Combat de Gigors-et-Lozeron, le 27 juillet 1944

Légende :

L’un des combats de la vallée de la Gervanne et ses abords à la fin juillet 1944.

Genre : Image

Type : Carte

Producteur : réalisation Alain Coustaury

Source : © AERD, fonds Alain Coustaury Droits réservés

Détails techniques :

Carte numérique réalisée d'après Pour l'amour de la France.

Date document : novembre 2004

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

Contrastant avec l’activité des autres secteurs du Vercors, la région de Beaufort-sur-Gervanne est restée calme jusqu’au 27 juillet 1944, troublée seulement par quelques incursions ennemies. Mais les Allemands recherchent le PC de Legrand, installé à la ferme des Maillets à L’Escoulin. De plus, ils veulent dégager au plus large la Nationale 93 : ils poussent donc des reconnaissances et des opérations de nettoyage par les vallées transversales des affluents, de part et d’autre de la vallée de la Drôme, mais n’ont pas la possibilité d’occuper le terrain en permanence. Ce 27 juillet, plusieurs colonnes allemandes remontent donc tout au long de la vallée de la Gervanne et se répandent à l’ouest sur les communes de Suze, Gigors, à l’est sur celles de Montclar, Beaufort, Eygluy. La bataille dure toute la journée.



Contexte historique

Déjà, la veille, 26 juillet, une patrouille allemande était montée jusqu’à Suze (sur Crest) et avait capturé Gap, de la compagnie Pierre, aventuré dans le village. Ce prisonnier avait été fusillé le soir même devant le mur de l’usine de Blacons.

Le 27 juillet, une colonne allemande motorisée (environ 100 véhicules et blindés), partie de Blacons, progresse vers Vaugelas tenu par la compagnie Maisonny ("Roger") et son adjoint le lieutenant Roux. Prise sous le feu de canons de 88 mm, cette compagnie ne peut réussir à traverser la rivière Drôme, elle franchit la montagne la Morouse et se replie sur le plateau de Véronne. Cinq résistants blessés sont faits prisonniers. Un mort et un blessé grave chez les FFI (Forces françaises de l'intérieur). 7 morts et 8 blessés chez les Allemands. Une autre colonne précédée de deux automitrailleuses est accrochée au pont de Chantemerle. Après un combat à la grenade, les Allemands arrivent dans la matinée à Beaufort, tenu par la compagnie Pierre qui résiste 5 heures : les hommes livrent un véritable combat de rue dans le village, allant jusqu’au corps à corps, essayant de défendre quelque temps le central téléphonique au nord du village, puis ils doivent décrocher à 15 h vers Lozeron et Plan-de-Baix. Une section de la compagnie Morin fait sauter le pont de la route menant à L’Escoulin. Les Allemands redescendent dans la vallée de la Drôme après avoir incendié les maisons épargnées lors des bombardements des 22 et 28 juin et quelques fermes alentour. Les FFI ayant causé d’énormes pertes à l’ennemi dégagent les axes d’attaque et se portent sur ses flancs. Trois résistants sont tués dans ce combat : Paul Aubanel, de Saint-Julien-en-Quint, Georges Budelot, de Valence, Louis Martinau, de Villeurbanne. Sept sont blessés. Les Allemands ont à déplorer plusieurs dizaines de tués et une grande quantité de blessés. Le lendemain, à l’aube, des patrouilles de la compagnie Pierre redescendent vers Beaufort. Le village est presque entièrement dévasté par le feu, les ruines fument encore. Les fermes qui avaient accueilli les maquisards ont été pillées et incendiées. Les paysans sont désorientés.

Dans la matinée de ce 27 juillet, une troisième colonne allemande de 13 camions et une automitrailleuse monte depuis Aouste en direction de Gigors. Vers Cobonne, elle est attaquée de flanc par la compagnie Brentrup ("Ben") renforcée de la compagnie Chapoutat, qui se replient ensuite vers Gigors et son hameau de La Rivière. La compagnie Pierre (Lieutenant Challan-Belval) manifeste aussi une forte résistance.

La compagnie Brentrup, environ 120 combattants très jeunes pour la plupart, s’installe en défensive à Gigors et au vieux Suze. « Les gamins de 18/20 ans que nous étions pour la plupart, encore mal aguerris, tiendraient-ils face à un ennemi qui réagissait vigoureusement ? Il n’y avait qu’une solution. Il fallait tenir et se battre aussi longtemps qu’on pourrait, avec seulement deux morceaux de sucre et un œuf gobé en vitesse, pour tout repas », se souvient André Petit. Aidés par un groupe de Chapoutat, ils tiennent toute la journée face à plusieurs centaines d’Allemands. Le contact s’établit vers 8 h 30 ; une infiltration allemande par le vieux Suze ranime le combat. Le PC d’"Antoine" (Bénézech) à la ferme Bérard est atteint et incendié, mais les Allemands ne parviennent pas à passer et se retirent au soir. Les Allemands ont un nombre indéterminé de tués et quelques blessés. Ils incendient plusieurs fermes de la vallée de la Sye et abattent sauvagement monsieur Raspail au hameau de la Rivière. L’attaque de Beaufort vient confirmer l’insuffisance de l’armement des maquisards pour s’opposer efficacement à la progression des unités allemandes. Leurs réserves et munitions sont fortement entamées. Aussi après avoir réuni ses commandants d’unités à Plan-de-Baix, de Lassus ("Legrand") décide de rendre à chaque groupe son autonomie et lui affecte un secteur de nomadisation autour de L’Escoulin où le PC demeurera tant que possible. Le moral est intact malgré une situation peu brillante. La compagnie Pierre se rend dans la région d’Eygluy où, le 30, elle accroche un détachement allemand. Les Allemands se replient.

