Jean Gauchon

Légende :

Lors d'une réunion de l'ANACR le 26/11/2009 où il témoigne.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Cliché Pascal Djemaa

Source : © Archives Pascal Djemaa Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Mours-Saint-Eusèbe

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Analyse média

Le Comité de Romans – Bourg-de-Péage de l’Association Nationale des Anciens Combattants et Amis de la Résistance avait convié les anciens résistants à relater leur vécu et leurs activités pendant la période 1939-1945, dans une salle de Mours-Saint-Eusèbe, une commune de l’agglomération romanaise, le 26 novembre 2009. Jean Gauchon a relaté ses souvenirs, au cours de cette rencontre conviviale, notamment son entrée en Résistance.


Auteurs : Jean Sauvageon

Contexte historique

Jean Gauchon est né le 9 septembre 1923. Son père est maçon. Sa famille vit dans la campagne romanaise, cultivant un jardin, élevant deux chèvres et un cochon. Après avoir obtenu le Certificat d’Études, Jean fréquente pendant 2 ans l’école pratique de Romans-sur-Isère et entre, en septembre 1937, comme apprenti dans une petite usine de mécanique générale qu’il quitte pour l’entreprise Lambert en 1941. Dans son recueil de souvenirs, il raconte comment il a rejoint la Résistance en 1943, il allait avoir 20 ans. Commençait alors sa première période de résistant.

« … j’étais un assidu de la BBC (British Broadcasting Corporation) et à cette époque, on croyait dur comme fer à un débarquement pour 1943. Aussi, lorsque le 27 mars mon cousin Henri Perrin vient à l’entreprise Lambert et m’annonce que l’après-midi même il partait au maquis, je décidais de partir avec lui. C’est ce que j’ai fait sans trop tenir compte de la réaction de mes parents. Le temps de préparer un sac et une couverture et, dans le milieu de l’après-midi, je retrouvais le cousin et trois copains qui montaient avec nous. C’était Julot Chaix, Michel Cassesse et Charles Blachon, tous menacés par le Service du travail obligatoire (STO) en Allemagne. Ce qui n’était pas mon cas. J’étais donc le parfait volontaire.

Ce n’était pas difficile de monter au maquis : on prenait le car Glénat jusqu’à Saint-Martin-en-Vercors. Étant attendus, on se rendait dans une ferme un peu à l’écart. On passait la nuit à la grange et le lendemain matin, à travers les prés et les bois, on rejoignait le camp C4 à la Petite Cornouse où se trouvait déjà une trentaine de réfractaires au STO. On couchait dans une maison en ruines. Commençait alors la vie de camp : corvée de bois – il fallait bien chauffer les marmites – corvée d’eau jusqu’à la source qui se trouve assez loin en contrebas, corvée de ravitaillement : tous les soirs un groupe descendait jusqu’à proximité du village de Saint-Martin et couchait dans une grange. Quelques-uns d’entre eux descendaient jusqu’à la ferme pour chercher les provisions et tous remontaient au camp le lendemain matin.

Il y avait aussi un poste de garde au col que quatre camarades assuraient, à tour de rôle bien sûr.

Enfin, il y avait aussi des exercices militaires : patrouilles, progressions et puis, pour tous, une consigne : ne pas stationner dans la prairie pour ne pas risquer de se faire repérer par les "mouchards", ces petits avions d’observation qui, de temps en temps, tournaient au-dessus du Vercors.
[…]

Quelques jours plus tard, après un changement de chef et l’arrivée du capitaine Grange, j’ai été affecté comme aide-cuisinier […]. Henri Perrin était passé adjoint au chef de camp.

Être là-haut, au maquis, on ne se sentait pas tout à fait perdu : il suffisait de monter sur le bord de la falaise pour voir en dessous de nous la route des Grands Goulets et plus loin la ville de Romans mais quelquefois ce n’était pas bon pour le moral. Ça se passait pas trop mal jusqu’à ce jour du 18 mai 1943 où nous avons été réveillés de bonne heure par les cris des camarades qui étaient de garde et qui arrivaient à toutes jambes en criant " Les Ritals, les Ritals ! ". Il nous a fallu peu de temps pour nous lever et pour rassembler nos affaires. Sous les ordres de Perrin, nous nous sommes hâtés vers la Grande Cournouse, ses bois immenses et sa grotte qu’on nous avait signalée.

