Avis de recherche de la famille Lazar

Légende :

Louis Lazar essaie, en faisant publier cet avis, de retrouver sa femme et ses enfants qui ont été raflés et déportés.

Genre : Image

Type : Avis de recherche

Producteur : Inconnu

Source : © Archives ONAC Drôme Droits réservés

Détails techniques :

Assemblage de photographies.

Date document : 1945

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Nyons

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Analyse média

Après la guerre, le père Louis Lazar, Juif sarrois, tente de retrouver la trace de sa famille disparue à l'aide de photos : ici, il a rassemblé les photos individuelles de son épouse Berthe, de ses enfants Ruth, Gunther, Kurt et Francine et de son neveu Werner Strauss, tous arrêtés le 21 janvier 1944.

En affichant ou en faisant publier cet avis de recherche en 1945, Louis Lazar espérait encore retrouver leur trace. Tous étaient morts à Auschwitz. Quand il eut perdu tout espoir, Louis mit fin à ses jours.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

La première rafle de Nyons 26 août 1942

Une centaine de Juifs, pour la plupart sarrois, s’était installée dans la petite cité méridionale de Nyons. Une cinquantaine de Juifs français réfugiés venus de la zone occupée s’ajoute à cet effectif en 1942. « Ils vivaient tranquilles chez nous jusqu'au jour où le gouvernement de Vichy, s'étant mis aux ordres d'Hitler, commença lui aussi la chasse aux juifs ». En vertu des mesures de regroupement des israélites étrangers dans le département de la Drôme, ordre est donné d'arrêter les Juifs sarrois, réfugiés à Nyons ou ses environs.
Sont appréhendés Max Lévy, 54 ans, Marthe Séligmann, 59 ans, sa fille Frida, 31 ans, son fils Auguste, 27 ans, (son mari Richard échappe à cette rafle, mais sera arrêté par la gendarmerie six mois plus tard) les époux Jacob, Berthe, 45 ans, et Oscar, 57 ans, marchand de bestiaux, les trois frères et sœurs Wollstein, Hubert ou Herbert, 28 ans, Érich, 27 ans, et Ursule, 22 ans, arrêtés dans leur « villa des Oliviers » alors que leur père Berthold réussit à échapper à la rafle. Enfin Kurt Lévy, 33 ans, et Léon Wollheim, 40 ans. Tous mourront à Auschwitz.
Dans la même rafle, se trouvaient des parents mentionnés par ailleurs de Travailleurs Étrangers du camp de Crest : Anne Weiler épouse de Walter (ils s’étaient mariés à Nyons en 1936), arrêtée à Nyons « en pleine rue près de l'église » et Henri Wolf, fils de Willy. Une douzaine d'arrestations donc, c'est-à-dire beaucoup moins qu'escompté.

22 familles sur 27 avaient réussi à se cacher, certains hommes gagnent même la clandestinité dès ce moment. Le sous-préfet doit se justifier de cet échec partiel en expliquant que les Juifs sarrois de Nyons « sont en général riches et habiles à se procurer du ravitaillement pour en faire profiter leurs amis. Certains, comme la famille Hirsch, qui produit une part importante du lait de Nyons, jouissent de nombreuses et solides amitiés dans la ville » et en arguant du soutien des milieux protestants et des adversaires du gouvernement. C'est pourquoi il pense qu'ils « ont sans doute été prévenus de la mesure qui les visait et [ont] levé le pied la veille ».
Bien sûr, une bonne part de la population les aide et cette proportion ira grandissant. Ainsi, un gendarme de la brigade avait fait prévenir par son fils, camarade d'école de Werner Salmon, la famille de Rudolf Salmon qu'il avait reçu l'ordre de les appréhender. Mais l'administration pétainiste a aussi ses informateurs locaux, comme en témoigne cette lettre adressée le 8 septembre 1942 par le chef du cabinet militaire du chef de l'État à GC, logé dans le plus grand hôtel de la ville : « Le Maréchal Pétain me charge de vous accuser réception de votre communication du 31 août et de vous remercier de lui avoir signalé les faits qui y sont relatés ».
Le 7 octobre 1942, le préfet de la Drôme écrit au sous-préfet de Nyons : « J'ai l'honneur de vous informer qu'il y a lieu de mettre à la disposition de leurs propriétaires les logements des israélites étrangers qui ont fait l'objet de mesures de regroupement du 26 août 1942. Les meubles et objets divers leur appartenant devront être mis en lieu sûr dans un local municipal, les vivres et denrées périssables qui pourraient être découverts seront versés au ravitaillement général qui devra vous en délivrer reçu. Ces instructions doivent être appliquées sans délai ».

21 janvier 1944 : la deuxième rafle de Nyons

Un après-midi de janvier 1944, Frégate RJ 232, le groupe de résistants de la préfecture, prévient par l'un de ses agents les amis du Nyonsais de l'arrestation imminente de réfugiés juifs afin de leur permettre d'y parer. L'alerte est donnée. Le groupe local de l’AS, dirigé par Téna et qui, grâce à une imprimerie clandestine à Valréas, fournissait de faux papiers aux Juifs, prend rapidement des dispositions.