Le 28 juillet, les Allemands qui ont attaqué la veille au col des Tourettes, à Beaufort et Gigors, ceinturant ainsi tout le Vercors, sont redescendus dans la vallée de la Drôme, évacuant toute la zone que la Résistance réoccupe progressivement dans la nuit, renforçant la vallée de Quint. L’intervention de l’aviation alliée stoppe une colonne allemande remontant la vallée de Cobonne et se dirigeant vers Gigors. Les avions alliés se font de plus en plus nombreux le long de la vallée de la Drôme. Ils attaquent les rassemblements ennemis. Ils viennent, en battant de l’aile à basse altitude, saluer les maquisards, qui répondent en agitant leurs couvertures.

Le 29 juillet, les FFI ont passé des heures difficiles sans matériel médical et avec quelques blessés urgents. Heureusement aucune plaie ne se trouve infectée et bien peu des blessés meurent malgré le peu de soins qu’on pouvait leur donner. Un sous-lieutenant du maquis de Wap, Jean-Marc Netter, étudiant en médecine qui refusait de servir en tant que médecin, étant chef de section, reçoit l’ordre de descendre dans la plaine en pleine bataille pour rechercher secours et médicaments. Il s’acquitte de sa mission avec succès et revient avec le médecin-capitaine Ferrand dont les services étaient assurés à la Résistance depuis longtemps et qui prend la tête des services de santé du département. Celui-ci installe une infirmerie régimentaire à Suze, puis dans les vastes locaux de la colonie de vacances à Plan-de-Baix. Au matin, Marcel Mermoz, de la compagnie Brentrup, transporte avec son gazogène les blessés de la compagnie à cette infirmerie. Les docteurs Jean et Martin, qui viennent du Sud-Drôme, rejoignent aussi "l’infirmerie régimentaire" des FFI. Le soir même, suite à la pression allemande, celle-ci doit se replier sur la haute vallée de la Gervanne puis pendant la nuit au quartier des Arbods à Omblèze.

Fin juillet 1944, les Allemands occupent le col des Limouches, le plateau d’Ambel, le col de la Bataille. Une forte reconnaissance allemande sur Eygluy, dans le but d’interdire l’accès de la vallée, est repoussée par la compagnie Chapoutat : les Allemands ont 2 tués et 3 blessés. Jacquot François, de la compagnie Sabatier, est tué sur le plateau d’Ambel en effectuant une liaison vers le PC de De Lassus à L’Escoulin. Durant ces journées de fin juillet, 300 hommes, obéissant à l’ordre de dispersion, refluent à L’Escoulin depuis le Vercors.


Auteurs : Robert Serre
Sources : ADD, 97 J 1, 97 J 2, 97 J 4, 97 J 91. AN, BCRA, 3AG2/478-171 Mi 189 Marcel Couriol, in Le Crestois, 02/09/1994. Journal de marche de la compagnie Chrétien. Combats pour le Vercors et pour la liberté. Pour l'Amour de la France. Gerland, La Résistance en Drôme Centrale. H. Faure, éphéméride. Paul Pons. Joseph La Picirella, Témoignages sur le Vercors. Ladet, Ils ont refusé de subir. Lucien Micoud, Nous étions cent cinquante maquisards. Paul Pons. Burles, La Résistance et les maquis en Drôme-Sud. Veyer, Souvenirs sur la Résistance dioise. Pierre Lassalle, La liberté venait des ondes. Rude, Dialogue Vercors-Alger. journal de Follet 1944. Souvenirs Brétégnier. Histoire du maquis Perrin. Journal de marche de la compagnie Chrétien. Xueref et Wullschleger. Rapport du capitaine Morin, septembre 1944. Rapport de Sabatier, recueilli par V. Beaume. Rapport ingénieur SNCF de Valence (09/1944). Témoignage Mario Escoffet et René Monestier, bulletin amicale Pons n° 23. Témoignage Chapoutat. Le Dauphiné Libéré, 26 juillet, 1er août, 15 août 94, 1er août 2000, 16 juillet 2004. Le Crestois, 3 août 1946, 29 avril 1994, 16 septembre 1994, 1er septembre 1995. Journal du Dr Thiers (1944) in Le Crestois du 3 juin 1994.Les pages de la Drôme de l’Humanité, n° 156 du 25 février 1968. Le Messager, 8 décembre 1944. Allocution d’André Petit à Gigors le 26 juillet 2009 pour la Commémoration de la bataille de Gigors.