Tract manuscrit daté du 9 mars 1943
Légende :
invitant à une manifestation à Romans-sur-Isère.
Genre : Image
Type : Tract
Producteur : Syndicat CGT clandestin
Source : © Collection Jean Sauvageon Droits réservés
Détails techniques :
Taille : environ 13,5 x 10,5 cm
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Romans-sur-Isère
Analyse média
Les syndicalistes n’ayant pas adhéré à la Charte du Travail mènent leurs actions clandestinement. Ils ne peuvent recourir à des imprimeurs d’autant plus lorsque la décision est prise le matin pour une manifestation le soir même.
On rédige les tracts à la main, en petit format qu’on distribue ou colle dans l’entreprise comme ici ce tract appelant à une manifestation, le 9 mars 1943, à Romans-sur-Isère :
"Contre les départs en Allemagne
Pour un meilleur ravitaillement
Contre les retenues de salaire
Vous êtes invités à vous rassembler
Devant la bourse du travail
Ce soir à 18 heures"
Auteurs : Jean Sauvageon
Contexte historique
La Charte du travail, instituée le 4 octobre 1941, place les organisations syndicales et professionnelles sous le contrôle du ministère du Travail. C’est un véritable support idéologique du nouveau régime.
On peut lire dans la lettre-préambule de la Charte du Travail, signée par Darlan et deux ministres d’État : « La pierre angulaire de la charte réside dans la création des comités mixtes locaux, au sein desquels se trouveront réunis tous les membres d’une même profession […] Les syndicats ont donc leur place dans cet ordre nouveau […] Mais ces syndicats ne seront plus les syndicats de tendance du passé […] ils seront désormais obligatoires pour être forts, uniques pour être francs […] Ils vivront et fonctionneront sous l’autorité des comités locaux et en s’inspirant de leurs doctrines qui ne sauraient être elles-mêmes que celles du gouvernement… »
Si des militants syndicaux, voire quelques responsables, adhhèrent à cette charte, la plupart des anciens syndicalistes agissent dans la clandestinité. Leurs moyens sont alors très limités. Il faut parfois intervenir dans l’urgence. Beaucoup d’informations passaient de bouche à oreille, les réunions syndicales étaient clandestines, sans convocations, sans procès-verbaux.
Romans est alors une ville de mono-industrie, celle de la fabrication des chaussures. Au début du mois de mars, les ordres de réquisition pour aller travailler en Allemagne au titre du STO (Service du travail obligatoire) arrivent. La population, majoritairement, est indignée. On apprend qu’un train de requis doit passer à Romans le 10 mars. La CGT clandestine se réunit et décide d’appeler à une manifestation la veille à 18 heures liant la lutte contre les départs en Allemagne, les retenues de salaire et un meilleur ravitaillement.
L’organisation syndicale n’a pas de matériel de reproduction et ne peut contacter un imprimeur. Elle décide de rédiger à la main les tracts appelant à la manifestation. Une cinquantaine sont ainsi écrits. On contacte les ouvriers en qui on a confiance qui les font circuler dans les entreprises.
Le soir, à 18 h, plusieurs milliers de travailleurs, selon Marcel Armand, se réunissent, mais la Bourse du Travail est cernée par une section de gardes mobiles. D’autres gardes arrivent de la caserne Bon pour disperser la manifestation. D’après des témoins ces jeunes recrues manquent d’ardeur. Les manifestants défilent dans les rues, saccagent en passant le café Fayet, lieu de rassemblement des collaborateurs, puis se dirigent vers la gare, et font subir les mêmes dégâts au café de Valence où se réunit le PPF (Parti populaire français), puis vont mettre à sac le siège officiel du PPF, rue Saint-Nicolas. Pendant toute la manifestation circule le mot d’ordre de grève pour le lendemain et de rassemblement à la gare, à 13 h, lors du passage du train de requis.
Auteurs : Jean Sauvageon
Sources : Un militant parle Marcel ARMAND. Histoire de la Bourse du Travail de Romans et de ceux qui l’ont faite. 1982. ACCÉS. Dir. J. Sauvageon. Les Romanais, Romans et la chaussure. 150 ans d’histoire. Éditions Peuple libre & Notre Temps. 2001