Usine hydroélectrique de Beaumont-Monteux
Légende :
L’aménagement hydro-électrique de l’Isère, la centrale de Beaumont-Monteux et ses environs.
Genre : Image
Type : Usine
Source : © ADD collection Cellard, 95Fi 103/1V Droits réservés
Détails techniques :
Photographie argentique noir et blanc renseignée.
Date document : 1959 ?
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Beaumont-Monteux
Analyse média
Vue aérienne oblique, à faible altitude (250 m) du village de Beaumont-Monteux et de la centrale électrique établie sur un canal dérivé de l’Isère. Le pont enjambant le canal d'amenée, le bâtiment du poste de commande, le poste de transformation, objets de sabotages, ont été situés sur le cliché.
On distingue, en haut et à gauche de la photo, à l’est, le barrage de retenue. En aval de ce barrage, franchissant le canal d’amenée, le pont permet de relier Châteauneuf-sur-Isère et Beaumont-Monteux. Au sud du barrage, taillées dans la falaise molassique, les « baumes », carrières souterraines, d’où ont été extraits les blocs de molasse pour la construction des bâtiments de la région, ayant eu plusieurs utilisations, notamment le stockage et l’entretien de moteurs des avions allemands de l’aérodrome de Valence-Chabeuil-la Trésorerie. Le village de Châteauneuf-sur-Isère est établi sur la rive gauche de l’Isère dont on aperçoit le cours initial au débit en partie détourné vers la centrale de Beaumont-Monteux. Cette dernière a une puissance de l’ordre de 45 MW. Avec celle de Pizançon, en amont de Romans, elle était le seul aménagement sur l’Isère en aval de Grenoble dès avant la guerre de 1939-1945 et ces deux usines constituaient les principales centrales électriques de la Drôme. Au lendemain de la guerre, dans la période de reconstruction, ses caractéristiques l’ont fait choisir pour mettre au point les groupes bulbes de la centrale marémotrice de la Rance. Une turbine de ces groupes est présentée à l’entrée de la centrale.
La photo a été réalisée par et pour l’ALAT (Aviation légère de l’Armée de terre). Elle est renseignée par Alain Coustaury
Auteurs : Alain Coustaury
Contexte historique
Desservant la Drôme et surtout le complexe métallurgique de Saint-Étienne-Saint-Chamond (Loire), la centrale électrique de Beaumont-Monteux, comme celle de Pizançon, a joué un rôle économique, militaire et stratégique. Elle a été protégée par les Allemands et représentait un objectif majeur pour la Résistance.
Plusieurs sabotages ont eu lieu contre les installations de la centrale.
Le 26 décembre 1943, la Résistance détruit la ligne à haute tension de 120 kV de Beaumont-Monteux à Rivière ; quatre pylônes sont détruits à Beaumont-Monteux.
Le 22 janvier 1944, le groupe-franc de Jean Drouot ("L’Hermine") pénètre dans l'usine et emporte 800 litres d'essence, 200 litres de gasoil, 500 litres d'huile.
Le 12 juillet, les FFI (Forces françaises de l'intérieur) font un coup de main sur quatre pylônes électriques. La ligne est coupée pendant trois jours.
Le 22 juillet 1944, dans la matinée, l'épouse de Dubois, comptable à la Société générale d'électricité pour la Basse-Isère se procure un trousseau de clés de l'usine électrique de Beaumont-Monteux qu'elle remet au gendarme Villois, l'un des 14 qui gardent l'usine. Villois le remet à André Coulet, maquisard de Saint-Donat. Vers 23 h, le major Manière (US Army), le lieutenant Marcel Desgranges, Paul Dubois, contremaître de la centrale, vingt hommes de la compagnie de Charles Lahmery (« Bozambo ») et dix hommes arrivent devant l'usine. Les veilleurs et les gendarmes (un adjudant et neuf gendarmes) les laissent entrer. La pose des explosifs finit le 23 à 5 heures. L'explosion détruit la verrière du toit et le tableau de commande. La centrale est arrêtée pendant tout le mois d'août. Les veilleurs et les gendarmes repartent avec les résistants.
Le 25 juillet 1944, la ligne à haute tension de 32 000 volts qui alimente Saint-Étienne et Le Creusot est sabotée.
Le 25 août 1944, les Allemands font sauter le pont sur la rivière et celui du canal d'amenée de l'usine hydroélectrique, puis dans la soirée, le dépôt de munitions situé dans les "baumes", côté Châteauneuf-d'Isère.
Ces dernières, après avoir servi de carrière à pierre, puis de champignonnières, sont utilisées par les Allemands pour stocker le matériel, réparer les moteurs des avions basés sur l’aérodrome de Valence-Chabeuil. Elles serviront après la guerre de champignonnières, puis de cave de garde pour un viticulteur de Tain-L'Hermitage.
Le 30 août 1944, les Allemands détruisent le poste haute tension.
Dans le roman Blanche ou l'oubli (p. 441), publié en 1967, Louis Aragon, à propos d'une réflexion sur l'action des USA en Europe, se souvient, du temps où il était à Saint-Donat-sur-l'Herbasse, d'une discussion avec un officier américain parachuté dans la Drôme, sur la nécessité de détruire un barrage alimentant une centrale électrique : "Par exemple, en 1944, déjà quand on voyait la fin des choses, était-ce juillet, déjà peut-être les premiers jours d'août ? cet officier américain parachuté, celui que nous avions tiré de son joli parapluie de soie, il se morfondait, il disait laissez-moi faire sauter ce barrage, je ne suis pas venu du Minnesota pour ne rien faire ! et nous ne voulions pas, nous ne l'avons pas laissé plonger tout un morceau du pays dans la nuit, déchaîner ce malheur supplémentaire, inutile... il y a d'autres façons de se battre... Lui, qu'est-ce que ça lui coûtait, la nuit d'un département français, et même pas placé sur les lignes de pénétration possibles d'un débarquement, là, bêtement, dans la maille entre la route Napoléon et la route de la vallée du Rhône... Il aurait eu au moins, ce joueur de base-ball, quelque chose à raconter, rentrant, au Minnesota, était-ce bien le Minnesota ? ... "
Or, ce qu'Aragon rappelle, 23 ans après, s'est réellement passé à la fin du mois de juillet 1944. L’officier en question était le major Cyrus Jr Maniere de la mission Jedburgh Dodge rattachée à la mission Veganine commandée par Gaston Vuchot ("Noir"). Avant son départ d'Alger, Maniere avait reçu l'ordre de faire sauter la centrale de Beaumont-Monteux. La destruction du tableau de commande arrêtait momentanément la production d’électricité mais n'obérait pas la suite de son fonctionnement.
Auteurs : Alain Coustaury
Sources : H Chosson, M. Desgranges, P. Lefort, Drôme Nord, terre d’asile et de révolte. 1940-1944, Éfitions Peuple Libre. 1993.
Aragon, Blanche ou l’oubli, Gallimard. 1967.