Arrivée des Alliés à Épinouze fin août 1944
Légende :
Le premier char états-unien entre à Épinouze le 31 août 1944 ; il est accueilli par la population du village.
Genre : Image
Type : Libération
Source : © AERD Droits réservés
Détails techniques :
Photographie argentique noir et blanc.
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Epinouze
Analyse média
Le 31 août 1944, dans l’après-midi, un char états-unien Sherman, accompagné d’une jeep armée d’une mitrailleuse, en provenance de Saint-Sorlin-en-Valloire et du sud, remontent vers le nord ; ces éléments appartiennent à un bataillon de chars donné en renfort à la 36e DI (d’autres clichés montrent des soldats avec brassard portant l’insigne « T », ce qui les désignerait comme servant dans la Division « Texas »). Ils entrent à Épinouze.
Des gens de l’un des « trois villages », le Village Neuf (les deux autres étant Le Village Vieux et La Gare), accueillent les libérateurs, renforcés de nombreux curieux enthousiastes, soit de passage soit ayant appris la nouvelle répandue comme une traînée de poudre. Quelques hommes du groupe résistant de la commune, dirigé par Jean Rey, participent de la réception.
Les soldats ont pris le temps d’une halte : une fraternisation spontanée s’opère, tandis que des hommes grimpent sur le char, aux côtés des militaires, pour la photo. On se groupe autour des Alliés, des enfants courent, des femmes entourent les occupants de la jeep ; des échanges s’engagent, bien que la barrière de la langue soit importante.
Les soldats en tenue de combat, le blindé des libérateurs, confèrent à la rencontre un côté spectaculaire. D’autres témoignages photographiques rendent compte de scènes chaleureuses et bon enfant, au cours desquelles l’on échange des signatures ou l’on boit un verre.
La photo a été retrouvée dans la collection de Maurice Eymard, qui aurait pu la détenir de Louis Seyve, son beau-frère (Épinouze), possédant un appareil photo. Elle a été publiée pour la première fois dans Épinouze au fil du temps, 4e trimestre 2007.
Auteurs : Michel Seyve
Contexte historique
Les derniers Allemands de la 19e Armée viennent tout juste de quitter la Drôme lorsque la photo exposée a été prise. Quel bouleversement simultanément subit et heureux pour les gens du nord de la Drôme !
Dans la mémoire locale, il y a encore, en toile de fond, la tragique opération menée le 29 août – l’avant-veille – par l’unité allemande chargée de la protection à l’est du passage de l’importante armée vers le nord : elle a laissé derrière elle 19 morts à Chanas (Isère), trois maisons brûlées à Lapeyrouse-Mornay suivi de l’occupation de Beaurepaire (Isère) durant la nuit du 29 au 30 (ces localités, situées sur la route Annonay-Grenoble, sont proches d’Épinouze, les plus éloignées étant à 10 km maximum).
La mémoire locale n’a pas retenu les causes de ces exactions, l’interprétation se bornant à stigmatiser la barbarie nazie. On n’entrera pas ici dans le détail des événements, mais le brusque changement de situation (répression militaire brutale – libération victorieuse), vécu ici avec intensité dans les campagnes de la Valloire, mérite un bref commentaire, que la distance maintenant permet d’apporter.
La 19e Armée allemande (environ 130 000 hommes avait pour objectif de rejoindre coûte que coûte le nord de Lyon pour contribuer à la protection du IIIe Reich menacé par les forces alliées progressant vers l’est, après le débarquement de Normandie.
Deux dangers essentiellement menaçaient ce repli : les maquis installés sur les marges du couloir Saône-Rhône et les forces états-uniennes se rabattant vers la vallée du Rhône à partir de Grenoble libérée. Le 30 août au soir, une partie des éléments de couverture du PC de l’Armée allemande, installé à Vienne, campait sur les communes de Anneyron-Épinouze et Sonnay-Anjou.
Le lendemain, le 31, le soulagement et la liesse se mêlent dans le petit village d’Épinouze, parmi ces groupes rassemblés spontanément à l’arrivée des premiers éléments des troupes alliées fraîchement débarquées sur les côtes de Provence.
Auteurs : Michel Seyve
Un des intérêts de la photographie est d'apercevoir deux engins emblématiques de l'US Army : le char moyen M4 et la Jeep. Le convoi pénètre dans le village d'Épinouze par la route de Saint-Sorlin-en-Valloire, venant du sud. La scène doit se dérouler alors que les forces allemandes sont déjà loin au nord. En effet, on peut remarquer que le canon du char est sur sa chaise de route, c'est-à-dire qu'il est quasiment inutilisable, la tourelle ne pouvant pas pivoter. Cette position est utilisée lorsque le char doit parcourir de nombreux kilomètres sur route. Le fait de bloquer la volée du canon évite des oscillations dommageables pour la pièce. Le char sert également de moyen de transport pour les fantassins. La série de photographies tend à montrer que l'unité blindée ne fait que traverser le village pour foncer vers le nord en direction de Lyon.
