Fragment des peintures murales de la salle du Conseil municipal de la mairie de Piégon
Genre : Image
Type : Fresque
Source :
Détails techniques :
Photographie argentique couleur.
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Piégon
Analyse média
Le Maquisard décore un des panneaux qui ornent la salle du Conseil municipal de la mairie de Piégon. C'est le panneau qui impressionne le plus quand on pénètre dans la salle.
Les peintures murales sont disposées sur les deux murs aveugles de la salle. La personne qui entre voit en face d'elle deux hautes peintures et sur sa droite un ensemble rectangulaire. La salle est petite et les peintures frappent d'emblée l'observateur non averti. Les deux panneaux étroits se situent de part et d'autre du siège du maire et sont séparés par une bibliothèque. L'ensemble rectangulaire, le plus important, couvre une grande partie du mur aveugle de droite. Lors des séances du Conseil municipal, des jours d'élections, les citoyens sont donc entourés d'un ensemble pictural qui déclenche une forte émotion et porte à la réflexion. Il est vrai aussi que l'habitude de voir ces peintures depuis des dizaines d'années émousse la curiosité. La "banalisation" joue son rôle pour les habitants de Piégon, mais pas pour celui qui découvre les peintures.
Tous les symboles du résistant-maquisard sont dans cette peinture.
L'homme est jeune, musclé à la chevelure abondante. La détermination se lit bien sur le visage. Il est habillé d'une chemise aux manches retroussées sur des bras puissants. Il ne semble pas porter au bras gauche un brassard. D'autres observateurs que l'auteur semblent voir ce brassard, peut-être en partie recouvert par la manche retroussée. A-t-il été dessiné puis gommé ? Le pantalon est rapiécé. C'est l'habillement classique du Résistant qui se retrouvera dans de nombreux dessins ou publications. Il ne porte pas d'uniforme. Ce qui en tient lieu est le brassard qui apparaîtra tardivement. Le personnage s'inscrit dans un tableau où s’opposent la lumière et l'ombre, métaphore de la Résistance. La zone claire est à gauche. La lumière semble venir de cette direction, de la croix de Lorraine. Elle illumine le flanc droit du maquisard. Dans la partie lumineuse s'inscrit la croix de Lorraine que l'on retrouve sur tous les panneaux et dessins de Jean Lhuer. À l'époque de la création de l'œuvre, le prestige du général de Gaulle est à son zénith. En France, on ne peut imaginer quoi que ce soit sans tenir compte du personnage. La zone sombre est à droite. Les parachutages, nocturnes, sont bien évoqués et rappellent qu'ils ont été les principaux pourvoyeurs en armes de la Résistance. Les combats de la Résistance et la répression sont suggérés par les maisons, les fermes brûlées. Quant à l'armement du maquisard, il est celui qui va devenir symbolique. D'abord, il est léger. Pas ou peu d'armes lourdes ont équipé le maquis, notamment au Vercors en ce qui concerne la Drôme. L'arme de poing qu'est le pistolet ou le revolver est souvent, au début de la Résistance armée, l'arme principale et rare. Le pistolet que brandit l'homme ressemble fort à un Colt, arme puissante mais insuffisante pour mener un combat en rase campagne. Dans sa main gauche, il tient une grenade quadrillée, puissante et efficace, arme de l'embuscade. Mais l'arme emblématique, celle qui symbolise le Résistant, que le grand public connaît, est la mitraillette Sten qui est au pied de l'homme. Rappelons que cette arme est à utiliser dans un combat de guérilla et non traditionnel. La portée de la Sten est faible, l'engin est connu aussi pour le danger qu'il représente pour l'imprudent car il n'a pas de système de sécurité sûr.
En conclusion, au moment où la guerre s'achève, cette peinture est un document remarquable sur la vision du personnage qu'est le Résistant, vision qui perdurera plusieurs décennies. De plus, sa puissance évocatrice est augmentée par une astuce picturale. Le Résistant brandit le pistolet. Le peintre fait sortir ce dernier du rectangle peint ce qui donne une profondeur, une illusion de relief au tableau. Le personnage paraît surgir du mur. L'auteur a été fortement impressionné par cette vision en entrant dans la salle. De plus, le pistolet est dirigé vers le centre de la pièce et semble viser une personne. La disposition de la salle est telle que c'est le siège du maire qui est la cible ! Est-ce que le peintre a eu conscience du sens de son dessin ? Comment, en 2007, un observateur peut-il interpréter une telle peinture ? L'époque actuelle est rappelée par le portrait officiel du président de la République accroché au dessus du panneau. Que de symboles !
Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007
Contexte historique
L'auteur des peintures est Jean Lhuer (1910-1991). Artiste et décorateur de bijoux, il quitte Paris pour fuir le STO et se réfugie à Saint-Restitut. Le 7 juin 1944, il est incorporé à la 8e compagnie AS du lieutenant Rigaud ("Georges "). Il participe aux actions de la Résistance, notamment à la tragique affaire de Taulignan, le 12 juin 1944. Il s'installe à Piégon où il se marie. C'est donc un Résistant qui imagine, réfléchit et traduit sa vision de 1945 par des peintures dans un lieu public, la salle de réunion du Conseil municipal de la modeste commune de Piégon.
L'oeuvre a été réalisée en 1945. On ne connaît pas le mois de la réalisation. Il est nécessaire de préciser les circonstances du moment. On peut penser que la guerre est terminée en Europe (8 mai 1945), voire dans le monde (3 septembre 1945 au Japon). Quoi qu'il en soit, l'oeuvre est contemporaine de la guerre. Les esprits ont tous en mémoire les affres de cette période. Les peintures ont donc été réalisées " à chaud ". Il est évident qu'elles seraient différentes dans leur dessin et leur signification si elles étaient bien postérieures à la guerre. Elles sont une oeuvre de circonstances qu'il faut analyser en tant que telle. L'observateur de 2007 doit bien avoir conscience du décalage chronologique.
Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.
La mairie de Piégon ; la salle du Conseil municipal est éclairée par la grande baie (rideaux baissés) de gauche.
Sources : collection Alain Coustaury Droits réservés.
Piégon, la mairie
Dans le salle du Conseil municipal, tableau sous-verre commémorant la guerre de 1914-1918 ; remarquer l'information sur le nombre de mobilisés.
Sources : collection Alain Coustaury Droits réservé
Piégon, la mairie
Copie du tableau "L'armée des ombres" de Jean Lhuer. L'original se trouve au musée de la Résistance et de la déportation de Romans-sur-Isère. Sources : collection Alain Coustaury Droits réservés
Piégon, la mairie
Explication du tableau "L'armée des ombres" Sources : collection Alain Coustaury
Piégon
Portrait de Joseph Kessel ; cf la légende de "l'Armée des ombres". Sources : collection Bernard Lhuer Droits réservés
Piégon, la mairie
La Fance accueillante, peinture murale la salle du Conseil municipal. Sources : collection Alain Coustaury Droits réservés
Piégon, la mairie
Le Résistant, peinture murale de la salle du Conseil municipal.
Sources : Alain Coustaury Droits réservés
Piégon
Dessin de Jean Lhuer daté d'août 1945 ; cf la croix de Lorraine. Sources : collection Bernard Lhuer Droits réservés
Piégon
Dessin de Jean Lhuer ; cf la croix de Lorraine. Symbolisme de ce dessin ?
Sources : collection Bernard Lhuer Droits réservés
Piégon
Dessin de Jean Lhuer daté du 31 août 1945 ; cf la croix de Lorraine. Symbolisme de ce dessin ?
Sources : collection Bernard Lhuer Droits réservés