commémorer le 11 novembre 1940. À cette date, il n'existait plus qu'une association d'anciens combattants, la Légion française des combattants, créée le 29 août 1940. Elle se substituait aux diverses associations nées après 1918 qui se caractérisaient notamment par des orientations politiques différentes. Son but était de « régénérer la Nation par la vertu de l'exemple du sacrifice de 1914-1918 ». Les chefs étaient nommés et appointés. L'organisation, création de l'État de Vichy, est au service de ce régime. Dans un premier temps, la Légion l'accepte, voire le soutient, tout en s'affichant anti-allemande. Puis elle évolue, de gré ou de force, parallèlement à Vichy, vers une position plus favorable envers le régime hitlérien. De ce fait, de nombreux légionnaires abandonnent progressivement l'association. La seconde plaque a été apposée par « les combattants non légionnaires » des deux guerres. On note l'absence significative du qualificatif d'anciens. De même, ils s'adressent aux autres combattants qualifiés d'héroïques et non aux morts. Il y a donc eu, dès le début de la Légion, des anciens combattants qui n'ont pas adhéré au mouvement. Il se peut aussi que ce soit le fait de légionnaires qui ont très rapidement abandonné la Légion. Quoi qu'il en soit, cette plaque traduit bien les tensions qui devaient exister pendant l'occupation et les règlements de compte au moment de la Libération entre les légionnaires et ceux qui n'ont pas adhéré au mouvement. Le fait est courant dans de nombreuses communes. Dans certaines, le drapeau de la Légion a été brûlé lors d'une cérémonie publique expiatoire, par exemple à Piégon. La date de la pose de la plaque est importante car elle rappelle les événements tragiques de 1944 dans la région de Taulignan. La troisième plaque est dédiée à leur souvenir. Le 2 février 1944, des Allemands et des miliciens de Montélimar dans deux voitures, arrivent à la maison Gras à l'entrée de Taulignan, route de Grignan. Cette maison servait de centre de ravitaillement des maquis de la Lance et de dépôt d'armes. Un camion qui venait livrer un chargement d'armes destinées à un maquis se trouvait dans la cour. Il devait repartir chargé d'une cinquantaine d'agneaux destinés au ravitaillement du groupe Barbu. Louis Gras, 49 ans, son épouse Berthe, 45 ans, et leur ouvrier agricole Guitton, sont arrêtés et conduits à la Gestapo de Montélimar ainsi que le maquisard Louis Marc, dit « la Cloche », qui conduisait le camion et le gendarme Pierre Chalou, 33 ans, de la brigade de Taulignan, qui se trouvait à la ferme Gras au moment de l'opération de police. Ce dernier, bien que relâché le lendemain, sera repris la semaine suivante. La ferme est pillée, deux bœufs salés destinés au maquis sont emmenés. Le lendemain de l'arrestation de Gras, Challan-Belval décide de faire déménager le maquis installé chez Chaix et de lui faire rejoindre le maquis déjà installé à Saint-Pons, commune de Condorcet. Les détenus, emmenés au siège de la Gestapo à Montélimar, sont torturés, mais ne livrent aucun nom des membres des réseaux de Résistance. À l'exception du domestique Guitton, libéré deux mois plus tard, les quatre autres sont déportés. Le jeune maquisard « Marc » réussira à s'évader du train l'emmenant en déportation vers Neuengamme. Berthe Gras mourra à Ravensbrück le 6 octobre 1944, son époux Louis, à Hartheim en août ou en octobre, le gendarme Chalou, le 15 février 1945 à Neuengamme. Le 12 juin 1944, a lieu un accrochage à Taulignan à la tranchée de la route de Salles-sous-Bois, entre les Allemands et le groupe de Pierre Guion. Au cours des combats 12 personnes sont tuées, cinq capturées. Les Allemands prennent possession du village. Toutes les victimes de ces événements ont leur nom gravé sur un monument élevé à l'entrée occidentale de la bourgade, au croisement des routes D24 et D167. Il est dédié uniquement à la guerre 1939-1945 précisant les qualités des victimes et les causes de leur mort. Le monument est encadré par une plaque émaillée décrivant les itinéraires pour accéder au maquis de la Lance, par une copie du discours du général de Gaulle et par deux plaques commémorant le souvenir du 12 juin 1944. Les trois plaques apposées au pied du monument aux morts de Taulignan évoquent les déchirements des anciens combattants, les tensions au lendemain de la Libération et les arrestations de Résistants suivies de leur déportation ou de leur exécution. Il n'est pas sûr que le passant puisse apprécier tous les sous-entendus des deux premières plaques, courtes dans leur libellé mais lourdes de sens et révélatrices de la complexité des temps du régime de Vichy.


Coustaury alain, Serre Robert