Gabriel et Claire Bret
Légende :
Gabriel Bret a été prisonnier de guerre de 1940 à 1945. Il est photographié avec son épouse Claire, à Saint-Martin-d’Août, dans la ferme des parents de Claire, en 1952.
Genre : Image
Type : Photo
Source : © AERD, collection Michel Bret Droits réservés
Détails techniques :
Photographie argentique en couleurs.
Date document : printemps 1952
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Saint-Martin-d’Août
Analyse média
Claire et Gabriel Bret sont photographiés devant le mur d’une petite grange, dans la cour de la ferme Nivon à Saint-Martin-d’Août en 1952. La date n’en est pas connue exactement. Le soleil brille mais à la façon dont ils sont habillés, on peut penser que c’est par une belle journée de printemps.
Claire Nivon et Gabriel Bret se marient en 1936. Leur fils Michel naît en 1938. Claire est couturière et Gabriel menuisier. Ils sont installés à Saint-Donat-sur-l’Herbasse, rue Pasteur. Gabriel est mobilisé en septembre 1939. Claire garde la maison de Saint-Donat-sur-l’Herbasse, mais revient, avec son fils, vivre à Saint-Martin-d’Août chez ses parents.
Les parents Nivon et les frères de Claire sont des gens de gauche qui, dès le début, n’acceptent pas l’invasion allemande.
Gabriel Bret est fait prisonnier dans le Jura en juin ou début juillet 1940 et conduit en Allemagne. Claire reste sans nouvelles pendant presque un an. Avec d’autres femmes de Saint-Martin-d’Août et Châteauneuf-de-Galaure, elles se rassemblent et font des démarches auprès des maires et de la préfecture de Valence pour que des recherches soient effectuées. Un jour de juin 1941, un paquet de lettres arrive. Gabriel Bret est dans un stalag proche de Dresde. Après, il a été déplacé de ville en ville pour déblayer les immeubles qui ont subi des bombardements.
Claire Bret continue la mobilisation des femmes de prisonniers en confectionnant des colis de nourriture. Son rôle est d’aider les femmes qui perdent le moral, désespèrent de retrouver leur mari.
En juin 1943, les FTP (Francs-Tireurs et partisans) avec qui la famille Nivon est en contact demandent à Claire qui n’occupe pas son petit appartement de Saint-Donat-sur-l’Herbasse d’y accueillir un couple de gens poursuivis. C’est effectif le 1er juillet. On les connaît sous le nom de "Lucien et Élisabeth Andrieux". Ils y restent jusqu’en septembre 1944. En réalité, il s’agit de Louis Aragon et d’Elsa Triolet qui n’ont révélé leur identité qu’en août 1944.
Gabriel Bret revient de captivité en mai 1945. Gabriel et Claire Bret réaménagent dans leur appartement de Saint-Donat en juillet 1945. Gabriel est très affaibli, très amaigri, parfois il s’évanouit. La reprise d’une vie de famille équilibrée est difficile. Claire a hyper protégé son fils pendant tout le temps de la captivité. Celui-ci se sent abandonné lorsque sa mère doit s’occuper de son mari. C’est le cas de nombreuses familles ayant eu des enfants avant la guerre qui ont vécu 5 ou 6 ans sans le père.
Auteurs : Jean Sauvageon
Contexte historique
Malgré l'intérêt que semblent leur porter Pétain et son gouvernement, la politique d'aide aux prisonniers de guerre est un échec ; elle profite surtout à l'ennemi qui y trouve prétexte à imposer l'envoi de main-d’œuvre fraîche en Allemagne. Les prisonniers de guerre évadés ou libérés deviennent souvent d'efficaces résistants.
L'aide officielle
Les prisonniers de guerre (PG) ont été l'objet d'une attention particulière du régime de Vichy, qui a tenté de faire de leur problème une justification de sa Révolution nationale. Les prisonniers, selon Pétain qui, c'est vrai, en a l'esprit très préoccupé, connaissent les souffrances de la captivité, ils en sortiront renforcés par la dureté de leurs épreuves : "Leur esprit, fortifié par la vie des camps, mûri par de longues réflexions, deviendra le meilleur ciment de la Révolution nationale", déclare Pétain le 12 août 1941.
La guerre-éclair et l'écrasante supériorité de l'armée allemande ont, en mai-juin 1940, disloqué une armée française lourde et mal commandée. Une grande partie de nos troupes est donc prise et conduite vers les Oflags (pour les officiers) et les Stalags (pour les sous-officiers et hommes de troupe). Au moment de l'armistice de juin 1940, il y a 1 800 000 prisonniers de guerre français.
Combien de Drômois sur ce total ? 15 000 selon Mathaus Schindele. Mais, d'après les renseignements fournis par les services de la Direction interdépartementale des anciens combattants de Lyon, le nombre total des prisonniers de guerre drômois en 1939-1940 est d'environ 4 300. Cette disproportion, avec un nombre relativement peu élevé par rapport à la population du département, s'expliquerait par le fait que de nombreux Drômois ont été mobilisés dans l'armée des Alpes et ont ainsi échappé au grand coup de filet de mai-juin 1940.
Le 16 novembre 1940, est créé le Service diplomatique des prisonniers de guerre, avec à sa tête Georges Scapini, ancien combattant de 1914-1918 et aveugle de guerre. Objectifs : contrôler le traitement réservé aux PG dans les camps et les convaincre des bienfaits de la politique du Maréchal. Dès 1940, Vichy négocie avec les nazis. En 1941, Vichy crée un Commissariat général aux prisonniers rapatriés et aux familles de prisonniers de guerre. Dans chaque département, une Maison du prisonnier est ouverte, surtout pour donner des renseignements aux familles. Leurs animateurs assurent l'envoi de colis, les colis Pétain, qui avaient été l'enjeu de négociations entre Vichy et les Allemands.
