Guide d’infirmiers destiné aux patriotes

Genre : Image

Type : Brochure

Source : © Fonds Ione Rhodes (veuve de Peter Rhodes) Droits réservés

Détails techniques :

Copie de la couverture d’une brochure de 8 pages, format 243 x 155 mm.

Date document : 1944

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Saint-Donat-sur-l’Herbasse

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

Couverture d’une brochure de 8 pages éditée par le Conseil national des médecins (zone Sud), adhérent au Comité médical de la Résistance. On peut y lire le titre (« Guide d’infirmiers destiné aux patriotes ») suivi d’un avant-propos signé CNM (Conseil national des médecins).
Ce guide est imprimé « sur les presses de Fraternité ». C’est le mouvement clandestin qui est devenu le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples). Il est rédigé en très grande partie par Louis Aragon.

Le Guide des infirmiers destiné aux patriotes figurait dans ces papiers remis à Peter Rhodes par Aragon. C’est à ma connaissance le seul exemplaire retrouvé, donc un document unique. La brochure est illustrée de nombreux croquis explicatifs. La première page indique que ce guide est édité sous l’égide du Comité national des médecins, zone Sud, par la Bibliothèque française, en 1944. Les développements sur chaque maladie ou blessure sont classés par ordre alphabétique de : Abcès, Ampoule, Angine… à Rhumatismes, Saignements de nez, Syncope, Tétaniques (piqures), Toux, Vipères. La dernière page comporte des développements sur « les injections sous-cutanées », « l’Eau de boisson », « la destruction des excréments », ainsi que la description du « Contenu d’une trousse sanitaire pour un groupe de huit personnes ». Le langage est simple mais rigoureux, ne laissant rien au hasard. Aragon s’est-il inspiré d’un manuel d’infirmerie de campagne qu’il avait utilisé au cours de la drôle de guerre ?

Une des tâches d’Aragon était d’organiser les intellectuels de la zone Sud, par branche. Il s’est employé, notamment, à organiser les médecins. La structuration du Comité national des médecins de la zone Sud s’est faite à partir d’une rencontre qu’il a eue, dans le parc Jouvet de Valence, à l’automne 1943, avec le professeur Gilbert Dreyfus (alias "Gilbert Debrise"). Dans le texte « Le rendez-vous de Valence », Aragon rend compte de sa rencontre, au parc Jouvet, avec le docteur Dreyfus, réfugié à Saint-Tropez, qui a été professeur et chef de clinique d’endocrinologie à la Pitié, à Paris. Aragon l’avait chargé d’organiser ce comité en zone Sud.

Dans Aragon, poet of the French Resistance, Peter Rhodes, écrivain américain, nous parle de cette organisation des médecins :
« Le premier de ces comités qu’Aragon considérait comme la plus grande de ses contributions au mouvement de la résistance était le Comité National des Médecins. Il rédigea son premier manifeste appelant à sa création, recruta personnellement les médecins les plus réputés et présida ses premières réunions. Il alla jusqu’à éditer un manuel pratique de première aide pour les maquisards qui devint fort populaire et un autre pour leur expliquer comment organiser les services médicaux de campagne.

Aragon était aussi fier de ce mince petit manuel de première aide que de n’importe quel volume de poésie ou de roman qu’il n’écrivit jamais. Il orientait toujours le travail du comité vers un soutien pratique aux combattants, tandis que les coups de main de ces unités mobiles se multipliaient durant l’automne 1943
." 

Texte de l’avant-propos, signé CNM (Conseil national des médecins) :

« Cette brochure doit être confiée à l’un des camarades du groupe choisi comme infirmier et responsable devant le chef du groupe. Il est recommandé de choisir le camarade qui présentera le plus d’aptitudes pour cette tâche (ancien scout ou homme ayant suivi des cours de secourisme).

Le camarade infirmier doit employer les médicaments uniquement dans les cas importants et non pour la moindre égratignure ou le moindre rhume de cerveau, ceci à cause de la rareté des produits pharmaceutiques difficilement remplaçables.

D’autre part, le responsable sanitaire du groupe doit dresser une liste des tuberculeux, malades contagieux et de ceux qui n’ont pas été vaccinés contre la fièvre typhoïde. Cette liste sera adressée au CNM au plus tôt ou communiquée au médecin avec lequel le groupe est en rapport.

