Paul Giacobbi
Légende :
Paul Giacobbi, sénateur de la Corse en 1938 et résistant gaulliste
Paul Giacobbi, senator of Corsica in 1938 and Gaullist Resistance fighter
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © ANACR Corse-du-Sud Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique en noir et blanc.
Date document : 1943
Lieu : France - Corse
Contexte historique
Paul Giacobbi, né le 18 mars 1896 à Venaco, est l'un des hommes politiques les plus remarquables de sa génération. Il joue un rôle régional, mais aussi national. Il commence très tôt sa carrière professionnelle et politique puisque, dès 1922, inscrit au barreau de Bastia, il y entame sa carrière d'avocat, tandis que les électeurs de Venaco en font leur maire - le plus jeune de France -. Il a été élu sur la liste radicale-socialiste. Trois ans après, il devient conseiller général de Vezzani. Sa carrière parlementaire débute peu avant la guerre quand il est élu sénateur le 23 octobre 1938 contre un adversaire de talent et d'expérience, Adolphe Landry, député républicain démocrate de la Corse depuis 1910 et sénateur depuis 1930. A 42 ans, Paul Giacobbi est le benjamin du Sénat. Il y est actif, particulièrement dans la discussion du budget de la Marine marchande de 1940. Présent à Vichy en juillet 1940, il est le seul représentant de l'île ayant voté contre les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet, l'un des " Quatre-vingts ". Son refus d'adhérer au nouveau régime le prive de toute fonction publique jusqu'à la Libération et fait de lui un suspect. La municipalité de Venaco est dissoute le 17 février 1941 et remplacée par une délégation spéciale.
C'est peu après, en mai, qu'il a un premier contact secret avec Fred Scamaroni, venu en Corse pour poser les jalons d'une organisation résistante, le réseau R2 Corse, rattaché aux FFL de Londres. Paul Giacobbi a aussi un contact avec la mission Pearl Harbour de De Saule, constituée à Alger par Giraud. Les arrestations opérées par les Italiens désorganisent les réseaux en formation. L'OVRA s'est implantée en janvier et l'illusion italo-vichyste d'une coopération avec l'occupant est dépassée. Paul Giacobbi est arrêté le 19 février 1943 à Venaco et écroué à la caserne Marbeuf à Bastia, avant d'être interné le 26 à Prunelli di Fium'Orbu. Il s'y trouve toujours quand Fred Scamaroni est pris, le 17 mars, à Ajaccio et se suicide le 19.
En juin, le bruit d'un transfert des internés de Prunelli en Italie décide Eugène Macchini et Paul Giacobbi à tenter une évasion. Evasion possible, grâce à l'active complicité de la population qui les cache dans le village, puis les conduit dans la région montagneuse de Chisa où des abris précaires leur sont offerts (une bergerie, une grotte) et où la santé fragile du sénateur s'altère. Du moins, ont-ils échappé à la déportation en Italie, qui est le sort des autres internés demeurés à Prunelli, transférés fin juillet en Calabre, au camp de Ferramonti di Tarsia.
Après la guerre, Paul Giacobbi manifestera sa reconnaissance aux habitants de Chisa, en obtenant que leur village reçoive le statut de commune, indépendante de Ventiseri en décembre 1946.
La nouvelle de la signature de l'armistice par l'Italie est immédiatement suivie par l'insurrection des patriotes en Corse. Paul Giacobbi peut revenir à Venaco, puis se rendre à Ajaccio où il rencontre le conseil de préfecture installé par le Front national (FN) et, à son arrivée le 14 septembre, le nouveau préfet désigné par Alger, Charles Luizet.
