Réponse d'un chef de compagnie à une réclamation
Légende :
Paul Pons répond à une accusation du maire de Montclar-sur-Gervanne.
Genre : Image
Type : Lettre
Source : © Archives Albert Fié, fonds de la compagnie Pons Droits réservés
Détails techniques :
Texte dactylographié sur une feuille de papier 21 x 27 cm.
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Véronne
Analyse média
Le capitaine Paul Pons répond vertement à une réclamation du maire de Montclar-sur-Gervanne qui l'accusait de ne pas avoir payé des brebis nécessaires à l'alimentation de ses hommes. Il envoie ce courrier à son supérieur hiérarchique, le commandant de Lassus Saint-Geniès (« Legrand »).
Le document est bien présenté. L'en-tête et la dernière ligne précisent son origine. Style et écriture témoignent d'une précision et d'une réflexion ainsi que d'une colère non retenue face à une accusation très mal ressentie.
Paul Pons explique dans quelles circonstances il a été amené à acheter 20 brebis d'un troupeau qui est venu paître dans le secteur de sa compagnie. Il les a payées. Il rejette l'accusation d'en avoir acquis six autres sans les payer et d'avoir acheté des brebis allaitantes.
En termes violents, il accuse à son tour le maire et certaines personnes. Il traite le maire d'imbécile, n'admet pas d'être accusé de réquisitions forcées et lui reproche de préférer vendre les brebis au marché noir plutôt qu'à la Résistance. Pire, certaines personnes préféreraient céder leurs animaux aux Allemands !
Paul Pons s'arroge le droit de choisir les lieux où il peut acheter des aliments afin que ses hommes ne meurent pas de faim. Enfin, il assène, pour terminer, un constat, accusation terrible, vice rédhibitoire : le maire de Montclar est reconnu par Vichy.
Ce document est révélateur du caractère d'un chef de compagnie qui doit assurer le ravitaillement de ses hommes dans un contexte de grande pénurie. De plus, il est reconnu que Paul Pons payait solde et nourriture de ses hommes, en partie, grâce à ses propres deniers.
Auteur : Alain Coustaury
Contexte historique
Alors que la situation militaire est délicate pour la Résistance drômoise après la chute du Vercors, que le commandement essaie de regrouper ses unités et de les remettre en état de mener des opérations de guérilla, la question concrète de l'alimentation des Résistants amène un chef de compagnie à récuser des accusations lancées par le maire d'une commune. Le document met en valeur plusieurs aspects des relations entre la Résistance et la population civile, particulièrement celle des campagnes, au sujet de l'approvisionnement alimentaire des unités. Ces dernières étant quasiment toutes situées en milieu rural devaient s'approvisionner auprès des agriculteurs locaux. Il a beaucoup été dit et écrit que la Résistance n'aurait pas pu subsister sans l'aide des paysans. S'il n'est pas question de mettre en doute cette affirmation, il est nécessaire de la tempérer par des événements tels que celui que relate le document. Il est sûr que l'alimentation des Résistants situés dans les montagnes a toujours été un problème majeur et récurrent. La nourriture était rare, peu variée. Parfois on peut parler de disette. Face à ces difficultés, les chefs d'unités avaient plusieurs solutions. Soit ils réquisitionnaient en payant directement, soit ils donnaient des bons de réquisition en bonne et due forme. Il arrivait aussi qu'ils s'emparent de la nourriture sans payer, arguant des circonstances et de la nécessité de nourrir leurs hommes. Des situations conflictuelles naissent de ces difficultés et des rapports entre la Résistance et la population. Cette dernière reproche à la Résistance de ne pas payer, la Résistance reproche aux civils d'en profiter ou de faire du marché noir.
Le document révèle aussi une grande animosité entre un chef d'unité et une autorité civile qui est reconnue par le gouvernement de Vichy. Au grief de faire du marché noir, s'ajoute l'infamie d'être un soutien de Vichy.
Le souvenir de ces rapports difficiles est toujours vivace. Il est assez fréquent d'entendre que les Résistants ont pillé, qu'ils n'ont pas payé ce qu'ils prenaient. De même, il est reproché à certains agriculteurs d'avoir été payés deux fois, une fois par la Résistance elle-même, une autre, après la guerre, en réclamant des dédommagements pour la nourriture réquisitionnée. Il en est ainsi de la nature humaine ….
Auteur : Alain Coustaury
Sources : Mémoires d'un vieil homme, Albert Fié, archives Pons.