Chaque responsable devra lire attentivement cette brochure afin d’être capable de soigner sans avoir recours à elle. D’autre part, chaque infirmier fera connaître au CNM s’il trouve les explications assez claires et si un médicament fait défaut dans la trousse.

Cette trousse doit permettre d’assurer les premiers soins, mais il convient de ne pas oublier que ses ressources sont limitées et que pour les maladies d’une certaine gravité il faut toujours faire appel au médecin. »


Auteurs : Jean Sauvageon

Contexte historique

Dans la Drôme, avant le 6 juin, les blessés de la Résistance sont soignés par des médecins dans des conditions et des lieux très différents. Beaucoup de praticiens sont appelés pour soigner, assurer une urgence, aider à évacuer des résistants blessés vers les hôpitaux existants.

L’hôpital de Romans, autour du docteur André Morel, et, à Bourg-de-Péage, la clinique du docteur Eynard ont joué ce rôle. André Morel doit aussi se déplacer pour soigner des blessés intransportables.

Il en est de même, à l’hôpital de Crest, avec les docteurs Fabre, Scheffer et Frédéric Thiers. Celui-ci intervient même à l’extérieur, dans des conditions difficiles, avec un matériel rudimentaire aidé par le docteur Thomas de Saillans. Il opère le jeune résistant Robert Barnier qu’il doit amputer de l'avant-bras.

À l'hôpital de Die, les docteurs André Rigal et Louis Laigle, de l'hôpital de Valence, interviennent fréquemment. En juin 1944, l'hôpital de Die devient leur centre d'activité principal. Ils y soignent de plus en plus de blessés de la Résistance et des soldats allemands faits prisonniers.

En plus de ces établissements hospitaliers, la Résistance est amenée à créer des hôpitaux ou infirmeries uniquement destinées aux résistants. L'utilisation du qualificatif d'hôpital ne doit pas faire illusion. L'installation, le matériel, les médicaments n'ont rien de comparable avec ceux d'un hôpital normal de l'époque et encore moins avec un hôpital actuel. Un hôpital de la Résistance n'est, le plus souvent, qu'une installation sanitaire sommaire. Il faut aussi rappeler qu'en 1944 les antibiotiques n'étaient pratiquement pas utilisés. La pénicilline manque.

C'est dans les médicaments parachutés que les résistants trouvent les premières doses de sulfamides qui permettent d'enrayer les infections causées par les blessures.

C’est ainsi qu’est créé l’hôpital de Saint-Martin-en-Vercors qui doit se replier face à l’investissement du Vercors par les Allemands et qui se retrouve à la Grotte de la Luire où il est découvert le 27 juillet 1944.

Le pharmacien Jean Chancel et son équipe organisent un hôpital clandestin à Saint-Donat-sur-l’Herbasse. Ils l’installent dans la maison Rongeat-Meysonnier située en face de la pharmacie. Il est évacué le 15 juin lorsque les Allemands envahissent le village. Le jeune Yves Péron est cependant découvert, martyrisé et fusillé.

Vers le 23 juin 1944, une infirmerie est installée dans les locaux de la colonie de vacances de Plan-de-Baix. Y officient les docteurs Gérard Lehman et André Lévy. Ils sont aidés par le pharmacien Jean Lecomte. Odette Lantheaume, Sylviane Rey font fonction d'infirmières. Ils sont rejoints le 29 juin, recruté par Michel Planas, par le médecin capitaine Ferrand de l'hôpital du Valentin (Bourg-lès-Valence).

C’est le docteur Arnaud Achiary qui crée l’hôpital de Buis-les-Baronnies, accueillant plus particulièrement les FTPF (Francs-Tireurs et partisans français) du sud de la Drôme.

On peut ajouter les nombreux médecins qui ont soigné les résistants malades ou blessés comme le docteur Aristide Sallier de Saint-Uze.

Ainsi, après le 6 juin 1944, s’est mise en place une structure hospitalière permettant de répondre aux urgences. Les blessés graves ou les malades nécessitant des soins importants continuent à être évacués clandestinement vers les hôpitaux publics où ils peuvent recevoir des soins mieux adaptés à leur état.


Auteurs : Jean Sauvageon
Sources : Collection Jean Sauvageon (copie de l’exemplaire du Fonds Ione Rhodes). Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.