Les familles Lazar, Wolf et Lévy se présentent en pleine nuit à la ferme d’Albin Vilhet, l'un des responsables de la Résistance à Nyons, pour qu'on les cache. Celui-ci accepte de le faire, bien que sa maison, leur dit-il, ne soit pas un asile très sûr car il est suspect comme communiste. « Vu l'heure tardive, je ne pouvais pas les renvoyer et mon épouse s'employa à préparer quelques lits pour les femmes ; les hommes couchèrent dans le foin. Le lendemain matin, je me rendis chez le curé et le pasteur qui s'étaient proposés pour nous trouver des refuges. Le curé ne put rien faire, mais le pasteur Bonifas m'indiqua un abri sûr, chez Charles Guintrand, au quartier des Crotasses [à Vinsobres]. Les trois familles passèrent la journée chez nous. On les ravitailla le mieux possible et, lorsque la nuit arriva, je les accompagnai car je connaissais bien le chemin. Je passai devant, portant la petite Francine Lazard sur mes épaules car, âgée de quatre ans, elle avait du mal à suivre. Le jeudi suivant, je rencontrai Lazard père qui se promenait en ville. Je lui dis : "Vous auriez dû attendre encore un peu avant de vous montrer ». Il me répondit : « Nous étions bien là où nous étions, mais rien ne vaut son chez-soi et demain nous rentrons chez nous ». Mais une « descente » de la Gestapo et de la Milice va leur être fatale. « Le 21 janvier 1944, vers 23 heures, poursuit Albin Vilhet, la Gestapo, accompagnée de miliciens, arrivait à Nyons et procédait à de nombreuses arrestations [de Français résistants] Les familles juives Salmon, Lazard, Bombet furent arrêtées en entier, sauf le père Lazard qui s'était caché dans une penderie. [Elles] ne devaient plus revenir et terminèrent leur martyre dans les fours crématoires ».
Dix-sept Juifs, y compris les personnes âgées et les enfants, ont été pris.
Léonie Albert, née Samuel, 58 ans, sa fille Renée Albert, 22 ans, qui tenaient une pâtisserie (Le fils Armand Albert, qui avait échappé de justesse à la rafle du 25 août 1942, avait pu se cacher à Marseille, puis à Chamonix).

Les deux sœurs mariées à deux frères, Clémence Bombet née Raphaël, 56 ans, et Blanche Bombet née Raphaël, 58 ans. (Pierre Bombet, 37 ans, représentant de commerce en bois, jouets et ferblanterie pour une maison de Thonon, qui venait une fois par mois voir sa femme à Nyons, villa des Vignes au quartier Chantemerle, était probablement un membre de leur famille : arrêté l'année suivante, il sera déporté le 20 novembre 1943 à Auschwitz).
Louis (Ludwig) Lazar, TE du camp de Crest, échappe à l'arrestation, (caché dans une penderie, nous dit Albin Vilhet, au grenier de la villa que la famille s'était construite, seulement accessible par une échelle de corde, selon Werner Salmon), mais sa femme Berthe Lazar née Salmon, 41 ans, et ses quatre enfants, Ruth, 18 ans, Gunther, 16 ans, Kurt, 12 ans, Francine, 4 ans, née à Nyons le 23 juin 1939, ainsi que le neveu et cousin des Lazar, Werner Strauss, 15 ans, sont pris à leur domicile, promenade des Anglais. Après la guerre, le père Lazar, tente de retrouver la trace de sa famille disparue à l'aide de photos et « après avoir compris que sa femme et ses quatre enfants étaient disparus dans la Shoah" se suicide.
Le frère de Berthe Lazar, Robert Salmon, 54 ans, la femme de ce dernier, Amanda née Samuel, 44 ans, et leurs enfants Ilse ou Lise, 18 ans, et Ruth ou Rosie, 10 ans, qui habitaient à la promenade des Anglais.
Et enfin Jean Rosen, 43 ans.

Ruth Lazar, Ilse Salmon et Renée Albert étaient trois jeunes filles très amies et s'étaient engagées dans la Résistance.

Tous iront à Drancy avant d'être embarqués dans les wagons à bestiaux du convoi n° 67 du 3 février 1944. Tous mourront à Auschwitz, sauf Lise Salmon, conservée en vie à la sélection, mais qui mourra du typhus à Bergen-Belsen le 4 juin 1945.

Hans Friedmann, 34 ans, partira pour la même destination dans le convoi n° 74 du 20 mai 1944. Ernest Strauss, 66 ans dans le convoi n° 76 le 30 juin 1944. Le cas du Juif Alfred Lichtenstein, né à Nyons et âgé de 37 ans, est mal connu. On ignore où et quand il est arrêté, on ne connaît que son transport le 15 mai 1944 au camp de Kaunas-Reval.

À cette liste, il faut ajouter Klara Blum, réfugiée de Breisach en Allemagne, qui vivait à Nyons, rue Nationale, avec son fils de 35 ans semble-t-il. Elle n'a pas le temps de partir en déportation en Allemagne puisqu'elle meurt au camp de Gurs, dans les Basses-Pyrénées, à une date qui ne nous est pas connue.


Auteurs : Robert Serre
Sources : Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, Valence, Peuple Libre/Notre Temps, 2006. Études drômoises n° 27, octobre 2006. Société d’Études nyonsaises, Terre d’Eygues n° 33, 2004. Albin Vilhet, La Résistance dans le Nyonsais, Notre temps, Valence 1982.