Obsèques de Charles Soreil, le 30 août 2011, à Ollioules, dans le Var
Genre : Image
Producteur : Catherine Soreil
Source :
Détails techniques :
Photographie numérique
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Var
Analyse média
Les obsèques de Charles Soreil se déroulent à Ollioules où réside sa fille. Ses camarades résistants lui rendent les honneurs avec la présence de 3 drapeaux. Il sera ensuite inhumé à Toulon. Le cercueil est sorti de la voiture funéraire devant la famille et les personnes présentes, non visibles sur ce cliché.
Jean Sauvageon, Robert Serre
Contexte historique
Charles Soreil, né en 1925, dans la région de Die, dans la Drôme, a participé aux combats dans le Vercors de juin à août 1944. Le récit suivant nous a été confié par son frère, Robert. Charles Soreil travaillait au chemin de fer à Veynes dans les Hautes-Alpes ; dès l’annonce du débarquement de Normandie, il rejoignit à pied Pont-de-Quart, près de Die, dans la Drôme où son père, Henri Soreil, était chef de gare ; il arriva de nuit. Le lendemain, il se faisait inscrire comme volontaire en partance pour le Vercors. Il partit de Pont-de-Quart le 9 juin 1944 avec une bande de jeunes du pays (Gilbert Gary, Michel Galland, Fernand Bonnard, Robert Orand, André Orand, Boulard et quelques autres). Le car, à destination de Vassieux-en-Vercors, était équipé d'un gazogène. Sur place, à leur arrivée, un Diois, René Aubert, fils du quincaillier, prit en charge leur instruction militaire : maniement d'armes, tir, parcours du combattant. Un des lieutenants s'appelait Pierre Point dit Payot. Après quelques jours, les compagnies C12, C15 ainsi que la C18 dont faisait partie Charles Soreil, partirent à tour de rôle en camion, se poster à Valchevrière pour une semaine. Le 29 juin, la section C18, commandée par le sous-lieutenant Dominique, fut affectée à la garde du col de la Sambue (poste permanent à Herbouilly). Le 2 juillet, cette même section fut désignée pour aller chercher un milicien qui demeurait à l'entrée du village de Corrençon. En chemin, le groupe aperçut au loin, sur la route de Villard-de-Lans, les Allemands qui se déplaçaient lentement. Ils approchèrent du lieu sans bruit, l'homme suspect fut fait prisonnier. Au retour, dans la forêt de Bois Barbu, l'un d'eux, se trouvant au milieu de la colonne, un peu sur le coté, mit le pied sur une mine posée auparavant par des collègues maquisards. Le vacarme de cette explosion soudaine les surprit et désorganisa le groupe, certains furent blessés ; le maréchal des logis Jean Aunet eut des brûlures aux yeux, Charles Soreil reçut de multiples éclats d'acier dans les jambes, Robert Orand un éclat à la joue, d'autres aux bras et dans une jambe. Le milicien par miracle ne fut pas blessé, il en profita pour se fondre dans la nature, ce qui lui sauva la vie. Ils repartirent tant bien que mal. Jean Sambuc, étudiant en médecine affecté au C18, alerté, fit transporter les blessés au C16, camp des Nord-Africains à Valchevrière, commandé par le lieutenant Satan, où ils purent recevoir des soins. Jean Aunet était le plus gravement atteint, il sera, avec d'autres, transporté à l'hôpital de Saint-Martin-en-Vercors. Le 3 juillet, une section des chasseurs du 6e BCA. prendra la relève de Valchevrière, le C18 rentrera à Vassieux. Dans les jours qui suivirent, ils réceptionnèrent des parachutages aidés par les paysans venus avec leurs chevaux attelés à des tombereaux. Les containers vidés disparaissaient dans les scialets. Le matin du 14 juillet 1944, 72 forteresses volantes larguèrent des centaines de accrochés à des parachutes aux couleurs du drapeau français [certains containers témoignages contestent ce détail], ce fut grandiose et bon pour le moral. Toute la population