Boris Vildé

Légende :

Photographie d'identité extraite de la carte d'étudiant de Boris Vildé (janvier 1939)

Genre : Image

Type : Photographie d'identité

Source : © Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique

Date document : Janvier 1939

Lieu : France - Ile-de-France - Paris

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Contexte historique

Boris Vildé est né le 25 juin 1908 à Petrograd dans une famille russe où se mêlent les origines allemandes et baltes. Son père, employé supérieur des chemins de fer, est atteint d'une aliénation mentale et meurt en 1912 ; à l'âge de quatre ans, le jeune Vildé part s'installer avec sa mère et sa soeur chez sa grand-mère maternelle dans le petit village de Ïastrebino situé à 120 kilomètres au Sud-Ouest de Petrograd. Ils y demeurent jusqu'en 1919, date à laquelle la famille Vildé s'installe dans la ville de Tartu en Estonie. C'est là que Boris Vildé, élève brillant mais volontiers révolté, suit des études secondaires au Gymnase russe de la ville.
En 1926, il obtient son certificat de fin d'études et s'inscrit ensuite à l'université de Tartu en physique-chimie mais par manque de moyen, il ne peut terminer son cursus. Travailleur manuel (scierie et imprimerie) pour gagner sa vie, il milite en faveur du séparatisme balte et fait un bref séjour en prison. Relâché en 1930, il décide de quitter l'URSS ; il a alors 22 ans. Il passe deux années en Allemagne, multipliant les petits boulots (leçons de langue, collaboration à un journal russe et traductions) tout en suivant des cours dans différentes universités. A la sortie d'une conférence à Berlin, il fait la connaissance d'André Gide qui lui propose de l'héberger. Au printemps 1932, il arrive en France et s'installe à Paris dans une chambre de bonne prêtée par l'écrivain.
Il fréquente assidûment le Montparnasse bohême des artistes et reprend des études supérieures, décrochant rapidement une licence d'Allemand, un diplôme de Japonais aux langues O. et un certificat d'ethnologie. C'est en donnant des cours particuliers de Russe qu'il fait la connaissance d'Irène Lot, fille du médiéviste Ferdinand Lot, qu'il épousera en 1934. Il obtient la nationalité française par naturalisation en septembre 1936 et entre au Musée de l'Homme. Après plusieurs missions d'études en Estonie (1937 et 1938) et en Finlande (1938) et son service militaire (1937-1938), il est titularisé au Musée en 1939 et nommé par Paul Rivet à la tête du département des Peuples Polaires.
Lors de la mobilisation de septembre 1939, il est incorporé comme brigadier dans la DCA. Maréchal des logis-chef, il est blessé à la jambe lors des combats et fait prisonnier le 17 juin 1940 dans le Jura. Il parvient à s'échapper et regagne Paris à pied au début du mois de juillet 1940. Installé à demeure au Musée de l'Homme, il plonge immédiatement dans l'action. Secondé par Yvonne Oddon, bibliothécaire du Musée et par Anatole Lewitsky, son collègue ethnologue, il lance les bases, dès l'été 1940, d'une des toutes premières organisations de résistance de la zone occupée. Autour de ce noyau initial créé au Palais de Chaillot, Vildé multiplie très tôt les prospections et entre en relation avec d'autres cellules qui fleurissent un peu partout au même moment à Paris et ailleurs. Son activité principale a été de regrouper et de fédérer des initiatives distinctes. C'est ainsi qu'il entre en contact, dès l'automne 1940, avec le professeur d'histoire Robert Fawtier qui mettra bientôt sur pied un groupe de renseignements, avec les "Français Libres de France" animé par le quatuor Jean Cassou-Claude Aveline-Marcel Abraham-Agnès Humbert qui s'occupent de contre-propagande, avec les filières d'évasions mises en place par Sylvette Leleu à Béthune et Lucie Boutillier du Rétail à Paris, avec le cercle d'avocats parisiens groupé autour d'André Weil-Curiel et de Léon-Maurice Nordmann, avec un groupe alsacien formé par Pierre Walter...
Un "secteur Vildé" se dessine donc, actif dans les domaines variés de la propagande, du renseignement et de l'évasion des prisonniers de guerre. Cherchant vite à spécialiser les groupes, il confie à l'équipe Cassou la mission de fabriquer et de diffuser un véritable journal clandestin. Le numéro 1 de Résistance (Organe du Comité national de Salut Public) paraît le 15 décembre 1940 ; tiré d'abord sur la vieille ronéo du Musée de l'Homme, il figure parmi les tous premiers titres de la presse clandestine en zone occupée.
Au même moment (hiver 1940-1941), des contacts se tissent entre ceux du Musée de l'Homme et d'autres "secteurs" en formation. Vildé entre en relation avec les colonels en retraite Dutheil de la Rochère et Hauet, tous deux septuagénaires, et avec Germaine Tillion, jeune ethnologue du Musée de l'Homme, tout juste rentrée de mission en Algérie, qui ont également structuré des groupes autour d'eux. Des échanges de renseignements ont lieu entre ces différents secteurs, échanges connus des chefs seulement. Mais le projet de Boris Vildé ne se limite pas à la zone occupée. Son ambition est d'emblée de mettre en place un vaste mouvement dont les ramifications s'étendraient à l'ensemble du territoire métropolitain et d'unifier les forces de la Résistance intérieure. C'est dans cette perspective qu'il effectue un long périple en zone sud à la fin de l'hiver 1941. A Toulouse, Marseille, Lyon et Clermont-Ferrand, il s'informe, prospecte, cherche des relais et parvient parfois à recruter (c'est le cas à Toulouse en particulier).
Mais sa précocité et son activisme rendent la "nébuleuse" du Musée de l'Homme particulièrement vulnérable et la répression ne tarde pas à toucher ces organisations pionnières. Les premières arrestations commencent dès le mois de janvier 1941. Elles sont dues à l'action d'Albert Gaveau, dont Vildé a fait un de ses agents de liaison et homme de confiance, mais qui se révèle être, en réalité, un redoutable agent double infiltré par le SD allemand. Lorsqu'il apprend, alors qu'il se trouve encore en zone sud, les interpellations d'Anatole Lewitsky et d'Yvonne Oddon (10 février 1941), son premier réflexe, contre toute prudence, est d'accourir à Paris. Repéré, vendu par Gaveau qui poursuit inexorablement sa besogne, il est arrêté à son tour le 26 mars 1941 et incarcéré d'abord à la prison de la Santé puis à Fresnes à partir de la mi-juin 1941.
Mis au secret dans un premier temps, ses conditions de détention s'améliorent à partir de septembre 1941, date à laquelle il peut recevoir des colis, lire, travailler et écrire. Il commence alors la rédaction d'un journal de prison ; à travers ses méditations métaphysiques, on perçoit nettement le détachement progressif de la vie qui s'opère et l'acceptation de la mort qui l'attend. En janvier 1942 s'ouvre enfin à Fresnes le procès de "l'affaire du Musée de l'Homme" devant un Tribunal Militaire allemand présidé par Ernst Roskothen. Vildé est au premier rang des accusés, désigné comme le chef de l'activité anti-allemande. A ses juges allemands qui lui reprochent d'avoir lutté contre l'occupant alors qu'il n'est même pas français, il rétorque, en citant Goethe, que "tout homme a deux patries, la sienne et la France". Loin de chercher à minimiser son rôle, il endosse au contraire toutes les responsabilités et tente de décharger les autres inculpés. Le 17 février 1942, convaincu "d'intelligence avec l'ennemi", il est, sans surprise, condamné à la peine de mort. Les demandes de grâce, signées des plus hautes autorités scientifiques françaises, resteront sans effet ; il est fusillé au Mont-Valérien le 23 février 42 par une froide fin d'après-midi en compagnie de Lewitsky, Andrieu, Sénéchal, Walter et Nordmann et inhumé au cimetière d'Ivry.
Médaillé de la Résistance à titre posthume et titulaire de la Croix de Guerre, Boris Vildé est une des figures symboles de la résistance pionnière en zone occupée. Une rue de Fontenay-aux-Roses, ville dans laquelle il vivait avec sa femme, porte aujourd'hui son nom.


