Message d’avertissement à un milicien
Légende :
Au fur et à mesure que la guerre avance, les soutiens au régime de Vichy sont menacés de représailles.
Genre : Image
Type : Dessin
Source : © ADD, 4 W 15 Droits réservés
Détails techniques :
Papillon avec dessin et message, sur du papier fruste, d’un bis léger et de forme approximativement carrée.
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Saint-Vallier-sur-Rhône
Analyse média
Message sommaire informant le destinataire du colis qu’une menace explicite pèse sur lui : le côté lapidaire du croquis se conjugue à l’annonce écrite de la proximité de l’exécution, recherchant manifestement à renforcer le caractère effrayant de l’ensemble. Dissuasion, ou exécution annoncée, l’une comme l’autre contribuent à peser sur le moral de l’adversaire.
Ce tract a été collé sur un colis destiné à un milicien de Saint-Vallier-sur-Rhône, le 7 décembre 1943.
La Résistance lutte contre les miliciens, les collaborateurs de différentes manières. Il peut s’agir de mesures d’intimidation, davantage, d’attentats à l’explosif contre des sièges ou des demeures personnelles. Mais les actions les plus nombreuses visent à éliminer les hommes et les femmes notoirement connus pour leur soutien concret à l’envahisseur, en les abattant ; il s’agit parfois d’anéantir l’ensemble d’un réseau local. L’on peut mesurer l’impact de cette bataille de la Résistance à l’ampleur de certaines réactions officielles ; ainsi le 20 avril, Alboloys et Menielle, deux miliciens, sont tués dans le Vercors ; ils auront des obsèques somptueuses, le 24, à Valence, où l’on remarque d’importantes personnalités politiques et religieuses de Drôme et d’Ardèche. Le gouvernement de Vichy exige des instituteurs qu’ils participent, avec leur classe, à la cérémonie.
Auteurs : Robert Serre et Michel Seyve
Contexte historique
La Milice et les collaborateurs apportent une aide réelle au gouvernement de Vichy et à l’occupant. Le soutien de poids de cette « France allemande » s’opère sous différentes formes : des informations sur l’économie, l’état de l’opinion, les résistances à la politique de Révolution nationale et de mise en coupe du pays par l’envahisseur. Collaborateurs et miliciens peuvent se charger également des dénonciations, des intimidations diverses et des arrestations, des interrogatoires avec ou sans tortures, des emprisonnements. La Résistance se doit donc de mener une lutte sans merci contre cette fraction de compatriotes qu’elle considère comme des traîtres.
Ce sont parfois seulement des manifestations d’intimidation, comme à Dieulefit, où des jeunes gens et jeunes filles parcourent la localité en chantant et conspuent le maire et la Milice avant d’être dispersés par la gendarmerie. Quelquefois, les arguments sont un peu plus frappants : dans la nuit du 31 juillet au 1er août 1943, le jeune B., de Mirabel-aux-Baronnies, est tabassé par trois hommes qui lui reprochent d’appartenir à la Milice et de surveiller et dénoncer les réfractaires au STO (Service du travail obligatoire). Les assaillants l’invitent à cesser ses agissements. À Bourg-de-Péage, le 11 mars 1944, des rafales de mitraillettes sont tirées sur la porte de V., notaire, chef local de la Milice.
La Résistance utilise également des moyens plus puissants et surtout plus spectaculaires, dans cette lutte singulière : les attentats à l’explosif contre les sièges de la Milice ou les demeures de miliciens. Ils sont fréquents. Le 19 août 1943 à 22 h 30, c’est le troisième attentat par explosif qui vise l’immeuble siège de la Légion des combattants et de la Milice française, place Aristide Briand, à Valence, sans toutefois endommager les locaux eux-mêmes.
