Train d’Orange à Buis-les Baronnies
Légende :
Train à voie métrique venant d’Orange, à quai, en gare de Buis-les-Baronnies, cible des coups de main des résistants en 1943-1944.
Genre : Image
Type : Photographie
Producteur : Cliché A. Girard
Source : © AERD - Collection L. Gallet Droits réservés
Détails techniques :
Carte postale noir et blanc, 15 x 10 cm.
Date document : années 1930
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Buis-les-Baronnies
Analyse média
Le train d’Orange – avec ses 3 wagons, est à quai, en gare de Buis-les-Baronnies. Le machiniste pose pour la photo, quelques voyageurs, membres de la famille ou amis qui sont venus les attendre, des badauds aussi peut-être.
À remarquer, le fond montagneux, typique de la Drôme méridionale, et propice à la guérilla par de nombreux côtés.
Auteurs : Michel Seyve
Contexte historique
Les maquis manquent de tout, notamment au début de leur implantation, courant de l’année 1943, et bien davantage encore lorsque, à l’approche de l’hiver, les travaux à la campagne et les fruits et denrées agricoles se font rares, alors que le vent et la neige des Préalpes font leur apparition.
Dès lors, les cartes d’alimentation, le sucre et toute denrée rare, et essentielle pour la survie, le tabac, les vêtements et couvertures, autant que les armes, sont un objectif primordial. C’est ainsi que les trains des petites lignes transversales drômoises, de la Valloire à la vallée de l’Ouvèze, en passant par celle de l’Eygues (le train Nyons-Pierrelatte), peuvent devenir des objectifs de coups de main. Le train d’Orange à Buis-les-Baronnies a été dévalisé des denrées intéressant les résistants pour leur fonctionnement.
Lucien Dufour, chef FTP dans le sud de la Drôme, relate une attaque de ce train, en précisant les motifs de l’opération (Mémoire de l’Ombre, Lucien Dufour, éd. Scriba, 1999) :
« Il descend le matin vers Orange, remonte le soir vers le Buis, de son allure tranquille et un peu poussive. Ce petit tortillard anodin a cependant retenu l’attention des maquisards et va constituer un objectif. En effet, chaque mois, c’est par lui que sont acheminées les cartes d’alimentation destinées à la population, les rations de tabac et autres denrées "rares". […]
C’est ainsi que les maquis de la région sont amenés à penser à une attaque dirigée contre ce train et sa précieuse cargaison, à laquelle s’ajoute parfois un transport de fonds, autre élément non négligeable. Ce transport est toujours effectué sous la garde de deux gendarmes. […]
Ayant les renseignements nécessaires, l’opération est montée. Elle ne nécessitera que peu d’hommes et d’un véhicule pour transporter le butin.
Le lieu choisi est situé à la sortie du tunnel de Pierrelongue, un simple rocher roulé sur la voie suffira à faire stopper le train dont seuls la machine, son tender et le wagon messageries, en tête du train, seront hors du tunnel, le reste restant à l’intérieur, notamment les wagons de voyageurs. Ceci aura deux buts, permettre un contrôle plus facile de ceux-ci et les tenir dans le noir et l’ignorance de la situation. À l’heure prévue, le train arrive, poussif et cahotant.
Lorsque le machiniste aperçoit le rocher sur la voie, il stoppe la machine et descend avec son chauffeur. Il n’est pas étonné, les chutes de pierres sont fréquentes en ce lieu, et entreprend de dégager la voie en déplaçant le bloc avec une barre à mine. Le bloc choisi étant assez important, les deux hommes n’arrivent pas à le soulever suffisamment pour le faire basculer hors de la voie. » Ils appellent alors les gendarmes, observant l’événement de leur wagon, en renfort.
« Les maquisards, dissimulés, poursuit Lucien Dufour, ont assisté à la scène et, à peine les gendarmes mettent-ils pied à terre, qu’ils sont entourés et maintenus en respect pendant que les autres camarades s’emploient à transporter le butin du wagon resté ouvert, à la voiture.
L’opération terminée, les gendarmes réintègrent leur wagon et sont ficelés pour la forme et pour ne pas leur causer d’ennuis. Les armes sont récupérées :
- On s’excuse, mais on en a besoin.
Tout le monde s’éclipse laissant à regret le machiniste et son chauffeur avec leur rocher ; mais le temps nécessaire au déblaiement est une garantie de délai avant que l’alerte soit donnée.
Cet épisode, qui tient peut-être plus du western que de l’opération militaire, sera renouvelé un peu plus tard, mais on laissera les armes aux gendarmes, pour éviter une intervention éventuelle des Allemands à leur encontre.
Cependant, tout a une fin, et les autorités décideront la suppression du petit train du Buis… mais les événements auront alors évolué. »
Auteurs : Michel Seyve
Sources : Mémoire de l’Ombre, Lucien Dufour, éd. Scriba, 1999