et les responsables désignés à la réception attendaient le moment suprême du ramassage. L'euphorie ne dura pas, des avions allemands succédèrent aux alliés, ils mitraillèrent et bombardèrent au sol, hommes et containers : du paradis on passa à l'enfer. Il fallut attendre la nuit pour récupérer quelques armes et munitions, il y eut beaucoup de dégâts. Le 20 juillet au matin, les soldats Pierre Borne et Jean Sambuc furent envoyés en mission à Vassieux, ils revinrent avec le sergent-chef d'aviation Louis Charles Cristaldi qui remplaçait le sous-lieutenant Dominique, évacué pour blessure à la main lors de l'attaque aérienne du 15 juillet. Le 20 juillet au soir, la compagnie C18 reçut l'ordre de prendre position au col de Vassieux, ils arrivèrent dans les bois, près d'une fontaine où ils passèrent la nuit. Au matin du 21, ils se réveillèrent sans commandement, le sergent-chef Cristaldi était soi-disant descendu la veille à Die. Bizarre ! Aurait-il déserté ? Tout à coup, ils entendirent le vrombissement d'avions, ceux-ci remorquaient des planeurs qui se décrochèrent juste au-dessus de leurs têtes. Livrés à eux-mêmes, les maquisards désignèrent comme chef le plus âgé d'entre eux, Gilbert Gary, de Pont-de-Quart. Les Allemands étaient à Marignac au pied du col de Vassieux. Du 21 juillet au soir au 23 juillet, il plut sans arrêt ; les Allemands décidèrent de rejoindre le col de Rousset par les rochers de Chironne pour se ravitailler car ils n'avaient plus ni eau ni vivres. Le 23 juillet, réception de l'ordre de repli, le C18 se divisa : un groupe se dirigea sur le Glandasse à destination du Veymont, un autre, avec Gary, Bonnard, Soreil, traversa la montagne de Saint-Genix sur le flanc sud en direction de Saint-Julien-en-Quint. Le 23 au soir, ils couchèrent dans la grotte de Saint-Genix. Le 24 au matin, départ pour Saint-Julien-en-Quint, Charles Soreil avait attrapé un flegmon à la lèvre supérieure qui le faisait énormément souffrir : à son arrivée, Jean Planas dit Sanglier, médecin, l'envoya à l'infirmerie installée dans les bâtiments de l'école de l'Escoulin où il resta deux ou trois jours. Il perdit tous ses collègues du C18 qui, pendant ce temps, traversèrent la Drôme. Les Allemands arrivèrent, il fallut quitter L'Escoulin. Charles Soreil resta à la compagnie Sanglier jusqu'au 29 juillet où Jean Aunet le rejoignit. Embuscade sur le plateau d'Ambel - Ferme du Tubanet - Récit de Soreil Charles « Le 30 juillet au matin, nous sommes six à partir en direction de la Tête de la Dame sur le plateau d'Ambel à la recherche de Geyer dit "Thivollet", réfugié dans la forêt de Lente. Notre groupe se composait de Alain Guibert, aspirant (que je ne connaissais pas), Jean Aunet du C18, Finot et Maurice Perriolat dit "Black" du C12, L'homme (ou Delhomme) qui porte un sac de tabac sur le dos, et moi-même Charles Soreil du C18. Nous traversons le plateau d'Ambel sans encombre et arrivons à une cabane, le "Tubanet", la forêt est à une centaine de mètres et fait un arc de cercle, nous avançons en file indienne, Guibert, Aunet et moi-même, les trois autres derrière, quand tout à coup, sur notre droite une fusée rouge part, au même instant une autre sur notre gauche, Aunet dit : " Ce ne sont pas les nôtres, courez vite en face !", deux mitrailleuses prennent le groupe en tenaille, des cris, Guibert tombe, dans l'élan avec Aunet nous le prenons et le traînons dans le bois à quelques mètres de la lisière, nous constatons qu'une balle lui a perforé un poumon. L'homme (ou Delhomme), poursuit sa course dans la forêt, sans s'inquiéter de nous, ses collègues, jamais nous ne l'avons revu. Quant à Finot et Maurice Perriolat, ils ont été abattus, impossible d'aller les chercher. Il était 16 ou 17 heures, nous n'avions