Ernest Adler

Légende :

Juif allemand interné au GTE (Groupe de travailleurs étrangers) de Crest, placé dans une ferme au hameau des Maillets, à L’Escoulin. Il sera raflé le 26 août 1942 et déporté.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Inconnu

Source : © Collection Robert Serre Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Date document : 1942

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - L’Escoulin

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Analyse média

Juif interné au GTE (Groupe de travailleurs étrangers) de Crest, Ernest Adler est employé à des travaux agricoles dans une ferme au hameau des Maillets, à L’Escoulin. Ici, il s’occupe du troupeau de vaches.

Auteur de la photographie inconnu.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

Le 16 juin 1942, sur proposition de Bousquet, chef de la police française, Pétain et Laval s'engagent à livrer 10 000 Juifs de la zone dite libre. Le 2 juillet, ils acceptent que la police française procède aux arrestations de Juifs étrangers, aussi bien en zone occupée qu'en zone libre. Le 4 juillet, Laval propose à Danneker, chef du service des questions juives de la Gestapo en France, que les enfants juifs étrangers de moins de 16 ans de la zone libre soient déportés avec leurs parents. Le gouvernement de Vichy, croyant sauver des Juifs français, livre ainsi aux Allemands des enfants pour la plupart nés en France, donc Français. De gigantesques rafles sont alors organisées dans la zone dite libre, c'est-à-dire sous la seule autorité de l'État français qui sait très bien que l’arrestation, dont il a chargé sa police, se poursuit par la déportation : officiellement, les déportés vont « travailler à l'Est ».

La grande rafle du 26 août 1942 au GTE de Crest :

