Krystyna Skarbek-Gizycki
Légende :
Pseudos : « Christine Granville » « Pauline ».
Genre : Image
Type : Portrait
Producteur : Inconnu
Source : © AERD Droits réservés
Détails techniques :
Photographie argentique en couleur.
Date document : Sans date
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme
Analyse média
Portrait de Krystyna Skarbek-Giżycki, certainement pris avant-guerre : un visage de comtesse, de « miss », d’aventurière, mais aussi une Polonaise intrépide au service de la Résistance française.
Auteurs : Robert Serre
Contexte historique
Née le 1er mai 1908 à Varsovie, Pologne, elle était la fille du comte Jerzy Skarbek, d’une ancienne famille noble de Pologne, et de Stefania Goldfeder, fille d’un riche banquier, juive qui mourra en déportation. Elle vit une enfance confortable, mais son père gaspille toute la fortune venue de son épouse. À 22 ans, en 1930, elle épouse Karol Getlich, un homme d’affaires. Elle est si belle qu’elle est élue Miss Pologne en 1933. L’union dure peu et le 2 novembre 1938, elle épouse l’écrivain Jerzy Giżycki, un riche aventurier, ancien cowboy et prospecteur d'or. Le couple part rapidement s’installer à Addis Abeba, en Afrique orientale.
Dès septembre 1939 et l’invasion de son pays d’origine, Krystyna décide de rentrer à Londres, où elle cherche à offrir ses services dans la lutte contre l’ennemi commun. Les autorités britanniques marquent peu d’empressement, mais finissent par être convaincues par ses relations et par le fait qu’elle parle au moins sept langues. Elle décide ensuite de retourner à Varsovie, en févier 1940, pour sauver sa mère, malheureusement cette tentative échoue, et sa mère est assassinée quelques temps après dans un camp de concentration, ce qui renforce chez Christine sa haine déterminée des nazis.
Le SOE (Special operation executive) l’envoie alors en Hongrie où elle soutient la Résistance polonaise et mène des actions d'espionnage, organisant l'évasion des prisonniers de guerre britanniques. Elle se lie avec un officier polonais, Andrzej Kowerski, qui dirigeait ce réseau d’émigration. En 1941, elle et son amant sont arrêtés à Budapest par la police hongroise qui les livre à la Gestapo. Feignant d’être tuberculeuse, elle manœuvre pour obtenir leur libération : tous deux réussissent à s’échapper de la Hongrie à travers les Balkans et la Turquie et atteignent Le Caire. Cette évasion assez rocambolesque suscite des soupçons dans son service. Mais le couple est mis hors de cause quand il s’avère que les renseignements fournis sur microfilm à Churchill sur l’invasion de l’Union soviétique par les Allemands étaient exacts. La relation avec Kowerski amène la séparation avec Giżycki qui émigre au Canada.
À la fin 1943, Krystyna suit enfin la formation des agents du SOE et reprend ses activités en Turquie, au Proche-Orient, puis à Alger. C’est là qu’elle reçoit son affectation, en raison de sa parfaite maîtrise de la langue, à la section française avec pour nom de guerre Christine Granville, ou sous la fausse identité de Pauline Armand. Elle s’envole pour rejoindre Grenoble et le Vercors. Krystyna est choisie pour remplacer Cecily Lefort comme courrier du réseau Jockey.
Elle est parachutée dans la nuit du 6 au 7 juillet 1944, non sans problème car, en raison de sa légèreté, elle est emportée par des courants ascendants à plusieurs kilomètres du point prévu. De plus, le container renfermant ses vêtements et objets personnels s’était décroché du parachute et écrasé (Sa garde-robe renouvelée brûlera quelques jours plus tard dans l’incendie de La Chapelle-en-Vercors). Changeant chaque jour de couleur de perruque, elle aide Cammaerts en faisant la liaison entre les partisans italiens et le maquis français pour des opérations conjointes contre les Allemands dans les Alpes, et en incitant les non-Allemands, surtout les conscrits polonais de la garnison de Gap enrôlés dans les armées d’occupation allemandes, à se rallier aux Alliés. Opération couronnée de succès puisqu’elle aboutit à la reddition du fort.
