Société de gymnastique de Montélimar, l’Avenir
Légende :
La clique montilienne et la société de gymnastique dont Jean Ravier, dit « Nénesse », était moniteur chef, a été un foyer de recrutement de Résistants.
Genre : Image
Type : Photo
Producteur : Inconnu
Source : © AERD Libre de droits
Détails techniques :
Photographie argentique noir et blanc.
Date document : 1938-1939
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Montélimar
Analyse média
Parmi les sociétaires de l’Avenir de Montélimar, en compagnie de la clique, réunis en la salle de répétition, dans la ville médiévale, en 1938-1939, on reconnaît Jean Ravier, premier gymnaste, en tenue, tout à fait à droite dans la rangée du bas.
Jean Ravier est né le 25 février 1911, en Saône-et-Loire ; il est décédé le 24 janvier 1951 à Montélimar. Il était employé dans la voirie, à la ville, dont il était un des sapeurs-pompiers. Il était le pilier de "L'Avenir", la société de gymnastique, dont il était le moniteur chef. "Il était très actif, très vif, très robuste, pas grand, mais très fort", vous diront les Montiliens qui l'ont bien connu. Il n'avait pas un caractère toujours facile : on le craignait ; il fallait marcher droit !
En 1941, il était au concours de gymnastique à Genève avec Fernand Bonnieu (futur champion de lancer du marteau). "Nénesse", en tant que moniteur à la société de gymnastique, avait organisé trois entraînements par semaine, ce qui constituait, à l'époque de la Résistance, des moments de rencontre privilégiés. C'était dans ce milieu qu'il recrutait les résistants. Là, il questionnait ses hommes, sur leur travail au camp d'aviation d'Ancône ou à l'usine Milou.
Raphaël Marchi, dans ses mémoires, en a témoigné : « Il était moniteur d'éducation physique, rue Bouverie ; il m'embauchait pour faire du sport, écrit-il. "C'est, devait-il me dire, une condition primordiale, par les temps qui courent, d'avoir la forme”. J'étais au service de Nénesse ; lui seul devait savoir pour qui nous devions travailler, pour que la France revive libre ».
Auteurs : Claude Seyve
Sources : Raphaël Marchi, Mémoires, arch. com., Montélimar ; rencontres Fernand Bonnieu - Claude Seyve, 2005-2009.
Contexte historique
Les activités résistantes dans la Drôme comme en France, obéissent bien sûr à des choix nationaux ; mais elles ont aussi un caractère singulier, en rapport essentiel avec les particularités du milieu local. Quelques séquences de la vie de Jean Ravier peuvent l’illustrer.
Jean Ravier connaissait beaucoup de monde, du fait de ses occupations professionnelles et bénévoles. Déjà en 1940, vers la fin juillet, Renée Coursange (France), a eu de nombreux contacts avec « Nénesse ». Un jour, il lui demande un service : « il fallait se rendre à la gare chercher un paquet assez volumineux ; ce paquet devait être remis [à Renée] par un voyageur qui devait se présenter avec un signe distinctif à la portière d'un wagon ». Étant fille de cheminot, elle connaissait toutes les ficelles pour sortir sans se faire remarquer.
Renée Coursange, qui épousera plus tard Marius Audibert, se souvient qu'une autre fois, "Nénesse" lui remet une petite pièce de ferraille et lui dit : « il faudrait que tu en fasses faire deux ou trois identiques ». Elle donne la pièce à son contremaître, qui l'enfouit dans sa poche en maugréant. Puis, le soir, en souriant, il lui demande : « Est-ce que tu sais ce que c'est, ta ferraille ?... C'était des culasses de fusils de guerre. » Le 11 novembre 1943, au rassemblement subversif devant le monument aux morts, « Nénesse » ose s'adresser aux gendarmes et leur demander : « Chantez La Marseillaise avec nous ! »
Quand le docteur Jeune a été déporté et que de nombreuses arrestations eurent lieu à Montélimar, "Nénesse", responsable local FTP (Franc-Tireur et partisan), a dit un jour à ses troupes : « il y a assez de déportés parmi mes gars et je tiens à ce que quelques-uns puissent voir la libération de notre pays. Il faut partir et prendre le maquis. » Raphaël Marchi relate plusieurs épisodes de ses mois de maquis, des Pilles à la libération de Montélimar, dans lesquels Nénesse est à ses côtés, lui ayant 17 ans et son ex-moniteur 33 ans.
Le Dauphiné libéré, les 26 et 29 janvier 1951, rapporte que les obsèques de Jean Ravier ont eu lieu « avec le concours d'une assistance exceptionnellement dense, parmi laquelle on remarquait la présence de très nombreuses personnalités locales ». Le journaliste insiste sur le fait que les sapeurs-pompiers étaient « en tête du cortège, précédés de leur drapeau », Jean Ravier étant pompier volontaire : « le char funèbre était remorqué par un fourgon-pompe de la compagnie des sapeurs-pompiers. » Étaient présentes également « les différentes sections de l'Avenir de Montélimar portant de magnifiques gerbes de fleurs naturelles, la Lyre Montilienne qui, tout au long du parcours, joua des marches funèbres, les tambours et clairons de l'Avenir, les anciens des FFI (Forces françaises de l'intérieur) avec leur drapeau et de nombreuses délégations des corps de sapeurs-pompiers de la région. » Absoute à la Collégiale, parcours des principales artères.
Des discours furent prononcés. Son « dévouement », sa « vivacité », étaient reconnus par tous ; parmi les sapeurs, « il était un des éléments les plus actifs depuis fort longtemps. Jean Ravier était, depuis la création de la société [L'Avenir] en 1931, soit 20 ans, moniteur chef. Son nom restera lié à celui de cette belle société, dont le développement et l'essor sont en grande partie son œuvre ». Le texte semble traduire l'émotion des gens en peine d'avoir à se séparer d'un « excellent concitoyen ». Au-delà des allocutions, subsistent dans les souvenirs quelques aspects plus discutables de sa personnalité (certains évoqués plus haut) ; mais son aura n'en est pas entamée pour cela ! Parmi les prises de paroles, l'une d'elles a-t-elle relaté son action résistante ?
Quoi qu'il en soit, ses obsèques révèlent tout à la fois ce qui avait été sa vie d'homme du peuple, la place qu'il avait tenue dans le quotidien de la population locale et régionale et, enfin, la charge affective collective inhérente à l'image que l'on avait de lui. La mémoire du chef local FTP subsiste encore, idéale et vivace, dans quelques lieux de rencontres, au moment où ces lignes sont écrites.
Auteurs : Claude Seyve
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.