Eugène Groullier devant l’une de ses machines d’imprimerie à Montélimar
Genre : Image
Type : Photo
Producteur : Inconnu
Source : © AERD, article de presse provenant d’un numéro non connu du quotidien Le Dauphiné Libéré Droits réservés
Détails techniques :
Photographie noir et blanc de mauvaise qualité car tirée d’un article de presse du journal Le Dauphiné Libéré.
Date document : Sans date
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Montélimar
Analyse média
Cette photographie a été publiée après la Libération, dans un article de presse provenant d’un numéro non connu du quotidien Le Dauphiné Libéré, alors qu’Eugène Groullier était rentré de déportation. Mais il est possible qu’elle ait été prise avant ou pendant la guerre.
Le texte du journal clandestin Libération-sud était composé à Lyon. Eugène Groullier tirait 80 000 exemplaires à Montélimar sur cette machine. Puis il emportait le cliché dans une valise à Auch où, dans son autre imprimerie, un tirage équivalent était effectué. C’est également sur cette machine qu’Eugène Groullier a imprimé les deux premiers Cahiers de Libération.
Auteurs : Robert Serre
Contexte historique
Le 11 décembre 1943, à Montélimar, la Gestapo, bénéficiant des renseignements recueillis par un traître infiltré, mettent à sac deux importantes imprimeries de la Résistance appartenant à Eugène Groullier à Montélimar et à Auch et en éliminent les dirigeants et les employés en les emprisonnant ou en les déportant.
Pendant toute l’année 1943, le journal clandestin Libération est imprimé à Montélimar, chez Eugène Groullier, 39 ans, au quartier des Champs. Avec sa femme Yvonne, 38 ans, leurs deux fils de 14 et 15 ans et leur ouvrier Borel, ils composent à la main et se bornent à tirer de chaque page une épreuve sur papier couché. Ces feuilles sont apportées à Lyon. Groullier a donné un témoignage narrant les circonstances qui l’ont amené à s’engager dans cette action :
« En 1942, j’ai été pressenti par Davin, de Marsanne, pour savoir si j’accepterai d’imprimer le journal clandestin Libération. Davin était alors le chef de la Résistance dans la Drôme. Il m’apprit que le journal Libération était imprimé à Lyon, mais à la suite de perquisitions et d’arrestations, des questions d’impression et diffusion étaient à reprendre complètement. Ce journal, tiré à 80 000 exemplaires, paraissait deux fois par mois pour la région sud. Il était imprimé sur une presse à platine ½ jésus dans un format ½ coquille, recto-verso (4 pages). J’acceptai, d’accord avec mon beau-frère Ravix et mon associé Borel ; nous avons été mis en relation avec Maurillon Jullien, avec qui nous avons réglé diverses questions : copie à imprimer, fourniture du papier, diffusion des journaux, fonds nécessaires etc. La copie nous était donnée par Maurillon et D’Astier Emmanuel [Emmanuel d’Astier de la Vigerie]. Maurillon nous a fourni les fonds et donné des directives pour la diffusion des paquets de journaux imprimés. En principe nous expédiions les ballots de journaux à Lyon, par commissionnaire ou par le train. La question du papier nécessaire pour imprimer les journaux a été un continuel problème ».
En juillet 1943, afin de limiter le transport des journaux et les risques qui en découlent, l’organisation équipe une imprimerie à Auch, où s’effectue le tirage des Cahiers de Libération par 1 000 exemplaires de 80 à 100 pages sur papier de luxe. Pour la première fois en France, ceux-ci publient le célèbre "Chant des Partisans". C’est Emmanuel d’Astier, revenu en France, qui a chargé le Toulousain Jean Cassou de sa diffusion, par le canal de Libération.