Le 1er octobre 1943, à Saint-Vallier-sur-Rhône à 22 h, une bombe est enlevée avant explosion chez le milicien R. Les auteurs, deux jeunes de Saint-Vallier, seront arrêtés par la gendarmerie le 27. Toujours à Saint-Vallier, une nuit du printemps 1944, un explosif éclate contre l'appartement de l'ancienne usine à gaz, brisant les vitres du dortoir du Cours complémentaire limitrophe. Le 19, à Valence à 23 h 30, une explosion au magasin R. – légionnaire et milicien, n’entraîne que des dégâts matériels. Le 27, à Saint-Vallier, à 3 h 30, la vitrine du magasin C. est brisée ; C. est légionnaire ; son fils est milicien.
Le 4 novembre 1943, à 21 h, à Valence, un attentat saccage le garage M. qui effectue des travaux pour les troupes d’occupation, et dont le fils est milicien. Le 10, à Saint-Vallier, un engin explosif allumé est découvert à 23 h 20 devant l’habitation de S. B., coiffeur, membre de la Milice. Par contre, l’engin déposé chez C., membre de la Milice, explose bien, un peu plus tôt, à 22 h 15 ; C. est blessé au visage. En novembre 1943, l’équipe Roger (AS - Armée secrète - Centre) effectue 5 attentats réussis, à la bombe, contre des demeures de miliciens.
Le 21 mars 1944, à Bourg-de-Péage, des engins incendiaires sont déposés chez V., chef de la Milice locale. Le 1er mai 1944 à Crest, plusieurs attentats : l’un ne produit que des dégâts matériels chez G., cafetier, travaillant pour la Gestapo. D’autres se produisent chez un bijoutier ami des SOL (Service d'ordre légionnaire) et des miliciens et dans un immeuble, avenue de la Gare, où habitent deux miliciens et un franc-garde. Le 2 mai, 3 individus lancent une grenade dans l’étude de G., avoué à Die, milicien.
Mais, le plus souvent, les miliciens sont éliminés. En février 1943, un milicien de Montélimar est fait prisonnier et exécuté par le maquis de Saint-Christophe-et-le-Laris. Le 22 août 1943, le colonel en retraite D., chef de la Milice, président communal de la Légion des combattants, ancien président cantonal de la Légion française des combattants (LFC) à Buis-les-Baronnies, est mortellement blessé à 11 h 20, dans sa propriété, à la ferme du château de Rieuchaud. On lui reprochait d’être collaborateur, d’avoir hébergé des Allemands… Les collaborateurs notoires du Buis se dispersent rapidement, il ne reste que quelques comparses qui seront abattus quelques temps après, à plus ou moins juste titre.
Le 17 septembre 1943, le milicien B., huissier à Valréas, est abattu, tôt dans la matinée, alors qu’il allait acheter son journal. C’est, dit-on, le septième mort de la Milice depuis le 24 avril.
L’attentat le plus marquant est celui qui frappe, le dimanche 26 septembre 1943 à Grenoble, Marius Blanc, chef de service à la Milice de Drôme-Ardèche. Capitaine en retraite, originaire de Montjoux (Drôme), 55 ans, marié et père de quatre enfants, il était venu à Grenoble pour la réunion de cadres miliciens de la région sud-est. Il est gravement blessé au cœur par deux membres de la MOI (Main-d'oeuvre immigrée), armés d’un revolver et de grenades, rue Crépu à Grenoble. Il meurt peu après à l’hôpital de La Tronche. Il avait assisté l’après-midi à une réunion publique à laquelle participait Philippe Henriot, au cinéma Éden.
Le 23 octobre 1943 à Châtillon en Diois, P., considéré comme participant au recrutement de la Milice, est abattu à coups de revolvers par deux individus. À Portes-lès-Valence, au quartier des Bosses, le 17 novembre 1943, Henri G., contremaître au dépôt des machines et chef de la Milice, est abattu à 19 h 15 de deux balles dans la tête, lors de son retour au domicile. Courant décembre, c’est le chef de trentaine de la Milice de Portes-lès-Valence, qui est tué avant de conclure son enquête sur la vague d’attentats qui avaient eu lieu au début du mois. Cette élimination permettra à dix Portois d’échapper à leur arrestation.
