Plaque à la mémoire d'Yves Masiée

Légende :

Plaque apposée au n° 78 de la rue du Château-d'Eau, Paris 10e, où habita Yves Masiée (1897-1944), colonel des FFI, emprisonné à Fontainebleau et fusillé à Arbonne-la-Forêt le 17 août 1944.

Genre : Image

Type : Plaque commémorative

Source : © Wikimedia Commons Libre de droits

Détails techniques :

Photographie numérique

Date document : 10 mai 2010

Lieu : France - Ile-de-France - Paris

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Contexte historique

Né en 1897 à Montreuil (Pas-de-Calais), mais dans une famille d'officiers bretons, Yves Masié est de ces hommes pour lesquels le patriotisme ne se discute pas. Il prend part à la Première Guerre s'engageant à 18 ans, en 1915. Sa conduite lui vaut la médaille militaire et il est lieutenant en 1918. Lieutenant-colonel au moment de la Seconde Guerre mondiale, après la campagne d'Alsace, c'est à Brest que le surprend l'armistice, dont il rejette aussitôt l'idée. Un de ses amis les plus proches, le Père Joseph Simon, aumônier de son régiment, le quitte alors pour rejoindre son poste de professeur de philosophie… au scolasticat de la Brosse Montceaux, en Seine-et-Marne. Prisonnier de guerre, Yves Masié est libéré assez rapidement comme père de quatre enfants.

Il n'a alors de cesse de reprendre le combat et, tout en assurant un emploi à la Banque nationale de crédit industriel (BNCI), il anime un groupe de Résistance baptisé Vercingétorix*, rédige des tracts, renoue avec d'anciens militaires dont certains sont plus ou moins liés à l'OCM et à CDLL. Mais c'est dans le réseau de Rémy qu'il va basculer. Si l'implantation de la CND en Seine-et-Marne a tourné court avec l'arrestation du courageux Robert Le Graverend à la Ferté-Gaucher, Rémy recrute. Masié est incorporé par Alphonse Tanguy ("Alex") en novembre 1942 ; il a alors 45 ans.
"Alex" est un ancien du Deuxième Bureau, ingénieur à l'arsenal de Lorient. Il représente une des têtes de la CND. Masié, devenu "Norbert", doit rechercher des renseignements sur les implantations militaires allemandes dans la région parisienne ; il lui incombe également en 1943 de trouver et d'organiser des " planques ". Mais le Lieutenant colonel Masié, devenu "Corret", abandonne bientôt le renseignement pour prendre la responsabilité militaire de la subdivision FFI Oise /Seine-et-Marne. Il bascule alors totalement dans la clandestinité et met sa famille à l'abri dans la Nièvre. Le 14 juin 1944, l'état-major national des FFI décide de supprimer les subdivisions intermédiaire entre la région et les départements, afin de faciliter les liaisons directes entre ces deux échelons. Rol-Tanguy propose à Masiée de devenir sous-chef d'état-major à larégion, chargé des questions de son ex-subdivision. Finalement, Masiée est affecté à l'état-major régional comme officier de liaison des départements de l'Oise et de la Seine-et-Marne.

Le 22 juin 1944, une réunion se tient à Montgeron chez la fille des époux Lelong. Le général Lelong a rejoint les FFL et sa femme, agent de la CND, a été arrêtée en mai et emprisonnée à Fresnes. Leur fille, Jacqueline, continue le combat. Dénoncés, Jacqueline, " Corret " et cinq autres résistants sont arrêtés par le SD. Mais " Corret ", grâce à des policiers français parvient à s'évader et se cache à Brunoy chez Henri Devarenne (" Delorme "), et son adjoint, le capitaine Henri Forthomme, scie ses menottes.

C'est grâce à l'aide de son adjoint en Seine-et-Marne, le capitaine Jacques Desbois (né en 1905, chasseur alpin, résistant ayant fui les Alpes), qu'Yves Masié a pu se mettre en rapport avec un groupe de Résistance au  scolasticat de la Brosse-Montceaux. Il n'a pas été difficile de gagner les oblats. Des résistants, clercs ou laïcs, y ont fait étape ; la Résistance de Montereau (Henri Ballot) y a ses entrées. Le Père Gilbert, le Père Piat, le Père du Halgoüet, le Père économe, Pierre Letourneur… appartiennent déjà à la Résistance. Le Père Simon a rencontré plusieurs fois Jacques Desbois, le nouvel adjoint de Masié, ignorant que le responsable de ce dernier est un ami de son régiment de 1940. Le 17 juillet 1944, dans la matinée, le Père Simon découvre qui est " Corret ", venu avec d'autres prendre livraison d'armes parachutées récemment. Ces armes sont dissimulées dans le caveau des oblats au cimetière communal.

