Gaston Claude Vuchot (Jedburgh)
Légende :
Le « commandant Noir » dans la Résistance.
Genre : Image
Type : Portrait
Source : © Collection Chapelle Droits réservés
Détails techniques :
Photographie argentique en noir et blanc.
Date document : hiver 1939-1940
Lieu : France
Analyse média
Photographie prise par sa sœur (épouse Chapelle) pendant une permission durant l’hiver 1939-1940.
Contexte historique
Saint-Cyrien de la promotion Joffre, Gaston Claude Vuchot est issu d'une famille jurassienne. En première affectation, il rejoint, en 1932, le 71e bataillon alpin de forteresse à Modane où son chef de corps le note comme "incarnant le type parfait de l'officier français". En juin 1939, un officier supérieur le présente comme : "la perle de l'armée française". La guerre le trouve lieutenant. Il est alors affecté au 57e régiment de Tirailleurs mixte sénégalais et prend part avec cette unité aux durs combats de mai et juin 1940.
Gravement blessé à Versigny, le 12 juin, il est cité à l'ordre de l'armée : « Vuchot Gaston Claude, lieutenant au 57e régiment d'Infanterie coloniale mixte sénégalais, officier au moral élevé, admirable de courage et de sang-froid, a été grièvement blessé le 12 juin 1940 par deux balles au moment où il dirigeait lui-même, sous un feu violent, le tir de ses mortiers dont la plupart des servants venaient d'être mis hors de combat ».
Évacué sur Bordeaux puis sur Castelnaudary, il se rétablit après un long séjour dans les hôpitaux. Il souffre physiquement mais l'inaction forcée, que lui imposent ses blessures, lui cause des souffrances morales bien plus grandes. Patriote, dévoué à son pays, il n'accepte pas la défaite. Après sa convalescence, il est affecté au 13e bataillon de Chasseurs alpins. Ne se plaisant pas dans l'armée d'armistice, il demande et obtient son départ en Afrique au régiment du Soudan à Kali, près de Bamako. Promu capitaine en novembre 1942, il sert comme instructeur au camp de Boulhaut. Poursuivant son but : aider à la libération du sol natal, il effectue de nombreuses démarches pour partir en Angleterre. Il y parvient, rejoint les Forces françaises combattantes au sein desquelles il va suivre un entraînement intensif dans les commandos parachutistes. Le capitaine Vuchot rejoint donc le château de Milton Hall à 7 km de Peterborough dans le comté du Northamptonshire, en février 1944, au moment même où commence l’entraînement des volontaires Jedburgh.
Gaston Claude Vuchot, qui selon la sœur de l’intéressé a choisi le pseudonyme de « commandant Noir » car il correspondait à un patronyme fort répandu dans le Jura, est parachutée en tenue de chasseur alpin avec l’équipe Veganine.
L’équipe, commandée (Team leader) par le major britannique Neil Marten, comprend Vuchot et le sergent radio britannique Denis Gardener qui se tue lors du parachutage, le 9 juin 1944 à 2 h 15, sur le terrain « Tanit » entre Sonnay et Beaurepaire. Le parachutage s’effectue mal : l’altitude de largage comprise entre 600 à 700 mètres entraîne une large dispersion sur le terrain, plusieurs containers ne sont pas retrouvés et, comble de malchance, les deux colis radio sont retrouvés très endommagés, les quartz de préréglage des fréquences brisés. La mission assignée à l’équipe Véganine consiste, principalement, à harceler au maximum les communications allemandes sur la rive gauche du Rhône (RN 7 et lignes de chemin de fer de Lyon à Marseille) et, éventuellement, le long des lignes de chemin de fer de Lyon à Grenoble et de Grenoble à Valence, puis, à déclencher des actions de guérilla entre Valence et Vienne. Première en date des missions Jedburgh pour la Drôme, Véganine va faire parler d’elle par son efficacité.
Le 12 juin, il est conduit par Georges Berruyer au maquis Bozambo où il prend contact avec René Fanget, chef de la zone Nord qui raconte cette entrevue : « Nous n'avions en rien été prévenus de l'arrivée de cette mission. Aussi fûmes-nous décontenancés, lorsque le « commandant Noir » nous fit prendre connaissance d'un ordre de mission signé De Gaulle. Ce texte enjoignait aux troupes FFI (Forces françaises de l'intérieur) du secteur de se ranger aux ordres directs du "commandant Noir", en vue d'une intensification du Plan vert ; l'opération étant ordonnée pour venir en aide à la Résistance entre Valence et Vienne et pour encourager et soutenir l'action de la guérilla dans la zone des grandes lignes de communication, sur la rive gauche du Rhône ».
Le 15 juin, les Allemands investissent Saint-Donat-sur-L’Herbasse et se comportent en vandales, Descour demande à René Piron de faire passer sa compagnie de la région de Saint-Donat au Vercors et « L'Hermine » ordonne à Fanget de transférer ses unités du Nord-Drôme vers Combovin ou Léoncel en défense avancée du Vercors. Comme cela va dégarnir la vallée du Rhône, « Noir », dont la mission n'est pas de défendre le Vercors, mais de pratiquer et de soutenir la guérilla dans la vallée du Rhône, s'oppose à cet ordre. Les chefs de la région et du Vercors tranchent par un compromis : deux compagnies du Nord-Drôme, Piron et Sabatier, viendront renforcer les flancs ouest du Vercors ; Fanget et Simon installeront leur PC à Léoncel; les unités qui restent en zone nord passent sous le commandement de « Noir » qui, rattaché à la région, ne dépendra ni du chef de la Drôme, ni de celui du Vercors.