Une nouvelle période de pleine activité politique, favorisée par de Gaulle, commence pour lui. Il est pour le Général, sinon une alternative à la toute-puissance d'un Front national libérateur, du moins une opportunité d'élargir et de diversifier les composantes du comité départemental du Front national jusque-là de majorité communiste. On le voit accompagner de Gaulle dans sa traversée de la Corse du 6 au 8 octobre, dans les jours qui suivent la libération totale de ce département, le premier qui, grâce à l'initiative du 9 septembre, se trouve débarrassé de ses occupants. La restauration d'une autorité d'Etat, préparée avec diplomatie par Luizet et par le commissaire à l'Intérieur du Comité d'Alger, André Philip, facilitée par le succès populaire de De Gaulle, est consacrée le 11 octobre 1943 par la création du comité départemental de Libération qui préfigurait, par son appellation, mais aussi par sa conception, les CDL installés sur tout le territoire à partir d'août 1944. Les résistants et les forces et hommes politiques non compromis dans la collaboration doivent s'y retrouver. Aussi, par sa précocité, l'exemple corse est un modèle que le Comité d'Alger entend proposer comme une réussite et qui doit contribuer à sa légitimité.
Paul Giacobbi sert cet objectif non sans se heurter à des dissensions locales, surtout quand il crée, le 22 octobre, le Mouvement IVe République, avec Henri Maillot, lié jusque-là au Front national, mais non communiste, et surtout désireux avant tout d'obéir aux vues du Général. Quand une commission départementale remplace le conseil général, éliminé par Vichy, c'est Paul Giacobbi qui en devient le président. Il est aussi appelé avec Henri Maillot à siéger à l'Assemblée consultative d'Alger comme Arthur Giovoni, communiste, organisateur et dirigeant du Front national en Corse. L'importance qu'on lui reconnait à Alger lui vaut d'accéder à des fonctions ministérielles quand le Comité se transforme en Gouvernement provisoire. Il y est nommé successivement ministre du Ravitaillement et de la Production industrielle, - poste des plus délicats en cette période de graves pénuries -, puis des Colonies. Encore lui faut-il avoir de nouveau la caution du suffrage populaire : il l'a deux fois en 1945. D'abord lors des cantonales de mai, puis lors des élections générales d'octobre. Il est élu président du conseil général de la Corse, malgré la candidature de la mère de Fred Scamaroni, Charlotte, qu'il devance par 35 voix contre 23. Il devient député radical-socialiste de la Corse tandis qu'Arthur Giovoni est le seul représentant communiste élu à l 'Assemblée. En novembre, de Gaulle lui confie le portefeuille de l'Education nationale qu'il abandonne quand le Général quitte le pouvoir en janvier 1946. Il préside l'inter-groupe RPF, fondé en 1947. Son dernier poste gouvernemental est celui de ministre d'Etat chargé de la Fonction publique et de la Réforme administrative dans le cabinet Henri Queuille, d'octobre 1949 à juillet 1950.
Paul Giacobbi meurt le 8 avril 1951.
Paul Giacobbi, born March 18th, 1896 in Venaco, was one the most remarkable politicians of his generation. He was active both regionally and nationally and began his professional political career very early. He registered as a lawyer in 1922 with the bar of Bastia, while simultaneously being elected as mayor of Venaco, the youngest in France. He was elected off the radical-socialist ballot.
Three years later, he became a general council member of Vezzani. His parliamentary career began slightly before the war, when he was elected senator on October 23rd, 1938 against an experienced and talented opponent, Adolphe Landry, a democratic-republican deputy for Corsica since 1910 and senator since 1930. At 42 years old, Giacobbi became the youngest member of the Senate. He was also an active member of the Senate, particularly within discussions concerning the budget for the Merchant Marine in 1940. Present during Vichy’s formalization, he was the only representative of the island to deny Pétain full powers in exercising absolute authority on July 10th, one of “Eighty”. His refusal to adhere to the new regime deprived him of public office until Liberation and rendered him a suspect of the state. The local government of Venaco dissolved on February 17th, 1941 and was replaced by special delegation.
Shortly after, in May, Giacobbi entered into secret communication with Fred Scamaroni, who recently arrived in Corsica to lay the groundwork for a Resistance organization, the R2 Corse network, associated with the FFL in London. Giacobbi was also contacted regarding the De Saule’s mission, Pearl Harbour, established by Giraud in Algiers. The arrests carried out by Italian troops complicated the formation of these networks. OVRA established its presence on the Island in January, and the former Italian-Vichy illusion of cooperation between occupiers and occupied vanished. Paul Giacobbi was arrested on February 19th, 1943 in Venaco and kept in the Marbeuf barracks in Bastia, before being sent to an internment camp in Prunelli di Fium’Orbu, on the 26th. He was still there when Fred Scamaroni, taken on March 17th in Ajaccio, committed suicide the 19th.