Le 30 novembre, lors des funérailles du gendarme Guy à Nyons, Henri Guironnet, 22 ans, d’Annonay, volontaire FTP (Franc-Tireur et partisan) du maquis de la Lance, exécute Philippe B., retraité, chef adjoint de la Milice de Nyons. Mais il se trompe dans son itinéraire de repli ; il est tué par un policier.
Les miliciens C. et B. sont exécutés à Die, le 4 janvier 1944. S., chef comptable à Saint-Rambert-d’Albon et milicien, est agressé le 2 février. B., agriculteur, syndic communal à Allex, ancien membre de la Milice et président de la Légion française des combattants, est abattu le 8 février.
Le 15 février, Paul B., boucher dont les 2 fils sont miliciens, est tué à Saint-Nazaire-en-Royans ; sa femme aurait subi le même sort. À Die, une milicienne ayant participé à la capture de six maquisards, qui seront déportés, est tuée le 27 février.
Marie M., commerçante de Bourg-lès-Valence, est abattue le 3 mars dans son magasin, rue du Pont-du-Gât à Valence, de deux coups de feu. Dangereuse milicienne, elle avait dénoncé le fils Barraquant, fusillé ensuite par la Milice et dont la famille a été déportée. Son mari et sa fille faisaient partie de la Milice. Le 7 mars à 15 h 30, E., milicien, est grièvement blessé par mitraillette à Buis-les-Baronnies. Le 18, à Valence, le chef milicien D. est assailli faubourg Saint-Jacques par un nommé Ranc Marcel Gaston, garçon boucher, qu’on arrête deux mois plus tard. Le 20 mars au soir, à Romans, des tirs visent M., chef de trentaine à la Milice, et son père. Le 23 mars 1944 à 22 h, quatre résistants armés de mitraillettes, pénètrent dans l’hôpital militaire complémentaire du Valentin, à Bourg-lès-Valence, pour y achever 4 miliciens blessés ; mais la riposte imprévue d’un franc garde les contraint à la fuite ; un seul milicien est blessé. Le 20 avril, deux miliciens sont tués dans le Vercors.
Le 26 avril, le milicien M. est abattu dans les rues de Curnier. Le 5 mai à Buis-les-Baronnies, vers 11 h, Borel, Pagon et deux autres FTP abattent D., chez lui ; ce cultivateur est signalé comme appartenant à la Milice. Le même jour, ils tentent d’éliminer P., banquier, appartenant à la Légion des combattants.
Dans la nuit du 8 au 9 mai 1944, une rafle monstre est organisée à Nyons. Il s’agit de supprimer tous les miliciens de la ville, y compris le chef local, et trois agents de la Gestapo. 120 hommes de la compagnie Pagon y participent. Borel et deux hommes neutralisent la Poste et coupent les fils téléphoniques et télégraphiques. Le chef de la Milice se défend à coup de revolver, mais succombe. Cinq miliciens, C., hôtelier, chef de secteur, le docteur G., le comptable P. et sa femme, et Mme veuve B., retraitée, tous signalés comme appartenant à la Légion ou à la Milice, sont abattus.
On enregistre peu d’échec dans ce type d’action : notons quand même la tentative manquée sur le franc garde milicien B. de Lyon, le 8 juin, à Bourg-de-Péage, l’agression contre le milicien V., qui n’est que blessé, le 15 juillet 1944, à Valence. On ne peut ignorer non plus les tragiques maladresses, comme celle de ce membre de la compagnie Planas qui, le 12 juin 1944, dérobe le colt 45 d’un adjudant et abat un milicien à Beaumont : son manque de sang-froid lui fait aussi abattre la femme et la fille de cet individu.
Auteurs : Robert Serre et Michel Seyve
Sources : Dvd-rom sur La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.