C'est même pour régler le problème des prisonniers, non entre ennemis, mais entre Etats qui négocient, que Pétain lance la politique de collaboration. Celle-ci se traduira, entre autres, par les marchés de dupes de la Relève, puis du STO (Service du travail obligatoire), annoncés comme devant permettre la libération de prisonniers. Le 28 mars 1942 arrive à Valence un train de 300 prisonniers drômois rapatriés d'Allemagne, des malades, des impotents non utilisables par les Allemands.
Les administrateurs locaux et les organismes maréchalistes organisent des oeuvres charitables en faveur des PG, qui sont autant d'actions de propagande. Le conseil municipal de Romans vote le 20 octobre 1940 une subvention de 5 000 francs à la Croix-Rouge locale pour le colis individuel des PG. Des prisonniers rentrés de captivité forment, le 19 mai 1942, une association d'entraide dans la même ville. On voit par exemple les Compagnons de la musique donner une soirée de gala à Valence le 23 octobre 1942 au profit des prisonniers ou encore, en février et mars 1944, une séance récréative présentée à Allan au profit du colis des prisonniers de guerre de la commune, tandis qu'à Génissieux, la Croix-Rouge locale organise un gala dans le même but. Ces manifestations charitables sont autant d'occasion de faire valoir la politique du Maréchal.
Mais l'accueil n'y est pas toujours favorable. Le 11 juin 1943, M. Masson, secrétaire général aux prisonniers, tient une réunion de propagande devant 150 personnes. Les prisonniers rapatriés du département font savoir qu'ils ne partagent pas ses vues et lui reprochent d'exploiter la qualité de prisonnier pour en faire un artifice de propagande. Lors des cérémonies pour le troisième anniversaire de la Légion, à Romans, "aucun prisonnier n'assistait aux manifestations", à Die, "la seule manifestation a été un goûter offert à tous les enfants de prisonniers de la commune".
La situation douloureuse des familles de PG est exploitée habilement pour encourager la délation, à l'image des instructions données aux préfets par Laval le 9 juillet 1943 : "toute coopération apportée par la population à la capture des équipages [aviateurs ou parachutistes] sera récompensée. Les personnes qui se seront particulièrement signalées pourront obtenir la libération des prisonniers qu'elles désigneront".
Les prisonniers de guerre évadés et la Résistance
Des PG réussissent à s'évader - quelquefois après plusieurs tentatives infructueuses - et à rentrer au pays après un long et dangereux périple à travers l'Allemagne et la France occupée. Citons l'exemple du sergent Maurice Galland, évadé du camp de prisonniers de guerre de Laon, qui arrive à Die le 8 avril 1941, de Chapoutier, rentré à Tain-l'Hermitage après s'être évadé de l'Oflag 6D, de Nicolas Tchirkoun, prisonnier russe évadé d'Allemagne, arrêté à Valence-sur-Rhône le 15 janvier 1944 par la Feldgendarmerie, et qui parvient à s'échapper le lendemain des locaux de l'hôtel de Lyon où on le retenait, de Jean Pradelle, prisonnier évadé depuis quelques mois, arrêté à Chanos-Curson, le 9 mai 1944 et amené à Valence-sur-Rhône, de Paul Bénézech (futur capitaine "Antoine") évadé en août 1941 de l'Oflag où il est prisonnier et rentré à Valence, des officiers de Lassus et Alain Le Ray, célèbre évadé de la forteresse de Colditz, de l'abbé Magnet.
Selon une dépêche ministérielle du 6 août 1941 reçue par la préfecture de la Drôme, il y a "une extension très nette donnée à la propagande antinationale d'inspiration communiste. Elle s'exerce auprès des prisonniers libérés d'Allemagne, surtout dans les gares, où les employés de la SNCF participent souvent à ces agissements. Une surveillance discrète doit être faite à ce sujet."
Les évadés poursuivent leur lutte contre l'oppresseur
Chapoutier se met tout de suite à la fabrication de faux formulaires pour l'envoi de colis aux prisonniers, puis de faux papiers pour les Juifs, les évadés, les réfractaires au STO. Fin novembre 1942, on compte, parmi les 300 résistants armés, 60 prisonniers de guerre évadés, sous le commandement de Bénézech. À Hauterives, André Sédillot, prisonnier évadé, maréchal des logis d'Artillerie, participe en septembre 1943, avec Gérard Gateau et Paul Giraud, à la mise sur pieds d'un groupe de sédentaires et à l'organisation de leur instruction pour la connaissance de l'armement et le tir. En septembre 1943, deux membres de l'équipe des mousquetaires de L'Hermine sont des prisonniers libérés.
D'autres formes de manifestation sont à noter. Le 13 juillet 1943, Noël Pel, vicaire de la paroisse Sainte-Catherine, à Valence-sur-Rhône, et les femmes de prisonniers dont il a la charge déversent des escargots peints en bleu-blanc-rouge au pied des barbelés de protection de la police, rue Jonchère. Même les tenants du régime élèvent parfois la voix : H. Aubel, directeur de la maison du prisonnier à Valence, proteste vigoureusement, le 12 mai 1944, contre l'exécution de Mially, ancien prisonnier, victime des opérations d'avril de la Milice au Vercors. "Tous les prisonniers des Centre d'entraide de la Drôme se sont émus d'une justice aussi expéditive [...]. Nos camarades sont écoeurés et critiquent violemment la Milice d'un pareil fait".
Auteurs : Robert Serre
Sources : Témoignage de Michel Bret. Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.