© Collection Michel Seyve – droits réservés.
unité blindée de l'US Army traversant ÉpinouzeÉpinouze, été 2013Alain Coustaury Unité blindée de l'US Army traversant Épinouze à la Libération
L'attitude de ce groupe de soldats de l'US Army confirme que l'ennemi est éloigné. Ils font preuve d'une apparente décontraction, comportement souvent noté par la population française. La qualité, la coupe de leur uniforme bien adapté au combat faisaient des envieux parmi les résistants qui les ont côtoyés. Au premier plan, l'un des soldats semble porter une paire de lunettes mythiques : les fameuses Ray ban.
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Unité blindée de l'US Army traversant Épinouze à la LibérationScène classique : des Français, des jeunes, se sont installés au volant de ce véhicule qu'ils découvrent, la Jeep. L'un d'eux s'est affublé d'un casque. On distingue bien, à l'avant du véhicule, la barre d'acier coupe-câble qui protégeait les passagers du danger de câbles tendus au milieu de la route. Là aussi, confirmation que l'ennemi est loin, la mitrailleuse est pointée verticalement, encore que la bande de balles est enclenchée. Grâce à l'immatriculation, on pourrait retrouver l'unité exacte de ce groupe de soldats.
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Unité blindée de l'US Army traversant Épinouze à la LibérationAutre vue de la Jeep et de son armement. La mitrailleuse, pointée verticalement pour éviter tout risque de tir maladroit est une Browning M2 calibre 50, mitrailleuse lourde conçue après le premier conflit mondial et toujours utilisée actuellement. À gauche du conducteur, on aperçoit la crosse de son arme individuelle.
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Unité blindée de l'US Army traversant Épinouze à la LibérationLa photographie permet de préciser l'unité qui traverse Épinouze. Sur la manche gauche du soldat qui écrit, au-dessus du drapeau des États-Unis, on distingue l'écusson de la division Texas, division qui a combattu notamment lors de « la bataille de Montélimar ». Le soldat écrit sur le capot de la Jeep dont on aperçoit la barre de fer protectrice. Le soldat de gauche, aux jumelles, est armé de la carabine M1, arme qui équipait souvent les équipages d'unités blindées. Elle était très appréciée des résistants quand ils pouvaient s'en procurer, même si elle n'était pas une arme de grande puissance. Elle était légère, maniable et bien adaptée à la guérilla où une très grande portée et puissance de tir ne sont pas nécessaires.
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Unité blindée de l'US Army traversant Épinouze à la LibérationLa photographie permet d'apprécier un attelage classique d'une unité d'accompagnement de blindés. La Jeep (signifierait GP, General Purpose, usage général) est un des symboles de la puissance de l'US Army et de sa modernité. Plus de 600 000 Jeep ont été construites entre 1941 et 1945. Celle de la photographie est armée d'une mitrailleuse M2 calibre 50 en position de tir mais bloquée par une tige en fer, confirmant que l'ennemi est loin. La bande de balles est contenu dans une boite sur le flanc gauche de la mitrailleuse. Le pare-brise est baissé. À la différence de l'autre Jeep décrite, celle-ci ne comporte pas de barre coupe-câble souvent bricolée par les soldats. Le conducteur est penché et ouvre un casier à documents. L'arrière du véhicule est encombré par le barda de l'équipage. Une remorque est attelée à la Jeep. Sur le timon est posé un filet de camouflage. Les deux soldats portent des casques aux formes protectrices bien marquées. Sur l'un d'eux on distingue un étui à pistolet. La remorque est chargée de différents matériels dont un Jerrican de 20 litres. Il permettait d'augmenter l'autonomie des véhicules. Cet ustensile, de conception allemande, symbolise la guerre motorisée grosse consommatrice d'essence et qui requiert un service d'approvisionnement sans faille.
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Unité blindée de l'US Army traversant Épinouze à la LibérationLa photographie permet de mettre en valeur les caractéristiques du char moyen le plus construit aux États-Unis, en l'occurrence le M4. Il a été produit à plus de 50 000 exemplaires, cédé aux Britanniques qui le dénomme Sherman, Emcha pour les Soviétiques. De nombreuses versions ont été produites. Celle qui est visible semble être la version M4 A ou M4 A1. Il est armé d'un canon de 75 mm. Malgré ses qualités, ce char d'assaut était largement inférieur au Panzer V Panther. Lors de la bataille de Montélimar, plusieurs M4 ont été détruits par les Panther de la 11e Panzerdivision. On estime qu'il fallait 6 Sherman pour neutraliser un Panther. Il n'en reste pas moins vrai que le Sherman illustre la puissance de l'US Army. Le M4 de la photo transporte un groupe de fantassins casqués, armés de la carabine M1, arme des soldats des unités blindées. Le soldat adossé à la tourelle et les pieds reposant sur une plaque de blindage rajoutée en porte une. Par contre, le soldat assis à l'arrière, un pied reposant sur le blindage et tenant son arme sur ses cuisses, semble disposer d'un pistolet-mitrailleur. Uniformes, chaussures sont bien visibles et permettent de remarquer la qualité de l'ensemble.
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Unité blindée de l'US Army traversant Épinouze à la LibérationAutre Jeep du convoi. Sur celle-ci la mitrailleuse est horizontale, sans tige de blocage, prête à tirer. La bande de balles est dans le casier. On discerne la façon dont l'arme est fixée sur le véhicule. La barre de fer coupe-câble est bien visible.
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