Pour approcher les effectifs prévus et livrer les 10 000 Juifs promis aux nazis, on prélève largement dans les GTE : environ 1 400 sur les 5 293 déportés du convoi 27. Bousquet mobilise les préfectures et tous les services de police pour cette tâche. Le chef du GTE de Crest, Texier, trouve là une belle occasion de montrer son zèle dans la chasse aux Juifs. Charles Marak, Tchèque interné et employé comme secrétaire, raconte cette rafle dans son rapport de la Libération :
« Trente-deux travailleurs ont été ramassés et emmenés au camp, dont cinq étaient d'anciens engagés volontaires. À leur arrivée Texier leur a fait enlever tous leurs bagages, papiers personnels, chaussures, et les [a] fait enfermer et garder par vingt-deux gendarmes, nous défendant de communiquer avec ces camarades, sous menace de nous emmener avec eux en Allemagne. Le lendemain, ils ont été appelés individuellement au bureau, leurs bagages fouillés et tous objets confisqués, même leurs complets de démobilisation. Le surveillant Regoussin a montré un zèle tout particulier à ce triste travail pour se faire bien voir de Texier. Le travailleur Kohn Ladislas (ancien bijoutier) a été l'objet d'une perquisition minutieuse chez son employeur M. Lantheaume à La Rochette, perquisition faite en l'absence de ce travailleur et au cours de laquelle Texier a pris tous les objets lui appartenant et a omis de les lui remettre à son départ, s'appropriant même la bicyclette de Kohn pour l'usage de son ordonnance. Au travailleur Feblowicz Isidore, Texier a confisqué 1 500 livres sterling et 500 dollars ainsi que quelques bijoux personnels. Témoignage formel du chef de chantier Rappaport à qui Feblowicz a dû demander un secours de cent francs avant son départ. Le jour du départ, les trente-deux travailleurs, escortés de plus de vingt gendarmes, ont été menés à la gare au commandement et au pas. Texier était en tête, en grande tenue, armé d'un revolver et d'une cravache, et muni de la sacoche cartographique. Cette mise en scène était d'un grotesque achevé et les gendarmes ne pouvaient s'empêcher de sourire. Il nous a bien entendu était interdit de faire nos adieux à ces (sic) camarades ».
Le témoignage écrit laissé par Nicolas Rappaport nous apprend d'autres détails sur cette rafle : « La plus importante affaire de déportation s'est passée en août 1942 : c'était alors la chasse aux israélites. On en a arrêtés 40 à 45. Il s'agissait des travailleurs du camp et aussi des membres de leurs familles (femmes, enfants). Ils étaient gardés au camp par 22 gendarmes. On leur avait enlevé leurs chaussures et donné des sabots. Il était interdit de communiquer avec eux sous peine de les suivre en déportation. Il y avait parmi les arrêtés deux ou trois bébés. Avant le départ on leur confisquait tout (argent, bijoux, vêtements). Je sais qu'à un Israélite l'on a pris 1 500 livres sterling, 500 dollars ainsi que quelques bijoux. La femme qui vivait avec le commandant s'occupait des femmes et les faisait déshabiller complètement, leur confisquait tout ce qui était en leur possession.»
Parmi ces hommes, on trouve Ernest Adler, 26 ans. Malgré l'insistance de son employeur M. Lantheaume qui lui déconseillait vivement de descendre à Crest, Adler était parti de L'Escoulin pour voir sa mère et sa sœur. C'est ainsi qu'il est tombé dans la rafle ! Tous les trois mourront à Auschwitz, la mère et la sœur d’Ernest ayant aussi été déportées le 3 novembre 1942 dans le convoi n° 40.
Le 25 août, les trente-deux hommes, tous juifs, regroupés à Crest sont emmenés à Fort Barraux, au nord de Grenoble, vieille forteresse de la fin du XVIe siècle reconstruite par Vauban, utilisée depuis 1940 comme centre de séjour surveillé. Parmi eux, l'un a été pris à Montélimar, d'autres dans divers GTE (Rosans, Largentière-la-Bessée, etc.). Mais ils sont au moins 25 issus du 352e GTE de Crest. Ces hommes qu'on emprisonne à Fort Barraux, puis qu'on envoie à la mort, n'ont commis ni crime, ni délit. Leur dossier précise que leur casier judiciaire est vierge, qu'ils n'appartiennent à aucun parti politique ou syndicat. Leur seul crime est inscrit sur leur fiche d'état civil : « race juive, religion israélite » (sauf pour Kessler qui est dit « sans religion »).
Deux d'entre eux, parce qu'ils acceptent un engagement volontaire dans l'armée française, ne partent pas. Ce convoi n° 27 comptait environ 1 000 déportés, 877 sont gazés à l'arrivée. Lors de la libération, au début de 1945, il ne restera que 30 hommes survivants de ce convoi dont 4 Travailleurs étrangers (TE) de Crest.
Vont s'ajouter à eux d'autres Travailleurs étrangers (TE) non placés dans la Drôme, mais qui y sont pris. Il y a d'abord trois évadés du centre de Lastic à Rosans (Hautes-Alpes) un GTE des Hautes-Alpes repris le même jour par la brigade de Nyons, ainsi que deux autres Juifs autrichiens arrêtés dans la Drôme au même moment et déportés dans le convoi n° 27 avec la mention "GTE" sans autre précision.

Des membres de leur famille :

Anne Weiler, née Alexandre, l'épouse de Walter Weiler, part pour Auschwitz le 2 septembre 1942 dans le même convoi que son mari. Édith Kessler, arrêtée avec Jules Kessler à Allex et qui mourra à Auschwitz, est la jeune femme née le 29 novembre 1913 qu'il épousait quatre ans auparavant en Autriche. Henri Wolf, 19 ans, le fils du TE Willy Wolf arrêté le même jour à Nyons, est déporté lui aussi à Auschwitz dont il réchappera.


Auteurs : Robert Serre
Sources : Archives Yvonne Caillet. Vincent Giraudier, Hervé Mauran, Jean Sauvageon, Robert Serre, Des indésirables, les camps d’internement et de travail dans l’Ardèche et la Drôme durant la Seconde Guerre mondiale, éd. Peuple Libre et Notre Temps, Valence 1999. Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, Valence, Peuple Libre/Notre Temps, 2006.