L'adjoint du chef du SD de Melun, Wilhelm Korf, arrive à son tour au séminaire le 24 juillet au matin. Bien renseigné, il cherche un certain " Corré " ainsi que des armes. Prévenus à temps, les Pères Letourneur et du Halgoüet, certainement les plus compromis, se sont réfugiés à la ferme de la Bondue, chez Marcel Séverin, puis à Montmachoux et à Sens. Egalement détourné à temps, Henri Ballot gagne le maquis de Courlon (Yonne). La communauté rassemblée des heures durant sur la pelouse, en plein soleil, Korf trouve les containers du dernier parachutage et a le temps d'abattre de sa main cinq religieux.
Ce même après-midi du 24 juillet 1944, à 17 heures, à Paris, chez l'avocat général de Come, Yves Masié est arrêté avec Forthomme et Devarenne. Jacques Desbois est arrêté en même temps dans des circonstances encore obscures à ce jour. Devarenne et Forthomme, le camion étant déjà complet, échappent au supplice. Yves Masié et Jacques Desbois font partie du second groupe des fusillés d'Arbonne, le 17 août 1944. On retrouvera leur corps au mois de décembre.

Décoration :
Médaille militaire

* Le fondateur et principal animateur de ce groupe était Aimé Guerrin. Occupant des fonctions à la direction centrale de la BNCI, d’abord à Pau (où elle était repliée, puis à Paris), il y avait connu Masiée qui se montra un combattant ardent et d’un courage sans bornes. Vercingétorix a par la suite fusionné avec le mouvement Ceux de la Libération. A partir de la fusion, certes, « Vercingétorix » n’existait plus en tant que tel, même si les hommes et femmes le formant, devenus CDL-V, lui conservaient une fidélité qui ne s’est pas démentie ; c’est ce qui explique qu’on oublie souvent son existence, ou qu’on la minimise. Il convient de rappeler que, outre ses autres activités (confection de faux papiers, convoyage et abri des réfractaires et aviateurs alliés, passages en Espagne, renseignement…), communes aux mouvements de Résistance, « Vercingétorix » avait dès sa création développé une action de publication et propagande. A ce titre, et sous la conduite directe de Guérrin, il publia dès fin 1941 - début 1942 des journaux clandestins, d’abord assez sommaires, et plus tard un vrai périodique imprimé, qui changea plusieurs fois d’intitulé avant de s’appeler Ceux de la Libération, puis La France libre. Ce périodique clandestin parut dès le 22 août 1944, comme quotidien désormais, sous le titre définitif de France libre : Aimé Guérrin, qui en avait été le fondateur et principal rédacteur dans la clandestinité, en devint le rédacteur en chef et principal éditorialiste. Or les règles adoptées à la Libération n’auraient pas permis à CDL-V de créer un quotidien, s’il n’avait plus se prévaloir d’un an au moins de parutions clandestines. D’ailleurs, le premier numéro de France libre paru au grand jour le 22 août 1944 porte en manchette la mention « journal fondé en 1941 - 4ème année – n° 164 ». Dès le 25 août, où apparaissent dans la manchette les noms des responsables de France libre (directeur, membres du Conseil de rédaction), Aymé-Guerrin y figure, comme « rédacteur en chef » et « président-fondateur du mouvement de Résistance Vercingétorix ». (renseignements communiqués par Charles Guerrin).


Auteur : Claude Cherrier

Sources et bibliographie :

Archives départementales de Seine-et-Marne, Az 5622, coupures de presse rassemblées par Jean Duton.
Henry du Halgoüet et Jean Guéguen, témoignage écrit du Père Martin Quéré pour le colloque anniversaire de juillet 1944 (octobre 1993).
Henri Noguères, Histoire de la Résistance en France, Tomes 2 et 5, Paris, Robert Laffont, 1967-1981.
Rémy, "Les mains jointes", (témoignage de Gilbert Renault, tiré à part pour les oblats).
" Répressions. Les martyrs de Chanfroy ", ANACR, Cahiers de la Résistance Seine-et-Marne, n°6.
J. Thosac, Missionnaires et Gestapo, Paris, Les Trois Nefs, 1945.
Roger Bourderon, Rol-Tanguy, Paris, Tallandier, 2004.