Ordre de mission du commandant
Légende :
Ordre de mission du 8 juillet 1944 du commandant "Legrand" au capitaine "Alain" dans lequel le chef départemental donne des directives précises à un chef de secteur impétueux
Genre : Image
Type : Note d'état-major
Source : © AERD, archives compagnie Pons Droits réservés
Détails techniques :
Document dactylographié sur une feuille de papier de 21 x 27 cm.
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - L’Escoulin
Analyse média
Le document dactylographié provient de l'état-major des FFI (Forces françaises de l'intérieur) de la Drôme. Il est signé de son chef, Jean-Pierre de Lassus Saint-Geniès (« Legrand »).
C'est un ordre de mission destiné au capitaine Pierre Raynaud (« Alain »). Le thème essentiel est la définition de la mission militaire qui incombe à Alain. D'une part est précisé le secteur géographique qu'Alain doit tenir, d'autre part sont décrites les opérations à effectuer pour protéger le flanc sud du Vercors.
Un paragraphe est consacré à la nécessité de coordonner l'action d'Alain avec celle de Georges Brentrup («Ben»).
Le troisième paragraphe pose la question de la rémunération des résistants de la compagnie de Paul Pons. La dernière partie traite de la préparation de la fête nationale du 14 juillet 1944.
Auteur : Alain Coustaury
Contexte historique
Le document est riche en sujets d'étude et touche divers points de la vie de la Résistance dans le centre et le sud de la Drôme.
Il faut d'abord préciser que Jean-Pierre de Lassus Saint-Geniès («Legrand») a été nommé chef des FFI de la Drôme le 3 juillet 1944, en remplacement de Jean Drouot («L'Hermine»). Il doit rétablir la confiance, reprendre en main et affirmer son autorité sur tous ses chefs d'unité, notamment sur Pierre Raynaud («Alain»).
"Legrand" fixe les limites du secteur que doit tenir le 3e bataillon commandé par Alain. L'emploi des 3 points cardinaux délimite la région qui doit protéger les accès méridionaux du Vercors.
On peut être surpris par l'étendue du secteur qui doit être défendu par un seul bataillon. C'est, en gros, un carré de 45 km de côté, comprenant 3 cols à l'est, deux vallées principales, celles de la Drôme et celle de l'Aygues, avec un relief très mouvementé.
Pour tenir cette contrée, l'effectif des résistants ne doit guère dépasse le millier d'hommes. Connaissant la faiblesse de leur armement, le manque d'entraînement, on mesure les difficultés qui attendent leur chef, "Alain".
Pour tenir les positions et tenter d'arrêter l'ennemi, "Legrand" demande que soient construits des barrages sur les routes. S'ils sont enfoncés, on continuera le combat par le harcèlement afin d'affaiblir progressivement l'ennemi qui butera sur le point de défense renforcé de Pontaix. Pour les cols, le risque de débordement est clairement signifié. Quant à la voie ferrée Livron-Veynes, elle doit être neutralisée par l'enlèvement des rails, sans détruire toutefois les ouvrages d'art.
Il ressort de cette série d'ordres qu'"Alain" dispose d'une certaine liberté d'action. Mais cette liberté peut traduire aussi le fait que "Legrand", conscient de la faiblesse de ses unités, ne peut faire mieux que donner des ordres relativement peu précis et ne fixer que des objectifs généraux. Le but essentiel est de protéger le flanc sud du Vercors. À "Alain" de faire au mieux et au cas où l'affaire tournerait mal, il devrait participer à la défense du massif. "Legrand" envisage d'ailleurs le fait que les Allemands peuvent enfoncer les points de résistance. Dans cette hypothèse, il demande que la guérilla soit pratiquée sur les arrières de l'ennemi.
Nouveau venu, "Legrand" doit aussi coordonner l'action de ses unités. Il ne sait quelle disposition il doit prendre vis à vis de la compagnie commandée par "Ben" (Brentrup). Il attend une réponse de François Huet («Hervieux»), chef militaire du Vercors.
Après une série d'ordres militaires, "Legrand" aborde le sujet de la rémunération des résistants en s'interrogeant sur une pratique particulière à la compagnie Pons. Toujours nouveau dans ses attributions, "Legrand" a appris que Paul Pons accorde une solde à ses hommes. "Legrand" s'élève contre cette mesure et demande que Paul Pons verse l'argent dont il dispose au Trésorier payeur général. Pour Alber Fié, Paul Pons payait de ses propres deniers. On peut remarquer que "Legrand" cite encore le CFLN (Comité français de libération nationale) alors que ce dernier a été remplacé, le 3 juin 1944, par le GPRF (Gouvernement provisoire de la République française).
Dans le dernier paragraphe, "Legrand" évoque l'organisation d'un défilé du 14 juillet à Die. Les demandes sont précises quant à l'horaire et aux participants. Il doit débuter à 9 heures et se dérouler selon un cérémonial rigoureux. On sait, maintenant, que le défilé se déroula dans des circonstances totalement imprévues. Le parachutage diurne par 72 B 17 forteresses volantes entraina la réaction immédiate de la Luftwaffe basée sur l'aérodrome de Valence-Chabeuil. Le défilé, retardé, se fit avec le bruit, au loin, des explosions des bombes allemandes sur Vassieux-en-Vercors. La place importante du dernier paragraphe par rapport aux sujets précédemment évoqués peut paraître surprenante. Cela traduit la pensée de "Legrand" de faire de ce défilé un moment fort de la nouvelle ère marquée par la libération du Diois. La République étant rétablie, on renoue avec ses commémorations symboliques traditionnelles.
Le document affirme la prise de commandement du secteur par Jean-Pierre de Lassus Saint-Geniès. Après avoir précisé les limites du secteur confié à Pierre Raynaud, remis de l'ordre dans la question des soldes distribuées aux résistants, il signifie l'intérêt qu'il porte à la commémoration de la fête nationale. Deux semaines après, l'attaque allemande réduisait, quasiment à néant, les espoirs de la Résistance.
Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Albert Fié, Mémoire d'un vieil homme, archives Pons