Jean-Pierre de Lassus Saint-Geniès (GVR)
Légende :
Extrait du mémoire de proposition pour citation de Jean-Pierre de Lassus Saint-Geniès, dit "Legrand", chef des FFI de la Drôme, résumant son parcours militaire et résistant, daté du 15 septembre 1944
Genre : Image
Type : Proposition pour citation
Source : © SHD 16 P 168314 Droits réservés
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes)
Analyse média
Retranscription des motifs de la proposition :
" Officier d'active, évadé des premiers (...) du camp de Nuremberg. Lors de l'invasion allemande de la zone non-occupée, a refusé de livrer les armes de sa section d'éclaireurs-skieurs. Entré de suite dans la Résistance, a participé à l'organisation des maquis de l'Ain et à de nombreux coups de main. Envoyé ensuite dans la Drôme, travailla plusieurs mois à la mobilisation des FFI.
Nommé le 4 juillet 1944 à la tête du département [de la Drôme] dans des circonstances difficiles, a su s'imposer à tous par de magnifiques qualités de commandement et réalisant l'union dans la lutte commune. Lors de l'attaque en force par des Allemands contre le Vercors et la Drôme, a réussi par son activité et son énergie à maintenir ses unités dans l'ordre, malgré les attaques incessantes de l'ennemi lui infligeant de lourdes pertes au prix d'un petit nombre de morts et de blessés, notamment aux combats de Grimone, d'Espenel, de Gigors et de Beaufort. A fait personnellement preuve du plus grand mépris du danger, traversant à maintes reprises les lignes ennemies pour assurer l'action du commandement dans tous les secteurs.
Au moment du débarquement en Méditerranée, a lancé ses bataillons à l'attaque sur la N.75 et la Vallée du Rhône, libérant la presque totalité du département, entravant efficacement le repli de la 19e armée allemande, notamment en faisant exécuter la destruction du pont de Livron, causant de lourdes pertes à l'ennemi. A, de ce fait, facilité grandement l'avance des Alliés et leur action pendant la bataille au nord de Montélimar. A, enfin, délivré Valence avec ses unités, y faisant plus de 800 prisonniers. "
Le 3 juillet 1944, à sa prise de commandement à la tête des FFI de la Drôme, le commandant Lassus de Saint-Geniès, Legrand, reçoit de M. Descour, Bayard, l'ordre de protéger les avancées ouest et sud du Vercors ; il s'agit de la protection éloignée de la zone de Vassieux-en-Vercors. Il dispose d'une douzaine de compagnies engagées sur les cols de la Menée, de Grimone et de Cabre, à Die, et jusqu'à Crest.
Guy Giraud
Contexte historique
Jean-Pierre de Lassus Saint-Geniès est né à Paris le 2 décembre 1914. Nicole de la Bourdonnaye, son épouse, dont la mère fait partie du réseau du Musée de l’Homme, a participé le 11 novembre 1940 à la première manifestation contre l’occupant, à l’Arc de Triomphe.
Carrière militaire :
Il entre à Saint-Cyr, promotion « Maréchal Lyautey » (1935-37). Lieutenant en 1940, il est chef d’un groupe franc. Prisonnier à Nuremberg, il est le premier à s’évader de son Oflag en avril 1941. Il rejoint ensuite l’armée d’armistice.
On le trouve en juillet 1942 dans le Vercors et en Savoie, à la tête d’une section d’éclaireurs-skieurs du 153e RIA (régiment d'infanterie alpine).
À la dissolution de l’armée, il part pour Lyon et trouve par relations une entreprise forestière qui exploite une coupe à Hotonnes, dans l’Ain. De Lassus se place alors sous les ordres de Romans-Petit. Il crée le premier maquis armé de Valromey, avec lequel il défile le 11 novembre dans Oyonnax. C’est donc un authentique résistant qui arrive en Drôme en février 1944. De Lassus s’arrête quelques jours à Saint-Julien pour prendre ses instructions auprès de l’état-major régional du commandant Descour. Arrivé à Valence, il prend contact avec L’Hermine, dont il va devenir l’adjoint omniprésent.