plus la notion du temps, Jean Aunet avait fait un pansement de fortune à Guibert, heureusement il ne perdait pas trop de sang, par contre il souffrait et demandait à boire, mais nous n'avions ni eau ni nourriture. On entendait gueuler les SS, jamais ils n'ont osé entrer dans le bois à notre recherche. Nous ne faisions pas de bruit, Jean Aunet, dans la nuit, fit une tentative risquée pour aller chercher de l'eau, sans le vouloir il s'approcha du cantonnement allemand, il vit les camions et des quartiers de viande pendus aux arbres, il fit demi-tour sans bruit. Le matin nous avons ramassé des feuilles de hêtre couvertes de rosée pour faire boire notre grand blessé. Dans la nuit du 1er au 2 août, grand chambardement côté allemand, les camions s'en allaient, Jean Aunet me dit : "demain matin on part !" Notre petit groupe n'avait rien mangé ni bu depuis le 30 juillet. Après avoir caché mon fusil canadien et mes munitions dans le creux d'un arbre, tôt le matin, nous partons à la faveur du brouillard en direction de Font-d'Urle et Saint-Julien-en-Quint, parcours long et difficile, vu le dénivelé. Guibert est épuisé, nous nous relayons pour le soutenir. Nous arrivons finalement au PC Sanglier à Glovins (quartier de Saint-Julien-en-Quint). Je ne sais pas ce que sont devenus par la suite Guibert et Aunet, j'étais avec un groupe de Valdrôme, où se trouvait René Montlahuc*, l'instituteur, qui m'encouragea à poursuivre le combat avec eux, j'ai refusé. » *René Montlahuc était à Valdrôme pour réaliser un reportage sur les maquis du Diois pour le journal La Drôme en armes, créé par Louis Aragon et Elsa Triolet, à Saint-Donat-sur-l’Herbasse. Retour au bercail Le soir de ce 30 juillet, Charles Soreil partit seul à travers bois, en direction de Romeyer, marchant la nuit. Au matin du 4 août, il arriva dans une ferme, il ne se souvient ni de l'endroit ni du nom de ces braves gens qui le firent déjeuner, puis il continua en direction de Pont-de-Quart. En arrivant à Laval-d'Aix, au quartier de Tiogaux, de loin, il vit la gare, n'apercevant aucune présence suspecte (pas d'Allemands), il avança prudemment dans le bois et s'approcha. Son père, Henri, était assis sur le banc, à côté de la cabane du cochon, il ne reconnut pas son fils avec sa barbe de 12 jours, Charles s'était débarrassé auparavant du brassard à croix de Lorraine qu'il portait sur son blouson de cuir. Sa mère, inquiète, était à Die à la recherche de renseignements le concernant, ses compagnons maquisards étaient rentrés depuis plusieurs jours, il était un des derniers. Ces retrouvailles furent un grand moment d'émotion pour ses parents qui le croyaient mort ; lui était mort de fatigue. Le lieutenant Guibert Alain, de son vrai nom André Genot, commandant en second, puis commandant le 2ème escadron du 11ème régiment de cuirassiers stationné à Vassieux-en-Vercors de mai à fin juillet 1944, blessé sérieusement, fut soutenu et ramené par Jean Aunet et Charles Soreil au hameau des Glovins de Saint-Julien-en-Quint. Il fut recueilli par le capitaine médecin Jean Planas dit Sanglier qui avait établi son PC du 31 juillet au 17 août 1944 chez la famille Nal. Il l'examina et lui donna les premiers soins, étonné qu'il soit encore en vie avec le poumon gauche perforé, la balle qui lui paralysait aussi le bras gauche lui avait fracturé une côte. La famille de Marcel Nal l'hébergea et le cacha pendant plus de 15 jours, sans ignorer les dangers que lui faisait encourir sa présence, les forces allemandes étant à proximité. Lorsqu'il fut rétabli, le lieutenant Alain Guibert quitta les Glovins et put reconstituer le 2ème escadron pour rejoindre le 11ème Cuirassiers ; il participa avec cette unité à la prise de Romans-sur-Isère.
Jean Sauvageon, Robert Serre