La poche de Royan
Légende :
Carte de la poche de Royan montrant l'emplacement des avants-postes et positions fortifiées des troupes allemandes ainsi que les directions d'attaques des FFI.
Genre : Carte
Type : Carte
Source : © Département AERI de la Fondation de la Résistance Droits réservés
Date document : Avril - mai 1945
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Poitou-Charentes) - Charente-Maritime - Royan
Contexte historique
Pour l'armée allemande, Royan est un site stratégique capital. Dès l'été 1940, la ville est soumise à une occupation très dense qui ne cesse pas pendant quatre ans. Royan et la pointe de Grave, de l'autre coté de la Gironde, sont en effet les deux clefs interdisant aux Alliés l'usage du port de Bordeaux. En 1944 - et probablement dès 1943 - le commandement allemand estime qu'il convient de se prémunir contre tout risque d'investissement de Royan et il considère que la transformation de Royan et de la pointe de la Coubre au nord-ouest de la ville sont indissociables de la défense de la presqu'ile d'Arvert. Cette presqu'ile qui a une trentaine de kilomètres est aux trois cinquièmes recouverte par la forêt de la Coubre et présente le long de l'Atlantique de longues plages pouvant se prêter à un débarquement allié. Le système de défense allemand fut l'objet de soins attentifs et de travaux très importants qui durèrent jusqu'en septembre 1944, époque du repli allemand dans la poche. Les conditions de vie de la population civile ont été particulièrement difficiles aussi bien dans la ville que dans la presqu'île. mais elles n'arrêtèrent pas l'action de la Résistance, action indispensable pour l'armée française. Le bombardement de Royan le 5 janvier se fit dans des conditions très contestables, aussi bien en ce qui concerne son opportunité que son lamentable résultat. Soixante ans plus tard ,les controverses à ce sujet demeurent aussi vives. Un autre sujet de controverse concerne la libération même de Royan qui fut acquise à trois semaines de la Victoire par des combats très meurtriers et au prix de fortes pertes françaises et allemandes.
La libération de Royan
La poche de Royan est défendue par par un effectif de 8 600 hommes placés sous le commandement de l'amiral Michaelles. Ce sont 25 000 soldats, avec l'appui des chars de la 2e DB du général Leclerc, des forteresses volantes alliées et l'action clandestine des résistants qui, du 13 au 18 avril, libèrent ce secteur au prix de centaines de morts et de blessés dans les deux camps.
Le 12 avril 1945, le groupe Prémont de Royan sectionne toutes les communications téléphoniques de l'armée allemande. Le corps-franc marin de Marennes lance une opération pour reconnaître un passage déminé en Basse-Seudre.
Le 13 avril, les membres de la Résistance désignés comme guides rejoignent leurs unités d'affectation, et le général de Larminat lance l'ordre général numéro 7 : "Le moment est venu de faire sauter la forteresse ennemie de Royan-Grave. Les moyens matériels sont réunis, le succès de l'opération ne dépend plus que de l'audace et de la sagesse des chefs, de la valeur et de l'intelligence des soldats. L'ennemi est solidement retranché et puissamment armé. Tout porte à croire qu'il se défendra courageusement. Soldats FFI du front de l'Atlantique, vous recevrez l'aide de vos camarades chevronnés de la division Leclerc et de l'artillerie américaine. Montrez-leur, montrez à la France que vous savez vaincre dans une bataille en règle. Soldats, aviateurs, marins, vous combattez pour libérer un coin de notre sol. Mais vous vous battez surtout pour dégager le port de Bordeaux, indispensable à ses importations, pour que les Français mangent à leur faim l'hiver prochain. C'est une part notable dans la renaissance du pays qui est entre vos mains. Pensez-y !"
Le 14 avril, les résistants locaux effectuent les dernières opérations de sabotage sur les lignes téléphoniques. Le groupe Prémont, qui a commencé le travail l'avant-veille, le poursuit dans la forêt de La Coubre. L'attaque est déclenchée à 6h35, avec un emploi massif d'artillerie et d'aviation. La ville est totalement détruite et la forêt de La Coubre est incendiée.
A 9h00, le 50e RI et les chars du 12e Cuir partent de Saint-Romain-de-Benêt en direction de Royan.
A 9h30, Médis est atteint par le 3e bataillon du 4e Zouave et les chars du 12e Cuir, guidés par le commandant Thibaudeau en tête du 1er échelon. Au Breuil, c'est le 2e bataillon qui arrive et à Brie, le 1er bataillon.