Prophétique, Gaston Vuchot confie à Marcel Desgranges (« lieutenant Marcel »), son adjoint : « Sur les routes qui conduisent au Vercors, les voitures se touchent... Si ce n'est pas déjà fait, le mouchard allemand ne tardera pas à les repérer. Ils lâchent une compagnie de parachutistes sur Vassieux et c'en est fait du Vercors ».
Dans sa zone de responsabilité, en deux semaines seulement, par la conviction et l'autorité avec lesquelles il commence sa mission d'activation des Plans vert et tortue, il rétablit la confiance des habitants par la multiplicité de ses contacts et gagne l'estime de ses hommes qu'il forme avec soin tout en entraînant ses groupes et en les engageant dans d'incessantes et efficaces actions de guérilla. Henri Brunel (« Ravel ») se souvient : "Jour après jour, j'ai connu son admirable activité, son sens précis des réalités, son mépris du danger, sa bonté inépuisable, sa subtile clairvoyance. C'est à lui seul et à sa tactique militaire habile que la ville de Tain doit d'avoir été épargnée des horreurs et de la destruction." Des officiers alliés, tels le major Neil Marten de la British Army et le major états-unien Cyrus E. Maniere Jr,. se montrent élogieux pour "les choses remarquables qu'il a fait dans le maquis" et témoignent de leur souvenir plein d'admiration pour "un soldat merveilleux dont les qualités exceptionnelles de chef tracèrent notre ligne de conduite et son âpre travail et ses efforts inlassables au cours de notre mission furent un exemple de ce qui manque le plus au monde aujourd'hui."
Lorsque le colonel Paul Adams, commandant le 143e régiment d'infanterie états-unien, arrive à Romans, Gaston Vuchot vient lui parler : « Je lui ai demandé s'il ne pouvait pas s'approcher du Rhône, et il répondit qu'il avait des consignes et qu'il allait attaquer Valence. Je lui fais remarquer que ce n'était peut-être pas très utile de prendre Valence, Tain ou d'autres villes sur la RN 7, que les Allemands pourraient toujours concentrer suffisamment d'effectifs pour forcer un passage, mais que ce serait très utile de déployer quelques chars en embuscade cachés parmi les collines avec la RN 7 en ligne de mire. Cela produirait certainement des résultats tout autres que nous pourrions nous-mêmes obtenir avec nos armes de petits calibres, et obligerait les Allemands à utiliser des routes secondaires. »
À la fin de l'année 1944, Gaston Vuchot aurait pu cesser le combat : on lui propose de le titulariser chef de bataillon s'il consent à servir en état-major à Paris. Mais il veut servir jusqu'à la libération totale de son pays ; pour lui, la place d'un officier est au combat tant que la guerre n'est pas terminée. Il est alors affecté au 1er régiment de chasseurs parachutistes (1er RCP).
Chargé de conduire une attaque sur Colmar le 1er février 1945, il reçoit l’ordre de s'emparer de l'agglomération sud de Jebsheim, Son chef de Corps, le lieutenant-colonel Faure, commandant 1er RCP, apprécie la mission « dont il s'acquitta brillamment puisque avec un minimum de pertes, il fit de très nombreux prisonniers et laissa sur le terrain nombre de cadavres ennemis. Cette opération qu'il conduisit fut capitale et permit le franchissement du canal de Colmar. Le régiment était chargé, cette même nuit, de prendre le village de Windensolen. C'est là qu'après le combat mené et au cours d'une violente réaction de l'artillerie ennemie, il fut grièvement blessé. »
Texte de sa dernière citation comportant l'attribution de la croix de guerre avec palme et ayant accompagné sa nomination au grade de chevalier dans l'Ordre national de la Légion d'honneur : « Vuchot Gaston Claude capitaine au 1er régiment de Chasseurs parachutistes, magnifique officier, alliant un courage et un sang-froid exceptionnels à une conception élevée du devoir. Chargé de l'attaque du secteur sud de Jebsheim, a, par la rapidité et la méthode de la mise en place de ses moyens, fait échouer le 29 janvier 1945 une très forte contre-attaque ennemie. Le 1er février 1945, a été grièvement blessé en se portant sous un feu violent d'artillerie à la hauteur des éléments avancés du bataillon au cours de l'attaque du village de Windensolen ».
S'il reste que les relations de Vuchot avec Huet, commandant du Vercors, et avec De Lassus, commandant des FFI de la Drôme demeurent quelque peu ambiguës, il est certain que Gaston Vuchot a pris place dans l'histoire à côté des plus purs héros. La municipalité de Tain-l'Hermitage a tenu a lui rendre un témoignage éminent de reconnaissance en décidant de donner le nom de « commandant Noir » à l'une des rues de la ville.
Auteurs : Pierre Balliot
Sources : Report on Jed Teams Veganine and Dodge. Étude de Bertrand Souquet publiée dans le bulletin n°191 de Symboles & Traditions. Pour l’amour de la France, Fédération des unités combattantes de la Résistance et des FFI de la Drôme, Valence -Peuple Libre 1989. Archives Madame Chapelle.