Femmes au maquis en août 1944

Légende :

Le rôle des femmes dans la Résistance a souvent été sous-estimé.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Iconnu

Source : © AERD, collection Renée et Marius Audibert Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Date document : août 1944

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Curnier

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Analyse média

Cliché pris par un maquisard en août 1944 lors d’une fête au village de Curnier, à l'est de Nyons, où se trouve le PC du maquis Morvan (montagnes du Nyonsais).

Parmi les six jeunes femmes, juchées sur un camion Berliet, on connaît, de gauche à droite : Renée Coursange (« France ») future épouse Audibert, Jeannette Allègre (« Katia »), Antoinette Allègre, madame Maurent (de Nyons) et sa fille.

Remarques : l’un des phares du véhicule porte encore les marques d’un camouflage au noir, ne laissant passer qu’une mince bande de lumière. On distingue la chaudière du gazogène sur la droite du cliché.


Auteurs : Claude Seyve
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.

Contexte historique

Renée Audibert prend contact au début de 1943 avec les résistants sédentaires de Montélimar, comme Roger Poyol, fusillé plus tard par les Allemands. Puis, son action résistante proprement dite dépend d’un responsable montilien FTP (Franc-Tireur et partisan), Jean Ravier, dit "Nénesse". Elle a des rapports avec Emma Allègre et connaît bien sa fille, Jeannette. Ravier, en 1944, après de nombreuses rafles de résistants, demande aux membres de son groupe, menacés, de rejoindre le maquis, aux Pilles, à une dizaine de kilomètres à l'est de Nyons. Renée Audibert part à vélo, avec du matériel, des tracts, des brassards. Elle rejoint Les Pilles. Elle sera bientôt attachée au PC du bataillon Morvan, à Curnier. Suivant son unité, elle demeure dans cette fonction, jusqu’à la libération de Montélimar, le 28 août 1944.

Renée Audibert, alors Renée Coursange, « France » de son nom de Résistance, se retrouve avec Jeannette, désormais « Katia » ; elles ont des responsabilités. Entre autres, elles assurent des liaisons entre divers camps et fermes, avec une grosse moto.

Au PC, à Curnier, il leur est également confié la garde de l’ensemble des papiers de la compagnie. Cela implique un travail de secrétariat : inscrire les numéros matricules notamment ; elles sont munies aussi en permanence d'une grenade en vue de détruire les papiers en cas de danger.

À la Libération, il leur est arrivé d’avoir à garder des prisonniers allemands arrêtés à Nyons : « j’imagine, écrit Renée, que s’ils avaient su que nous n’étions que deux femmes restées seules, et, en plus, avec un pistolet pour deux, et pas d’un gros calibre, ils ne seraient pas restés bien sagement dans leur grange. »

Renée se souvient, dans ses mémoires : « ma terreur, c’était la mitraillette Sten, qui partait pour ainsi dire toute seule. » Et de poursuivre : « nous n’avons été que des soldats parmi d’autres ; notre état de femme ne fut jamais un handicap. »

Marius Audibert, commissaire aux effectifs (CE) au maquis Morvan, confie dans ses mémoires, le point de vue d’un homme sur la question de la participation des femmes à la Résistance armée : "Là, à Curnier, je découvre les femmes dans la Résistance. Je n'étais pas favorable du tout. Je craignais des perturbations parmi la troupe. Puis, honnêtement, je ne croyais pas qu'elles pouvaient être capables de vivre une vie aussi dangereuse et d'y être aussi efficaces. J'ai vite compris que, pour les missions dans les endroits dangereux, elles étaient inimaginables ; elles savaient, bien mieux que nous, se confondre avec madame tout le monde ; elles furent des soldats". Renée Coursange, deviendra l'épouse de Marius Audibert.

Renée Coursange et Jeannette Allègre sont aussi sous les ordres de Marius Audibert. Selon les propres termes du sous-lieutenant CE, elles lui "démontrent" leurs talents, dans la réalité. "J'ai pu les voir accomplir des tâches très diverses sous mes ordres, qui passaient du rôle d'infirmière à celui de secrétaire ou d'agent de liaison. Et même, sans jamais être des charges, elles furent des soldats."

Quelque chose a bougé sans aucun doute, dans les années 1943 à 1946, sans atteindre pourtant le niveau escompté par les plus progressistes. Ania Francos reçoit, à ce propos, cette confidence de l’ethnologue Germaine Tillion, dans les années 1970 : "La Résistance n'a pas changé la situation de la femme. La guerre avait provisoirement transformé les femmes en chef de famille. Mais si elles ne travaillaient plus ensuite, tout rentrait dans l'ordre traditionnel. C'est la pilule qui a remis en question la condition féminine. La femme a toujours été un objet depuis l'âge paléolithique. La charge de l'enfant retombe sur la femme. C'est sa plus grande joie, mais c'est en même temps ce qui la tient au sol. Les femmes sont "attachées" dans tout le sens du mot. Elles sont ternes. L'homme est plus libre, plus apte aux initiatives, à l'action ". Elle ajoute que la Résistance a prouvé que les femmes étaient aussi audacieuses que les hommes et les hommes aussi intuitifs que les femmes. Elle dit aussi, poursuit Ania Francos, que les femmes ont moins parlé sous la torture, ce que je sais ".


Auteurs : Claude Seyve
Sources : Maquis et Bataillon Morvan, 1996, éd. Amicale du maquis Morvan - Mémoires de Renée Audibert et Marius Audibert - Ania Francos, Il était des femmes dans la Résistance…, éd. Stock, 1979.