La mission Frederick
Légende :
Le bâtiment britannique HMS Saracen, ici en Angleterre en juillet 1942 ayant notamment permis aux agents de la Mission Frederick d'accoster le 11 février 1943 dans la baie de Cupabia
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Wikipedia Commons Libre de droits
Détails techniques :
Photographie analogique en noir et blanc.
Date document : Juillet 1942
Lieu : France - Corse
Contexte historique
Après la mission Pearl Harbour débarquée par le sous-marin Casabianca en décembre 1942, au nord de Cargèse, c’est la mission « Sea Urchin » (Oursin de mer) conduite par Fred Scamaroni qui est débarquée début janvier 1943 au nord de Propriano par le sous-marin HMS Tribune. En février 1943, c’est au tour de la mission « Frederick », elle aussi venue d’Alger, de prendre pied en Corse. Elle est organisée par le Service Secret d’espionnage Britannique I.S.L.D. (Inter Service Liaison Department) M.I.6. Son objectif est de créer un réseau de renseignements pour informer les Alliés sur les forces ennemies italiennes qui occupent la Corse depuis le 11 novembre 1942. Elle est dirigée par un opérateur radio des Services Secrets britanniques, Guy Verstraete, âgé de 25 ans (nom de code : « Wlaminck » - nom d’emprunt : « Guy, Charles, Vernuge »). Il est accompagné par deux Corses : le premier, Antoine Colonna d’Istria, âgé de 37 ans, originaire de Petreto-Bicchisano, directeur d’un Monoprix à Alger. Le deuxième, un parent à lui, Charles Simon Andreï, âgé de 40 ans, est instituteur dans cette même ville.
Les trois hommes quittent Alger le 7 février au soir à bord du sous-marin H.M.S. Tribune avec un émetteur radio, des armes automatiques et leurs affaires personnelles. Dans la nuit du 11 février, à 2 heures 10, le sous-marin choisit la baie de Cupabia (celle-là même où avait débarqué Fred Scamaroni) pour débarquer la mission. A un mille de distance de la côte, le sous-marin met deux canots à la mer. Ils transportent hommes et matériel jusqu’au lieu-dit "Scogliu Biancu", près de Cala di Giglio ; non sans quelques frayeurs parce qu’un projecteur ennemi situé à 300 mètres au-dessus balaye la baie de sa lumière. La mission n’est pas attendue. Il n’y a donc pas de comité de réception. Les hommes doivent dissimuler leur matériel et quitter la plage et à travers le maquis se hasarder à la recherche de patriotes.
Le contact est établi avec des parents et amis corses. Antoine Colonna d’Istria rejoint Petreto-Bicchisano, Andreï est hébergé par un ami, Jean-Donat Léandri à Propriano. Quant à Vernuge, il s’installe avec son poste radio dans uns bergerie située à 1 km de Tivolaggio, village distant de 16 km de Propriano. De là, il émettra jusqu’à son arrestation, une quarantaine de messages, renseignant les Alliés sur le dispositif des troupes d’occupation.
Informé de l’arrivée à Cupabia, (là où eux-mêmes avaient débarqué), entre le 9 et 12 avril, d’un sous-marin venant d’Alger, Vernuge et Andrei se rendent sur les lieux pour l’accueillir. Victimes d’un délateur, ils sont arrêtés par les carabiniers. En attendant que ces derniers vérifient leur identité, ils sont enfermés dans une porcherie. Vernuge réussit à cacher sous les tuiles une carte détaillée du golfe du Valinco qui était destinée au sous-marin. Leur identité acceptée, les deux hommes peuvent repartir, libres, mais un carabinier, poussé par la curiosité, retourne à la porcherie et y découvre la carte qui dépassait des tuiles. Les deux hommes sont rattrapés, arrêtés dans la demi-heure qui suit et conduits à Propriano, et faits prisonniers. Ils résistent à la torture pendant 24 heures, le temps pour le réseau de s’évanouir dans le maquis. Tous n’y parvinrent pas. Leandri et Tomasini sont arrêtés. L’épouse de François Peretti (Scatena) sera détenue aussi pendant quelques semaines avant d’être relâchée. Les quatre hommes, Vernuge, Andrei, Leandri et Tomasini sont ensuite incarcérés dans la citadelle d’Ajaccio pour y être torturés. D’Ajaccio ils sont conduits à Bastia où siège le tribunal de guerre du 7e Corps d’Armée italien. Le procès des hommes du réseau et celui de Louise Simponpietri, qui avait abrité Vernuge à Tivolaggio, a lieu le 5 juillet 1943. Le verdict tombe : Vernuge et Andréi sont condamnés à mort. Ils sont fusillés le 6 juillet. Vernuge, le Belge, s’écroule en criant : « Vive la France ! ». Léandri et Tomasini sont condamnés à 30 ans de prison. Ils mourront sous les bombardements alliés dans leur prison de Castel Franco en Italie. Les fugitifs sont condamnés : Antoine Colonna d’Istria, François Peretti ("Pierre Scatena") sont condamnés à mort in absentia, Tramoni et Mondoloni, à 24 ans de prison. Louise Simonpietri, la mère de Cesari, qui avait abrité Vernuge à Tivolaggio, est relâchée.
Terry Hodgkinson « Frederick », la mission oubliée, Larsen Grove Press, 2007
Sir Brooks Richards, Flotilles secrètes. Les liaisons clandestines en Corse et en Afrique du Nord 1939-1945, Ed. MDV, 2001.