In June, amidst the rumors that all prisoners would be transferred from Prunelli to Italy, Eugène Macchini and Paul Giacobbi decided to attempt escape. Escape was possible, thanks to the active complicity of the Corsican population, willing to hide them in town. They were then taken to the mountainous region of Chisa, where makeshift shelters were available (a sheep pen, a grotto) and where Giacobbi’s fragile health would begin to decline. At the very least, they escaped deportation to Italy, the fate of others kept at Prunelli, who were then transferred at the end of July to Calabria to a new internment camp, Ferramonti di Tarsia.
After the war, Giacobbi expressed his appreciation to the people of Chisa by ensuring that their village obtained the status of a commune, independent of Ventiseri beginning in December 1946.
The news of Italy’s signing of the armistice was immediately followed by a patriotic insurrection in Corsica. Giacobbi was able to return to Venaco and then to Ajaccio, where he met with the regional committee established by the Front national (FN) and, upon his arrival on September 14th, the new prefect appointed by Algiers, Charles Luizet.
Encouraged by De Gaulle, a new period of political activity began for Giacobbi. For General De Gaulle, inviting Giacobbi to participate in this political activity, if not a method by which to check the power and influence of the Front national back then locallygreeted as theliberator, was at least an opportunity to enlarge and diversify the members of the Regional Committee of the Front National and its communist majority. Giacobbi accompanied De Gaulle during his crossing of Corsica from the 6th to the 8th of October. The days that followed saw the total liberation of the island, and the first of which, thanks to the initiative of September 9th, rid itself fully of occupying forces. The restoration of the State’s authority, facilitated by the diplomatic efforts of Charles Luizet and André Philip, commissioner of the interior of the Committee of Algiers, as well as the popularity of General De Gaulle, was cemented on October 11th, 1943 with the creation of the Departmental Committee of Liberation (Comité Départemental de Libération, or CDL). This would be the first of many CDL’s established throughout the country, beginning in August 1944. Resistance fighters as well as political forces clear of any kind of collaboration were supposed to be represented in the CDL.
Additionally, given that these developments unfolded in Corsica quite early, the Committee of Algiers used the island as a model, demonstrating the legitimacy and effectiveness of the movement.
Paul Giacobbi was able to fulfill his own objectives while avoiding local confrontation, and particularly so when he created, on October 22nd, the 4th Republic Movement with Henri Maillot, himself in close connection with the Front National, although not a communist but willing to obey the orders of De Gaulle. When a regional commission replaced the general council, formally eliminated by Vichy, it was Giacobbi who would become its president. He and Henri Maillot were also called to preside over the Assemblée consultative d’Alger (“Advisory Committee of Algiers”), along with Arthur Giovoni, communist, and organizer and leader of the Corsican Front national.
His influence and importance, recognized in Algiers, would allow him to ascend the ministerial hierarchy when the Committee became temporary regional government “Gouvernement proviso ire”). He was then named the Minister of Food Rationing and Industrial Production, one of the most necessary and delicate positions during this time of great scarcity, and then the Minister of the Colonies. Giacobbi also required endorsement by popular vote to maintain these positions. He received it twice in 1945, firstly, during regional elections and then during general elections in October. He was elected president of the General Council of Corsica, despite the candidacy of Fred Scamaroni’s mother, Charlotte, who received 23 votes to his 35. He became the Radical-Socialist deputy of Corsica while Arthur Giovoni remained the only Communist representative elected to the Assembly. In November, De Gaulle entrusted him with the duties of National Education that he then abandoned once De Gaulle stepped down in January 1946. He presided over the inner-group Rassemblement du Peuple Français (RPF), founded in 1947. His last government position was that of the Minister of the State: head of civil services and administrative reform in the cabinet of Henri Queuille, from October 1949 until July 1950.
Paul Giacobbi died on April 8th, 1951.
Hélène Chaubin, CD-ROM in La Résistance en Corse, 2e édition, AERI, 2007.
Traduction : Sawnie Smith