« La composition ainsi que la distribution étaient faites à la main, surtout par mes deux fils. Ce travail était très long et nous exposait à bien des risques. Avec ma femme et mes fils je m’occupais de l’imprimerie de Montélimar. Mme Marie-Louise Laffargue, Yvon Borel et Louis Ravix, de celle d’Auch. Fin 1943, le bureau de Libération de Lyon nous a envoyé comme typo, pour accélérer la composition, le nommé Meubruger. Il ne m’était pas sympathique et puis je n’avais pas besoin de lui. Il est allé à Auch. Le 11 décembre 1943, à la même heure, les Boches nous arrêtaient et perquisitionnaient à Auch et à Montélimar. Meubruger nous avait dénoncés. […]
Toute ma famille a été arrêtée. Ma femme est décédée à Ravensbrück. Mes deux fils qui avaient alors 14 et 15 ans ont été emprisonnés pendant deux semaines au fort Montluc à Lyon. Quant à moi, j’ai été déporté à Buchenwald ».
« Cet ouvrier, ajoute Groullier dans une déposition à son retour, m’a aidé dans la composition du journal et il s’est très bien rendu compte que je travaillais pour la Résistance. Sans aucun doute, c’est [lui] qui m’a dénoncé à la Gestapo de Lyon car il n’y avait que lui qui avait pu se procurer, chez moi, un exemplaire du journal Libération, non sorti de l’atelier, la connaissance de l’apport des copies du 2e journal et divers travaux apportés le 10 décembre et dont le tout me fut demandé le 11 décembre au matin par la Gestapo de Lyon, lors de mon arrestation. J’ai été interrogé dans mon imprimerie et frappé à coups de piquet en bois, par deux individus, pendant qu’un autre me tenait la tête entre ses jambes, ceci pour avoir l’adresse de celui qui venait chercher les journaux et m’apportait les copies ».
Eugène Groullier, sa femme, ses enfants et son beau-père, tous arrêtés, sont emmenés à Montluc. Les enfants et le beau-père sont relâchés le 23 décembre, les autres sont déportés. Eugène Groullier, enfermé dans la cellule 53 de Montluc, part en janvier 1944 à Buchenwald dont il reviendra. Son épouse est morte à Ravensbrück. Yvon Borel, déporté plus tard à Buchenwald, est transféré à Flossenburg où il décède le 1er janvier 1945. Louis Ravix a également fini ses jours en déportation.
Auteurs : Robert Serre
Sources : AN, F/1CIII/1152, rapport préfet du 03/11/1943. SHGN, rapport R4 Cie Drôme n° 70/4, 73/4 105/4. AD Rhône, 3808 W 313, déposition de Groullier Eugène, le 20 juin 1945, devant les gendarmes de la brigade de Montélimar. ADD, 11 J 39, 255 W 89, mémorial de l’oppression. Pour l’amour de la France. Burles, La Résistance et les maquis en Drôme-Sud. Cayron Alberte et André, Peuple de la nuit, La Fontaine de Siloé 1998. Ruby Marcel, Résistance et Contre-Résistance à Lyon et en Rhône-Alpes, Horvath 1995. Douzou Laurent, Libération-sud. Collectif, Stéphane Beaumont dir., Histoire de Montélimar, Privat 1992. Mémorial Buchenwald, mémorial Flossenburg. Permezel Bruno, Montluc, op. cit. Martin Patrick, La Résistance dans la Drôme, op.cit. Rapport sur le journal Libération par M. Groullier (pseudo \"Demond\") imprimeur à Montélimar (Témoignage recueilli par A. Vincent-Beaume et confirmé par les deux fils de M. Groullier). Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, les déportés politiques, résistants, otages, nés, résidant ou arrêtés dans la Drôme, éd. Peuple Libre / Notre Temps, avril 2006. Fondation pour la mémoire de la déportation, Le Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution 1940-1945, Paris, éditions Tirésias, 2004. tome I, 1 446 pages, tome II, 1 406 pages, tome III, 1 406 pages, tome IV, 1 282 pages.