Jugement prononcé à l'encontre de Marcel Cochet

Légende :

Extrait des minutes du greffe de la section spéciale de la cour d'appel de Lyon mentionnant le jugement prononcé le 8 novembre 1943 à l'encontre de Marcel Cochet.

Genre : Image

Type : Document judiciaire

Source : © Archives départementales de Lot-et-Garonne,940W103 Droits réservés

Date document : 29 novembre 1943

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Rhône - Lyon

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Analyse média

Dès la première année, le gouvernement de Vichy cumule l'utilisation des tribunaux correctionnels, notamment contre la propagande clandestine, avec la création de tribunaux d'exception à vocation d'exemplarité : cour de Gannat pour juger les Français Libres, tribunaux spéciaux visant les inconnus auteurs d' "agressions nocturnes" en métropole. A l'été 1941, commence une deuxième phase : la généralisation de ces tribunaux d'exception dans un esprit avéré de collaboration judiciaire avec l'occupant, d'abord contre la lutte armée communiste, puis contre l'ensemble des groupes paramilitaires résistants. Ce sont essentiellement les sections spéciales près les cours d'appel (en zone nord) et les tribunaux militaires (en zone sud jusqu'en novembre 42) créées par la loi du 14 août 1941. Devant les " ratés " de la section spéciale de Paris (qui ne prononce que 3 des 6 condamnations à mort programmées), Vichy complète immédiatement le dispositif par les deux sections du Tribunal d'Etat, incluant des magistrats non-professionnels. Les deux années suivantes, le régime élargit les compétences des tribunaux spéciaux (détention d'armes, de postes TSF, évasions de prison) puis des sections spéciales, qui couvrent progressivement tous les actes " terroristes " quels qu'en soient les auteurs et s'augmentent de " sections spéciales élargies ", incluant policiers et gendarmes.

L'article 1er de cette loi du 14 août 1941 précise : "Il est institué auprès de chaque tribunal militaire ou de chaque tribunal maritime une ou plusieurs sections spéciales auxquelles sont déférés les auteurs de toutes infractions pénales, quelles qu’elles soient, commises dans une intention d’activité communiste ou anarchiste. Dans les parties du territoire où ne siégeraient pas de tribunaux militaires ou maritimes, la compétence des sections spéciales prévues à l’alinéa ci-dessus sera dévolue à une section de la cour d’appel qui statue sans énonciation des motifs en se prononçant seulement sur la culpabilité et la peine.". Son article 8 définit les peines encourues : "Les peines que prononcera la section spéciale sont l’emprisonnement avec ou sans amende, les travaux forcés à temps ou à perpétuité, la mort, sans que la peine prononcée puisse être inférieure à celle prévue par la disposition retenue pour la qualification du fait poursuivi."

Outre les mentions d'état-civil, l'extrait présenté dans cette notice indique le motif de la condamnation de Marcel Cochet, "distribution de tracts de nature à nuire à l'intérêt national, et menaces de mort par écrit", et la peinte prononcée à son égard ("quatre ans d'emprisonnement et douze mille francs d'amende").


Sources :
Bruno Leroux, compte-rendu de l'ouvrage La justice des années sombres. 1940-1944, Journées régionales d'histoire de la justice, Association Française pour l'Histoire de la Justice, Paris, Edition La documentation française, 2001.

Les condamnées des Sections Spéciales incarcérées à la Maison Centrale de Rennes, déportées les 5 avril, 2 mai et 16 mai 1944

Contexte historique

Né le 12 décembre 1913 à Polliat, Marcel Cochet est radio et sergent dans l'infanterie en 1940. Démobilisé, il retrouve son emploi d'auxiliaire de la ville de Bourg-en-Bresse jusqu'en mai 1941, date à laquelle il part à Antibes suivre une formation sportive. En septembre 1941, il intègre le lycée Lalande de Bourg-en-Bresse en qualité de professeur de sport adjoint. Au sein du lycée, il aide les jeunes hostiles au régime de Vichy à s'organiser, alors que la majorité des professeurs et de l'administration ne suit pas cette démarche. 

Marcel Cochet est contacté en novembre 1941 par son frère André Cochet et Paul Pioda du mouvement Libération. Il devient successivement chef de sizaine, puis de trentaine et chef de trentaine de choc en juillet 1942. En novembre 1942, il participe au transport d'armes cachées à la Trappe des Dombes et accomplit ensuite des missions variées : enlèvement du fichier de recensement du STO (Service du travail obligatoire) de Bourg-en-Bresse en avril 1943, et du fichier départemental en mai 1943, sabotage du local de la Milice par grenadage en avril 1943, instruction militaire des chefs de trentaines en 1942 et 1943, sabotages de plusieurs magasins de collaborateurs en 1942 et 1943, réception de parachutages d'armes à Polliat, Lent, Chavannes-sur-Suran. Il participe également à l'organisation du mouvement FUJ (Forces unies de la jeunesse) au lycée, à la création de maquis à Lamoura et Saint-Claude et à leur ravitaillement en cartes d'alimentation. 

Marcel Cochet est arrêté par la police judiciaire de Lyon le 18 juin 1943. Condamné par la section spéciale à 4 ans d'emprisonnement, il est incarcéré à la prison Saint-Paul de Lyon puis à la centrale d'Eysses où il arrive le 9 décembre 1943. Il est déporté à Dachau et Allach le 18 juin 1944 puis rapatrié en France le 25 mai 1945. 

Il reprend ensuite sa carrière de professeur d'EPS au lycée Lalande jusqu'à sa retraite en décembre 1973. Il joue un rôle de premier plan dans le monde du rugby, notamment avec l’équipe du lycée Lalande mais surtout à l'US bressane dont il est le soigneur officiel, fonction qu’il quitte en 1982 à 70 ans. 

Marcel Cochet est décédé le 15 décembre 2001 à Bourg en Bresse. 


Fabrice Bourrée