Témoignage d’Alix Sabatier du réseau Gallia
Légende :
Alix Sabatier, de Mirabel-et-Blacons, a alors 90 ans. Il explique ce que sont les réseaux, en particulier Gallia dont il a fait partie.
Genre : Son
Type : Témoignage sonore
Producteur : Réalisation Georges Chirol
Source : © Archives Georges Chirol Droits réservés
Détails techniques :
Enregistrement d’origine sur cassette. Extrait de 9,49 mn. Durée totale : 60 mn.
Date document : 2002
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Crest
Analyse média
L’interview d'Alix Sabatier a été réalisée, en 2002, par Georges Chirol, animateur d’une radio locale à Crest. Alix Sabatier avait alors 90 ans. Il explique ce que sont ces réseaux, en particulier Gallia créé par Gorce-Franklin, comment il y a été recruté par Chapoutat fin septembre 1943, en quoi consistait son travail de responsable du secteur centre-Drôme : superviser deux ou trois "radios", leur trouver des lieux d'émission (de courte durée), trouver des "boîtes aux lettres" pour recevoir les messages qu'un agent apportait du PC de Lyon à Valence et un autre de Valence à Crest, les communiquer aux radios, puis les ... avaler, protéger les radios pendant qu'ils émettaient. Il tire un coup de chapeau aux paysans qui les ont hébergés.
Alix Sabatier est militaire de profession. Après le 11 novembre 1942, il est démobilisé à Castres (Tarn) au 3e Dragon. Il a le grade d’adjudant. Avec son épouse et ses deux jeunes enfants, il vient s'installer à Crest. Il refuse tous les emplois offerts aux ex-militaires par le gouvernement de Vichy. En août 1943, il intègre, pour quelques jours, un maquis du Jura, puis revient à Crest où il signe, le 1er octobre, son engagement aux Forces françaises combattantes (FFC) au sein du réseau Gallia comme sous-lieutenant, agent de liaison radio P2 et chef du secteur Centre-Drôme dont la zone d'influence s'étend sur les communes de la région de Crest.
Il a œuvré au sein du réseau Gallia, mais aussi du réseau Buckmaster-Roger. Il a appartenu à la compagnie Pons et à la compagnie Morin.
Auteurs : Jean Sauvageon
Contexte historique
Le 5 novembre 1942, le colonel Henri Gorce, alias « Franklin », est présenté au général de Gaulle, à Londres, à qui il fait part de son intention de créer un vaste réseau de renseignement en France. Ayant obtenu son accord, il est parachuté le 15 février 1943 en France. Le réseau Gallia, rattaché au BCRA (Bureau central de renseignement et d’action), s’étend sur tout le territoire français. Le commandant Schram est, au début de l’été 1943, désigné comme chef de la région Sud-Est. Gallia est le plus important des réseaux de renseignements français.
Ce réseau semble débuter dans la Drôme par des contacts avec Louis Govers qui témoigne : « Par l'entremise du colonel Pierre Lanoyerie du réseau Gallia que j'avais rencontré [vers fin 1942, début 1943] à Valence chez l'avocat Edmond Cahen, mon rapport parvint à Londres. À la suite de ce travail, le colonel nous versa 6.000 frs dans la pauvre caisse du groupe Calloud ». Louis-Frédéric Ducros précise que « dans le domaine du renseignement, le lieutenant François Binoche replié à Desaignes [Ardèche] depuis la dissolution de l'Armée d'armistice s'est mis au service du colonel Lanoyerie et du réseau Gallia par l'intermédiaire de Louis Govers et Jean Blache. »
Pour le fonctionnement de ce réseau dans la Drôme, nous disposons de l'historique succinct établi par son responsable : Alix Sabatier. Il est « contacté fin septembre 1943 par Charles Chapoutat, vieil ami de sa famille, avec qui [il] échangeait des services “résistants” et cela par “Electre” Valence. [Il accepte] immédiatement l'offre de Charles Chapoutat [et devient] deux jours après "chef du secteur Centre-Drôme" pour le réseau Gallia, et signe son engagement au réseau Gallia comme sous-lieutenant agent P2 rattaché aux FFC. »
« Grâce à mes nombreux amis ou parents, je pus très vite créer des boîtes aux lettres, des agents de liaison, des abris, etc. Le PC central se trouvait à Lyon. Chaque matin, un agent de liaison faisait le trajet en train Lyon-Valence pour apporter les messages à transmettre à Londres, ainsi que les instructions concernant le secteur. Ces messages étaient déposés dans un café des environs de la gare de Valence, qui servait de boîte aux lettres. Puis un autre agent de liaison prenait ce courrier et l'apportait en vélo à Crest, où il arrivait chaque matin entre 8 h 30 et 9h, en utilisant, avec entente avec moi, l'une de nos quatre boîtes aux lettres, à mon tour je prenais ces messages, que je portais aux radios. Je restais avec eux pendant toute la durée d'émission pour surveiller la sécurité environnante aidé en cela par les personnes de la ferme qui nous recevaient. J'eus à une certaine époque jusqu'à trois radios, répartis à trois endroits différents, chacun ayant son matériel d'émission. Pour mes contacts avec le PC central de Lyon, la liaison se faisait en sens inverse. Je puis dire que je recevais de Lyon une moyenne de 15 à 20 messages codés, à transmettre à Londres, et que dans les deux derniers mois qui précédèrent le débarquement ce fut une moyenne journalière de 25 à 28 messages ; bien sûr certains n'avaient que quelques lignes, mais encore fallait-il coûte que coûte transmettre. Pour le secteur Centre-Drôme le réseau Gallia fonctionna : sur Crest - Chabrillan - Grâne - Divajeu - Aouste - Piegros-la-Clastre - Mirabel-et-Blacons - Suze-sur-Crest. Toujours nous avons reçu un chaleureux accueil, accompagné de beaucoup de courage et d'un complet mépris du danger. Je dois préciser que le réseau Gallia avait été présent à Valence au début de l'été 1943 en la personne du commandant Scram ou Schram, chef de la région Sud-Est. Par son action, il fit bombarder par les Anglais le terrain d'aviation de Valence. »
Ce témoignage permet d'établir la structure du réseau (l'implantation géographique suit clairement la vallée de la Drôme près de Crest)
Implantation des différents lieux d'abris de radios et matériels pour le réseau Gallia
Le PC est à Lyon. Le responsable pour la région de Valence est le commandant Schram-Plumel et, pour la région de Crest, Alix Sabatier.
Les membres du réseau sont à Crest : Charles Chapoutat (maroquinier), les boîtes aux lettres sont mesdames Blanche Dejour et Marthe Rama (toutes deux épicières), Mme Bockel (café), M. Faure (machines agricoles).
À Aouste, c'est Barthélemy Pierre, à Grâne, Chareyre Lucien (agriculteur), Beaumont Léon (agriculteur), à Chabrillan, Grassot Julien (agriculteur) la famille Julien (agriculteurs), à Mirabel-et-Blacons, Géranton Frédéric, (agriculteur), Félix Camille (agriculteur), à Suze-sur-Crest, Bouvier (agriculteur), Permingeat Alain (agriculteur), à Divajeu, Bouvier (agriculteur).
Auteurs : Patrick Martin. Jean Sauvageon
Sources : Archives Georges Chirol. Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.