À l’aube du 23 juillet, alors que les Allemands cernent le massif, Krystyna, le colonel Zeller, Cammaerts et ses deux radios, qui ne doivent pas se laisser enfermer dans le Vercors, réussissent à traverser le filet des Allemands et, par le Diois et Saint-Nazaire-le-Désert, à gagner Digne.
Le 13 août 1944, à Digne, deux jours avant le débarquement en Provence, plusieurs agents sont arrêtés à un barrage routier par la Gestapo, dont Francis Cammaerts, chef du réseau. Apprenant qu’ils allaient être fusillés, Krystyna demande, par l’intermédiaire du gendarme Albert Schenck, interprète entre les autorités allemandes et françaises, une entrevue avec le Belge Max Waem, officier de la Gestapo chargé des relations entre la préfecture et la Gestapo. Elle se présente comme agent britannique, épouse de Cammaerts et nièce du général Montgomery ! Pleine d’assurance, elle menace l’officier, s’il ne libère pas les prisonniers, d’une rétorsion terrible de la part des maquisards et des armées alliées qui venaient de débarquer en Provence et allaient arriver. Désireux de sauver sa peau, le chef de la Gestapo relâche ses prisonniers le 17 août, une heure avant leur exécution. Le gendarme aurait, quant à lui, perçu deux millions de francs envoyés d’Alger sur les fonds du SOE et lâchés par parachute.
Krystyna reprend ses activités : le 23 août, alors que les troupes américaines remontent la route Napoléon, 120 Allemands prennent position au col de l’Arc. "Pauline", jouant la bergère qui cherche ses chèvres, escalade seule la butte : deux heures après, elle revenait à la tête de la compagnie qui déposait les armes !
Quelques semaines après la capitulation allemande, Krystyna est licenciée avec un mois de salaire et laissée toute seule au Caire. Elle se lance alors dans une vie agitée et aventureuse, occupant divers emplois.
Le 15 juin 1952, dans le hall d’un hôtel bon marché à Londres, elle est poignardée par George Muldowney, un steward dans la marine marchande dont elle avait repoussé les avances, et qui finira à la potence le 30 septembre 1952. Elle avait 44 ans.
Krystyna était certainement une femme d’un appétit vorace, très courageuse, téméraire même, mais qui ne connaissait d’autre loi que la sienne. Malgré son pouvoir de séduction, elle restait solitaire. Krystyna Skarbek devint une légende de son vivant. Cammaerts a appelé une de ses filles Christine. On a dit que Ian Fleming, qui connaissait Buckmaster, l'avait prise comme modèle pour un personnage de son premier James Bond, Casino Royale (1953). Plus sérieusement, les contributions de Krystyna Skarbek à la libération de la France lui ont valu la Croix de Guerre, et en Angleterre, la George Medal et le titre d’Officier de l’Ordre de l’Empire britannique (OBE).
Auteurs : Robert Serre
Sources : Lucette Martin-de Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors, Souvenirs d’une fillette de dix ans, imp. Rey Lyon, 1977. Pour l’amour de la France, op. cit . Archives Albert Fié, témoignages écrits de Paul Pons et de Pierre Reynaud (« Alain »). Jean Veyer, Souvenirs de la Résistance dioise. E. H. Cookridge, Missions spéciales, A. Fayard, 1966, Famot Genève 1974. Siedentopf Monika, Parachutées… op. cit. Témoignage écrit de Lucien Astor, ex chargé de mission du BCRA dans les Basses-Alpes, authentifié par Francis Cammaerts, déposé au Musée de la Résistance et de la Déportation de Sisteron. Yves Farge, Rebelles, soldats et citoyens, Grasset, 1946. Ass. Nat. des Pionniers et Combattants Volontaires en Vercors, Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, 1990, dont Jean Veyer, « La vraie histoire de « Pauline ». Madeleine Masson, A Search for Christine Granville, Hamish Hamilton, 1975. Article dans Paris-Match n° 185 du 27.09.1952. Des biographies romancées : Alexie Lorca, Krystyna, la belle espionne polonaise (Lire, février 2001) et Maria Nurowska, Celle qu'on aime, Roman, Phébus 2001.