Le mois de juillet 1944 marque, pour le département de la Drôme, un tournant décisif. Alban Vistel et Descour s’accordent sur la nécessité de désigner un officier convenant à la fois aux maquisards de l’AS, aux FTP et au comité de libération (CDL) qui siège à Die auprès du préfet désigné, Pierre de Saint-Prix. La nomination de Jean-Pierre de Lassus, dit "Legrand", est accueillie chaleureusement. Secondé par le commandant Vaillan, Legrand obtient que le FTP André Chaiffre (Capitaine Roger), lui soit adjoint. Dès lors, l’intégration au sein des FFI devient une réalité. L’ensemble des effectifs atteint alors 7 000 hommes, dont 3 000 dans la partie sud, contrôlée par "Alain".
Toute la première quinzaine de juillet s’écoule en inspections et en montage d’un dispositif interdisant la voie d’accès qu’est la vallée de la Drôme, avec deux barrages à Blacons et Saillans et une ligne de résistance à Pontaix.
En prévision de l’attaque du Vercors, de Lassus renforce ses positions au col de Grimone, donne l’ordre à "Alain", qui commande localement, qu’en cas d’abandon, la ligne de défense soit reportée dans les gorges situées en amont de Châtillon-en-Diois. Et il insiste pour que la position de Pontaix soit tenue coûte que coûte. Lorsqu’une forte colonne progresse vers Die et une autre sur le col de Grimone, les compagnies placées en embuscade par de Lassus remplissent leurs missions. Mais hélas, la défense de Grimone n’a pas joué et "Alain" n’a pas assuré l’exécution des ordres reçus. Lorsque, le 23 juillet, l’ordre de dispersion des combattants du Vercors est donné, de Lassus organise le recueil d’un grand nombre de ceux qui descendent le versant drômois du massif.
Pour des raisons politiques, le commandement de la zone sud de la Drôme ayant été retiré à "Alain" (AS) pour le confier au FTP Léonce Giry, avec pour adjoint Dominique Hennequin, officier FFL affecté par Alger. "Legrand", nommé lieutenant-colonel FFI, parvient à établir son autorité dans cette zone et à y établir un solide dispositif, afin de prévenir tout retour offensif et préparer l’accompagnement des forces alliées après le débarquement annoncé sur les côtes de Provence. Dès que les Alliés débarquent, il ordonne au capitaine Faure de faire sauter le pont routier de Livron. À l’arrivée des premiers GI, de Lassus constate rapidement que la Task Force Butler (TFB) manque de mobilité, d’initiative et d’audace. Aussi, refuse-t-il d’engager davantage ses FFI. Lorsque la 36e division du général Dahlquist rejoint la TFB, de Lassus insiste pour monter une opération combinée devant conduire, dans la nuit du 24 août, à la prise de Valence. C’est un échec provisoire puisque le 31 août, dans la même articulation, les FFI vont libérer Valence en subissant de légères pertes. Sur le front des Alpes, il est grièvement blessé le 7 avril 1945, lors de l’attaque du mont Froid.
Carrière après-guerre :
Il combat en Indochine, puis en Algérie où il commande le secteur de Cherchell en 1960-1961. Nommé général, il commande les écoles militaires de Coëtquidan (1967-1969). Il achève sa carrière comme commandant en chef des forces françaises en Allemagne.
Distinctions :
Grand officier de la Légion d’honneur ; Grand-croix de l’ordre national du Mérite ; Croix de guerre 1939-1945 ; Médaille des évadés ; Rosette de la Résistance.
Colonel Pierre Balliot, in Actes du colloque Les militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Avon-les-Roches, Editions Anovi, 2010.