Note du capitaine

Légende :

Note du 1er juillet 1944 du capitaine "Alain" à l'adresse du capitaine Paul Pons

Genre : Image

Type : Note de service

Source : © Archives privées Albert Fié, fonds compagnie Pons Droits réservés

Détails techniques :

Document dactylographié sur une feuille de papier de format 21 x 27 cm.

Date document : juillet 1944

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Die

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Analyse média

Les relations entre chefs et unités sont souvent assurées par un service bien organisé. Des unités ont conservé des archives qui permettent une étude précise de leur vie.

La note d'"Alain" traite de plusieurs sujets concernant la vie d'une compagnie de résistants. 

Le document est soigneusement dactylographié et composé. Divers sujets sont abordés. "Alain" s'inquiète du sort de containers reçus lors d'un parachutage. Il évoque plusieurs types d'armes. Ensuite, il réclame les tableaux des effectifs de la compagnie. Il demande si Paul Pons dispose de suffisamment de cartes d'immatriculations FFI (Forces françaises de l'intérieur). Dans le cas contraire, il recommande au chef de compagnie d'établir des cartes provisoires en attendant les cartes réglementaires. 

Dans un paragraphe relativement long, Alain lance une recherche au sujet de son porte-cigarette qu'il aurait perdu dans le secteur tenu par Paul Pons. 

En conclusion, il réitère sa demande de la création de barrages bétonnés. Il exhorte son subordonné de tenir les hommes prêts à subir une attaque allemande.


Auteurs : Alain Coustaury

Contexte historique

L'intérêt de cette note est d'apercevoir les avatars de la vie quotidienne d'une unité de résistants.

Le premier sujet abordé est un épisode que l'on retrouve assez fréquemment quand on évoque la répartition des armes reçues lors d'un parachutage. Le terrain évoqué par "Alain" est sûrement celui de Brette, codé William 16, le parachutage celui de la nuit du 24 au 25 juin 1944. Il aurait été le plus important de la Drôme, hors Vercors, pouvant équiper 800 hommes. Les deux armes citées sont une mitrailleuse légère Browning 30 étatsunienne et un fusil-mitrailleur Bren britannique. Elles constituent l'armement le plus puissant de beaucoup d'unités résistantes, d'où leur valeur et l'acharnement mis pour en récupérer. Au total 20 armes de ce type ont été parachutées. Mais trois d'entre elles ont été ramassées en mauvais état. Les pertes liées à un mauvais atterrissage atteignent parfois 30%. Le parachutage de Brette se caractérise aussi par la grande variété du matériel : armes de groupe, fusils étatsuniens et britanniques, grenade défensives Mills, grenades Gammon, explosifs pour sabotages. La récupération de tout ce matériel et son transport sont difficiles. Il est fait appel à tous les moyens de transport pour mettre en sureté et répartir les armes. Au cours de cette opération, a été utilisée une autochenille Citroën Kégresse, récupérée par la Résistance dans une des caches de l'organisation du Camouflage du matériel (CDM). Un entrepôt doit se situer à Saint-Nazaire-le-Désert à quelques kilomètres de Brette. C'est au cours du transport du matériel que Maurice Blanc aurait détourné trois containers. Si "Alain" reconnaît les besoins en armement de Paul Pons, il est offusqué par le procédé de récupération de plusieurs containers. On a là un exemple fréquent de dispute entre les unités résistantes, surtout si certaines font partie de l''AS (Armée secrète) et d'autres des FTP (Francs-Tireurs et partisans). Dans son livre, Il n’est pas trop tard pour parler de résistance, Jean Abonnenc, résistant du Diois, rend compte de la mesure qu'il prend lors de ce parachutage :  « Par sécurité je fais placer une mitrailleuse sur les roches de Pierre Folle, tenant en vue le poste allemand (…). Je mets une autre mitrailleuse en direction d'Aucelon, d'où un camp de FTP commandé par Mourier, pourrait tenter de nous piquer (sic) des conteneurs » !

Afin de résoudre ce problème, "Alain" exige que lui soit communiqué le contenu des containers.

Dans sa réponse du 2 juillet, Paul Pons précise que Maurice Blanc « s'est présenté à Brette sur le terrain du Diois mais ce n'est pas de sa propre initiative car ainsi que je vous l'ai dit deux hommes sont venus soit disant de votre fait et demandant à ce que l'on s'y rende. A son retour il m'a remis une mitrailleuse et un fusil-mitrailleur les deux sans munitions ainsi que 3 colis contenant chacun 10 fusils-américains dont 8 étaient brisés, Blanc a également rapporté une seule paire de chaussures. » À la fin de sa réponse, Paul Pons réclame de façon urgente des « En plus des armes automatiques nécessaires à chaque groupe, j'ai un besoin pressant de chaussures car nombre de mes hommes sont autant dire pieds nus »

"Alain" demande le tableau des effectifs. Il évoque le sujet récurrent des cartes d'immatriculation FFI qui, théoriquement, donnent aux résistants la qualité de soldat bénéficiant des conventions internationales sur la guerre.

À la suite de ces sujets importants, "Alain" fait une demande qui paraît dérisoire dans le contexte du moment. Il est à la recherche de son porte-cigarette qu'il aurait perdu dans le secteur de Saillans. Il ne précise pas les raisons pour lesquelles cet objet est si important pour lui. On peut penser que c'est pour des motifs très personnels qui n'ont rien à voir avec la Résistance !

"Alain" termine sa note en revenant aux choses sérieuses. Il rappelle à Paul Pons la nécessité absolue de construire des barrages bétonnés sur les routes de la vallée de la Drôme. Dans des notes précédentes, il décrit ces barrages qui doivent être constitués de rails plantés dans des chapes bétonnées. Le danger d'une attaque allemande se précisant, la compagnie Pons doit être sur ses gardes et se tenir prête.

À travers ce document plusieurs aspects de la vie de la Résistance dans le centre de la Drôme sont mis en valeur en même temps que la personnalité d'un chef de secteur. Ils sont riches d'enseignements.

Maurice Blanc sera, accidentellement, tué par un camarade le7 juillet1944.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Albert Fié, Mémoire d'un vieil homme, archives Pons. Abonnenc Jean, Il n'est pas trop tard... pour parler de résistance, Die, 2004, 384 pages.