C’était bien les troupes italiennes (3 000 a-t-on dit) qui avaient encerclé le Vercors et qui avaient surpris la corvée de ravitaillement, faisant prisonniers quatre de nos camarades
[…].

De notre cache, dans les bois, nous avons pu voir tout un groupe de soldats italiens carrément poussés par leurs chefs pour aller explorer la grotte creusée en contrebas du chemin qui, occasionnellement, nous servait de glacière. Bien sûr, il n’y avait personne. Sauf que, s’ils avaient bien cherché, sous un tas de fagots de bois, ils auraient trouvé Henri Perrin qui avait quitté le campement en dernier et s’était camouflé là-dessous. Après avoir inspecté les environs, ils sont repartis.

Nous sommes restés jusqu’au lendemain sur la Grande Cournouse puis un gars du pays est venu nous prendre en charge pour nous emmener vers un nouveau campement. Le trajet s’est fait en grande partie de nuit par des chemins détournés. Je me souviens avoir traversé la rivière
[…] au sud de Saint-Martin.

Le lendemain, nous nous sommes retrouvés dans les bois qui bordent la prairie de Darbounouze. Il n’y avait pas d’abri mais il y avait le puits au milieu de la prairie. Nous avons passé là quelques semaines. Nous avions même commencé à construire une grande baraque avec des troncs de sapins. Elle n’a jamais été achevée. La vie se poursuivait assez monotone. Pendant un certain temps, nous avons logé avec le berger dans sa petite bergerie. Parfois il y avait une alerte : les GMR étaient signalés dans le secteur. Alors on se réfugiait dans ce qu’on appelle le Purgatoire, une zone de lapiaz au pied de la montagne. Ce n’était pas trop loin du puits mais les corvées d’eau étaient quand même bien longues et le ravitaillement difficile. Je me souviens du jour de l’Ascension 1943 : nous n’avions à manger que de la chèvre salée et quelques pâtes qu’on avait fait cuire ensemble dans très peu d’eau. C’était très, très salé.

À quelque temps de là, Henri Perrin a dû descendre en mission à Romans. Je suis allé avec lui, le temps de voir mes parents et de remonter au camp le lendemain. Sur le chemin du retour, au-dessus des Chabottes, nous avons essuyé un orage important. Bien sûr, nous n’avions rien pour nous protéger. Résultat : deux ou trois jours plus tard, je me retrouvais avec une otite séreuse et surtout douloureuse. Je redescendais donc voir un médecin ; il faut dire que nous étions au 22 juin et que je devais être incorporé aux chantiers de jeunesse le 11 juillet. J’allais donc voir le docteur Ganimède qui me perçait l’oreille pour faire cesser la douleur. Il m’a fait un certificat médical qui m’a permis d’avoir un sursis jusqu’au 9 novembre.

Comme à cette époque de l’année il apparaissait impossible que le débarquement ait lieu en 1943 et que notre présence au Vercors n’avait pas la même utilité, je décidais donc de rejoindre Orange dans le Vaucluse où j’étais affecté. »

Sans armes ou presque, le rassemblement de ces jeunes dans le Vercors avait peu d’utilité. L’hiver approchait, il fallait trouver des solutions pour l’hébergement, le ravitaillement. Aussi plusieurs de ces réfractaires ont été momentanément « libérés ». Jean Gauchon passe donc quelques mois au groupement 16 des Chantiers de Jeunesse, centré à Orange. Le 8 juin 1944, 2 jours après le débarquement de Normandie, il reçoit un télégramme d’un de ses copains de Romans l’informant : « Tante Jeanne très malade, viens ! ». C’est ce qui avait été convenu en cas d’urgence. Il revient à Romans le lendemain et rejoint le Vercors le 13 juin.

Ainsi, Jean Gauchon a vécu deux périodes dans les maquis du Vercors, du 27 mars au 22 juin 1943, puis du 13 juin 1944 jusqu’à la Libération, suivies de son engagement au 11e Cuirassiers.


Auteurs : Jean Sauvageon
Sources : Jean Gauchon, Souvenirs. Retour dans le passé. Mai 2007. Tapuscrit. 15 pages.