A 10h45, la section de déminage du bataillon Foch ouvre la voie au 6e bataillon de tirailleurs nord-africains qui atteint Puyravaud et Le Pouyaud ; alors que Semussac l'est par le 150e RI qui, soutenu par des chars, encercle le château de Didonne. Le bataillon de Bigorre part de ce château, accompagné des chars, en direction de Trignac et La Valade.
A 12h00, Musson et Tussauge sont libérées par le 123e RI.
A 12h30, la ligne Semussac, Château-de-Didonne, Musson, Trignac, Médis, Brie est atteinte après de durs combats où la SSS du 50e RI compte six morts et six blessés.
A 13h00, Cassine, Beauregard et Biscaye sont pris par le 107e RI, avec le 12e RA et le 12e RCA.
A 17h00, les troupes françaises entrent à Meschers et occupent la ferme Tassine.
Le 15 avril, l'attaque reprend à 13h30. Le 6e bataillon et le 4e Zouave, dans le secteur de Trignac, Musson et Médis, progressent vers Didonne. Entre Vizelles et Pitaudon (route de Trignac à Musson), le bataillon Bigorre attaque. La 1e et la 2e compagnies atteignent l'ouvrage du Peu à 13h50. Le bataillon Foch atteint Saint-Georges-de-Didonne dans la soirée.
A 15h00, la 3e et la 4e compagnies passent en tête avec l'appui des chars et atteignent le moulin de Didonne et, à 16h00, Saint-Georges ; alors que les FTP du 107e RI sont arrivés à Chênaumoine-Berceau et le Fort de Suzac. Le phare de Saint-Pierre-d'Oléron est détruit. 200 obus de 155 sont tirés de la forteresse de Royan sur Saint-Pierre et le Château-d'Oléron. On dénombre de nombreuses victimes parmi la population civile.
Le 16 avril, des milliers de tracts sont lancés d'avion invitant les soldats allemands à se rendre. Les troupes françaises continuent d'avancer. A 16h00, le nettoyage de la presqu'île d'Arvert est entrepris par le 158e RI qui traverse la Seudre à Cayenne, s'empare de la Pointe du Mus-au-Loup et Ronce-les-Bains. Le 50e RI, à 10 Km au sud, fonce sur Chaillevette, Chatresac, Chassagne et Chambion. Le 1er escadron de Spahis marocains et la 2e DB sont au fort de Jaffe et à Saint-Sulpice. Le 4e Zouave se déploie dans le centre de la presqu'île et libère Courlay, Saint-Augustin et Les Mathes. Le 50e RI libère Mornac, Marvouy, Chaillevette, Chatresac, Etaules, Avallon et Arvert. En fin d'après-midi, il est rejoint par le 158e RI qui a libéré Ronce et La Tremblade. Des éléments de la 2e DB sont à Etaules. L'ennemi se retranche dans les forêts de La Palmyre, de La Coubre et d'Arvert.
Le 17 avril, le bataillon de fusiliers marins de Rochefort traverse la Seudre, prend Maine-Cabaud et fait des prisonniers à la maison forestière de la Passe-Blanche. Le 50e RI, le 4e Zouave et les tirailleurs pénètrent en forêt de La Coubre, d'autres détachements dans celle de La Palmyre. Le bataillon Armagnac (158e RI), parti de Ronce, suit la côte nord et atteint, à 12h00, le Galon-d'Or et le soir, la Pointe d'Arvert.
Le 18 avril 1945, à 7h00, le réduit de la Pointe-de-la-Coubre cède et l'ennemi capitule dans toute la forteresse de Royan. L'interrogatoire des prisonniers révèle que les destructions téléphoniques par la Résistance, dès le début de l'attaque, ont empêché l'ennemi de déclencher son tir de contre-préparation.
La bataille de Royan coûte à l'ennemi, 1 000 tués, 800 blessés, près de 8 000 prisonniers, dont 260 officiers. On dénombre dans les troupes françaises, 364 tués, 1 567 blessés et 13 disparus. On compte, parmi la population civile, dans le secteur de Royan, 20 morts et 15 blessés ; et dans le canton de Royan, 27 morts et 21 blessés.
Le 22 avril, aux Mathes, le général de Gaulle passe en revue les troupes du front de Royan.
Yves Tricaud et Henri Gayot in CD-ROM La Résistance en Charente-maritime, AERI, 2010.