Plaque en mémoire du réseau Saint-Jacques
Légende :
Plaque en mémoire du réseau Saint-Jacques, abrité à partir d'août 1940 au sein de la société Maurice Duclos, place Vendôme, Paris Ier
Genre : Image
Type : Plaque
Source : © Wikimedia Commons Libre de droits
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur.
Lieu : France - Ile-de-France - Paris
Contexte historique
Né en 1906, décédé en 1981, Maurice Duclos fait partie des premiers Français à rejoindre le général de Gaulle à Londres comme le colonel Rémy, par exemple. Dès 1940, il met au point l'un des premiers grand réseau de la Résistance en France. Grand admirateur de l'apôtre Saint-Jacques dont le tombeau est à Saint-Jacques-de-Compostelle, il prend pour pseudo "Saint-Jacques" ; il vit sa résistance comme une mission de longue haleine et de longue distance. De culture chrétienne, ancien capitaine d'artillerie dans la Coloniale, il est doué de qualités physiques exceptionnelles, il crée des structures et recrute sans relâche des hommes et quelques femmes pour espionner les occupants et informer au mieux les Alliés et les services du BCRA.
Dans la nuit du 3 au 4 août 1940, comme d'autres agents de la France libre, il est envoyé en France par de Gaulle afin de recueillir des renseignements sur l'état moral de la population, mais surtout pour donner les emplacements exacts des installations militaires allemandes en France. Un bateau le débarque à Saint-Aubin-sur-Mer dans la Calvados. Il doit observer les Allemands sur le littoral de la Manche, mais il ne dispose d'aucune logistique, d'où l'idée de créer des structures clandestines, afin d'être plus efficace. A la mi-août 1940, le siège de son organisation est alors situé place Vendôme à Paris, au siège de la "société Duclos", une société familiale de courtiers assermentés au tribunal de commerce de la Seine. Il incorpore au réseau naissant son cousin André Visseaux et Lucien Feltesse ; tous les deux travaillent dans la société familiale.
Très vite, à partir de l'été 1940, Saint-Jacques parvient à convaincre plusieurs hommes de la nécessité de passer du renseignement de l'autre côté de la Manche, afin de connaître au plus près l'appareil d'occupation allemand, un objectif militaire permanent pour les Alliés, si un jour la France peut être libérée. La tâche n'est pas aisée dans un pays traumatisé par l'exode et la défaite. Peu de Français ont envie de s'engager dans une lutte antiallemande. Pourtant, Saint-Jacques noue des contacts précieux et sûrs. Charles Deguy, ingénieur commercial, né en 1910, et le lieutenant-colonel de gendarmerie Jean Vérines deviennent ses principaux bras droits. Le réseau Saint-Jacques est en fait composé de trois sous-réseaux. Une grande partie de la famille Duclos est sollicitée pour participer à cette précoce résistance dont le centre est Paris. Le risque est à l'évidence très grand, car les Allemands sont partout.
L'organigramme succinct du réseau Saint-Jacques montre un chef, Maurice Duclos, dont le subordonné est Charles Deguy qui est directement à la tête de trois sous-réseaux : le sien, ceux de Raymond Feltesse et de Jean Vérines. D'autres responsables sont recrutés comme le lieutenant-colonel Félix Brunau chargé de liaisons entre la région parisienne et la région havraise.
L'étude des sous-réseaux Deguy et Feltesse souffre de l'indigence des sources ; le premier est composé de plusieurs membres très courageux tels Antoinette Delieuvin, Michel Louet, Roger Pironneau ; le second compte dans ses rangs le docteur Wibaux (dit Pélican), son fils Fernand (dit Fred ou Freddy), Georges Delaive (dit Sanglier), André Maes, Charles et Pierre Nelis et l'abbé Dardenne. Nous savons que leur rôle fut essentiel dans la transmission du courrier et du renseignement. Ils étaient les relais locaux et régionaux des autres membres du réseau Saint-Jacques.
Saint-Jacques est autant un chef qui délègue qu'un chef qui effectue lui-même des missions parmi les plus périlleuses de son réseau. Par exemple, au printemps de 1941, Saint-Jacques est conduit dans le sud-est du Cotentin, très couvert par les défenses allemandes, afin justement de reconnaître celles-ci. Avec le garde républicain Raymond Guillat, originaire de la Manche, il visite un certain nombre de plages photographiées ou dessinées succinctement. Ces reconnaissances sont précieuses puisqu'elles permettront aux alliés de préparer un éventuel débarquement ; l'un des repérages concerne la future Utah Beach, lieu de débarquement le 6 juin 1944. Saint-Jacques est très sportif pour s'imposer un rythme incessant de visites clandestines d'un bout à l'autre de la zone occupée. Le courrier est sans cesse acheminé de Paris vers Tours, puis entre Loches et Bléré sur la ligne de démarcation. Saint-Jacques varie donc le type des missions de son grand réseau qui compte sans doute plusieurs centaines de membres, en lien avec d'autres réseaux dont celui de la Confrérie Notre-Dame du colonel Rémy. Tous les résistants prennent les ordres auprès de chefs qui dirigent les deux principaux cœurs du réseau, à savoir la caserne du Prince Eugène et la place Vendôme à Paris. En février 1941, lors d'un retour en France, Saint-Jacques est arrêté en Dordogne par les services français des menées antinationales ; après enquête et instruction, il bénéficie d'un non-lieu. En avril, la première liaison radio est effectuée entre la place Vendôme et la France libre. Le poste radio avait été dissimulé en Dordogne, avant l'arrestation de Saint-Jacques deux mois plus tôt.
Mais la Gestapo, après les renseignements fournis par un traître, remonte la filière du réseau et commence sa décapitation du 8 au 10 août 1941 : Deguy, l'ensemble du personnel de la société Duclos et une partie de la famille de Saint-Jacques sont arrêtés. Le colonel Rémy, venu rencontré Deguy place Vendôme, échappe de très peu au coup de filet de la Gestapo. La tête du réseau Saint-Jacques est plus que démantelée ; pendant cette phase d'arrestations, Saint-Jacques est au Havre puis à Rouen pour essayer d'étendre la toile de son réseau sur une superficie plus grande. Mais voulant rejoindre un agent, Halbout, il s'aperçoit que des événements imprévus ont eu lieu en son absence. Le radio qui a été parachuté en même temps que Saint-Jacques en février a sans doute dénoncé une partie du réseau. La famille Halbout a été ainsi arrêtée. Revenu à Paris, la France libre ordonne à Saint-Jacques de se "mettre au vert". Il rejoint ensuite Londres, le 28 février 1942, après une première tentative infructueuse un mois plus tôt – le Lysander dans lequel il avait pris place a dû se poser en catastrophe. Le réseau Saint-Jacques n'existe alors quasiment plus.
Eric Alary, "Le réseau Saint-Jacques" in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004