Pont de Manne et le restaurant Arnaud
Légende :
L'hôtel-restaurant du pont de Manne se situe sur la commune de Saint-Thomas-en-Royans, en bordure de la rivière la Bourne.
Genre : Image
Type : Carte postale
Producteur : Photographie signée P.L.
Source : © Collection Robert Serre Droits réservés
Détails techniques :
Photographie argentique noir et blanc.
Date document : Sans date
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Saint-Thomas-en-Royans
Analyse média
Carte postale ancienne représentant au premier plan le pont de Manne, sur la rivière Bourne, limite des départements de Drôme et d’Isère. Le pont de Manne joint la RD 531 (Isère) qui longe la Bourne et la RD 76 (Drôme) sur l’autre rive.
On aperçoit en arrière plan le restaurant Arnaud. À l’époque de la guerre, le restaurant Arnaud est devenu l’hôtel-restaurant Bitsch loué par l’abbé Glasberg pour y héberger des Juifs.
Auteurs : Robert Serre
Contexte historique
Pont-de-Manne
Les centres d'accueil avaient été créés par l'abbé Alexandre Glasberg, l'un des fondateurs de l'Amitié chrétienne sous la caution du cardinal Gerlier, primat des Gaules et fervent soutien de Pétain, et du pasteur Boegner, président de la Fédération protestante de France. À la direction de ces centres (DCA), Glasberg se sert de la couverture officielle de son œuvre pour aider les Juifs. Il conçoit des centres pouvant recueillir 50 à 60 internés. Le premier est installé dans le Rhône. Puis sont ouverts des centres dans le Gers, les Hautes-Alpes et la Drôme. Attestant que les Juifs disposent de revenus pour vivre, il fait obtenir des « congés » aux détenus des camps, ce qui permettait de les placer « en résidence surveillée » dans ses propres centres.
C'est à Pont-de-Manne, dans la commune de Saint-Thomas-en-Royans, sur la rivière de la Bourne en limite des départements de la Drôme et de l'Isère, qu'au début de 1942 l'abbé Glasberg loue l'hôtel Bitsch pour le transformer en camp d'étrangers juifs assignés à résidence par le gouvernement de Vichy. L'abbé explique qu'il agit au nom du cardinal Gerlier, de Lyon, président des œuvres catholiques. Le 8 mai 1942, 52 personnes du camp de Gurs y sont transférées. Il y aura jusqu'à soixante hommes et femmes à Pont-de-Manne, jouissant d'ailleurs d'une assez grande liberté. Ce camp a de surcroît une existence parfaitement officielle puisque les cartes de ravitaillement des internés sont transmises par le maire de l'époque, monsieur Maurice Brenier. Devant les menaces de l'été 1942, l'abbé Glasberg fera « aryaniser » les Juifs en leur fournissant de faux papiers. Tous les dossiers de ces personnes seront détruits pour couper toute piste de recherche. Mais le directeur, un capitaine, n’hésite pas à livrer 5 des hébergés cachés à Pont-de-Manne, dont 4 seront heureusement rattrapés et délivrés à Vénissieux. Ce directeur, selon l’abbé Glasberg, « veillait surtout à ses avantages personnels et brimait les hébergés ». Il laissera seulement des dettes à la liquidation du centre.
Monsieur Bitsch, le propriétaire, qui réside dans le bâtiment de l'hôtel, ne sera témoin que de deux rafles effectuées par la Milice et au cours desquelles trois ou quatre personnes (dont madame Berthe Meyer, née Lévy, prise en août 1943, déportée à Auschwitz où elle est immédiatement exterminée) seront emmenées pour une destination inconnue.
La filière vers la Suisse
En septembre 1942, Emile Bernis et quelques membres des éclaireurs romanais dirigés par le pasteur Fabre, s'occupent du passage de groupes de Juifs dans la vallée de Chamonix jusqu'en Suisse.
Les homes mis en place par Georges Garel deviennent bientôt de véritables souricières et il faut alors passer les enfants en Suisse, parfois avec la complicité de l'occupant italien jusqu'en septembre 1943. La filière vers la Suisse qui passait par la Drôme était celle de l'itinéraire B : Le Chambon-sur-Lignon, Valence, Romans, Grenoble, Chambéry, Annecy, Ugine, Megève, et Martigny en Suisse. Le Commissariat général aux questions juives (CGQJ) finit par apprendre les choses et, le 23 janvier 1943, lance une première enquête sur une « filière de sauvetage des Juifs » et sur les faits « d'émigration clandestine » vers la Suisse.
Auteurs : Robert Serre
Sources : Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, Valence, Peuple Libre/Notre Temps, 2006. Rapport de l’abbé Glasberg sur les activités des centres d’accueil 15 septembre 1944. Mémorial de la Shoah. Jeanne Deval, Les années noires, éd. Deval, Romans, 1984.