Jean Chauvet et trois camarades de détention à Eysses
Légende :
Photographie prise clandestinement à Eysses, entre octobre 1943 et février 1944, sur laquelle figurent de gauche à droite Jean Chauvet, Jean Coin, Henri Auzias et Charles Morellini.
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Association nationale pour la mémoire des résistants et patriotes emprisonnés à Eysses Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique en noir et blanc
Date document : Entre octobre 1943 et février 1944
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot
Analyse média
Cette photographie a été prise clandestinement dans la centrale entre octobre 1943 et février 1944. Les détenus photographiés sont de gauche à droite :
- Jean Chauvet, employé de la SNCF à Nîmes, arrêté le 16 juillet 1941 pour activité communiste.
- Jean Coin, né le 21 février 1919 à Saint-Florent (Gard), comptable à Nîmes. Condamné à trois ans de prison en décembre 1940, il est incarcéré à Eysses le 16 octobre 1943 en provenance de la Maison centrale de Nîmes. Il est transféré d'Eysses à la maison d'arrêt de Nîmes le 8 avril 1944 et s'évade de cette prison 10 jours plus tard pour rejoindre le maquis.
- Henri Auzias, né le 9 avril 1912 à Villevieille (Basses-Alpes), postier marseillais, militant communiste. Il est le représentant communiste des détenus d’Eysses auprès de la direction de la centrale et l’un des principaux organisateurs de la tentative d’évasion collective du 19 février 1944 qui se soldera par un échec. Condamné à mort par une cour martiale réunie à Eysses, il est fusillé le 23 février 1944.
- Charles Morellini, né en août 1923 à Marseille, mécanicien, arrêté en mars 1941. Condamné à cinq ans de prison par le tribunal militaire de la 15e région, il est incarcéré à Eysses le 16 octobre 1943. Le 31 mai 1944, il est déporté à Dachau via Compiègne.
Les quatres détenus sont arrivés à Eysses le 16 octobre 1943 en provenance de la Maison centrale de Nîmes.
A Eysses, seuls les délégués des détenus portaient une veste bleue de velours, et certains vêtements civils étaient autorisés. Cette libéralité accordée par le directeur Lassalle sera supprimée avec la loi du 26 février 1944 qui rétablira l’application stricte du régime de centrale et le port obligatoire du costume pénal. Leurs coupes de cheveux sont significatives de l’assouplissement du régime carcéral de la prison avec l’arrivée massive des détenus résistants en octobre 1943. En effet, le directeur Lassalle ne contraint plus les emprisonnés à avoir le crâne rasé comme le prévoit le règlement.
Fabrice Bourrée
Sources : documentation Corinne Jaladieu
Contexte historique
Ces photographies prises à Eysses sont issues d’un fond exceptionnel : les anciens détenus résistants d’Eysses ont conservé un carton entier de photos prises dans la centrale entre décembre 1943 et janvier 1944, avec un appareil photo rentré clandestinement. Certaines ont été développées grâce à l’aide de la résistance extérieure et la complicité de certains surveillants et envoyées aux familles. L’appareil photo comprenant les derniers négatifs, camouflé dans la cour du préau 1 avant la livraison des détenus aux SS et leur déportation, a été récupéré en 1945.
Ces clichés sont essentiellement des photos de groupe prises dans les préaux ou quelques photos individuelles. Scènes de vie quotidienne, elles sont en apparence banales, mais si l’on y jette un regard plus précis, elles interpellent l’historien sur l’image que les prisonniers ont souhaité renvoyer d’eux-mêmes et de leur vie derrière les barreaux.
Quelques photos sont même exceptionnelles si on les replace dans leur contexte : prises par des détenus politiques incarcérés dans les prisons de Vichy. C’est le cas des clichés qui immortalisent un événement particulier survenu à la centrale d’Eysses : la cérémonie funèbre et les honneurs rendus par ses camarades à un interné administratif, Barthélemy Duprillot. Arrivé à Eysses le 23 octobre 1943 avec les autres internés, il s’est donné la mort pendant la bataille dite des "Trois glorieuses", le 10 décembre 1943, de peur d’être livré aux Allemands.
Les photos prises dans la centrale saisissent rarement des individus seuls, à l’exception des délégués des détenus comme Henri Auzias photographié quelques semaines avant son exécution par la cour martiale le 23 février 1944. La plupart sont des clichés de frères d’armes. La photo est le résultat d’une volonté d’immortaliser des moments de joie mais aussi de détermination collective, alors que pour beaucoup ces années de clandestinité furent marquées par la peur. Replacée dans son contexte, elle résonne comme un défi, renvoyant l’image de combattants.
D'après l'ouvrage de Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.