Julien Blanc, "Boris Vildéin DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.

Sources et bibliographie :
Archives nationales, 72 AJ 51 (dossier "Réseau Hauet-Vildé") et 72 AJ 66 (dossier "Réseau Musée de l'Homme") ; Z6 810 (Cour de Justice de la Seine, procédure contre Albert Gaveau, acte d'accusation des inculpés de "l'affaire du Musée de l'Homme") ; F60 1573, dossier 242 (interventions en faveur de Boris Vildé).
Archives privées de Mme Germaine Tillion, dossier individuel d'homologation de Boris Vildé au "réseau Musée de l'Homme".
Martin Blumenson, Le Réseau du Musée de l'Homme, Paris, Le Seuil, 1979.
Daniel Fabre, "L'ethnologie française à la croisée des engagements (1940-1945)" in Jean-Yves Boursier (dir.), Résistants et Résistance, Paris, l'Harmattan, 1997.
Agnès Humbert, Notre Guerre, Paris, Emile-Paul Frères, 1946.
Yves Lelong, "L'heure très sévère de Boris Vildé" in La Liberté de l'Esprit. Visages de la Résistance, n° 16, Automne 1987, Paris, la Manufacture.
Marianne Mahn-Lot, "Le Réseau du Musée de l'Homme" in Historiens et Géographes ; n° 369, mars 2000.
Germaine Tillion, "Première Résistance en zone occupée (Du côté du réseau "Musée de l'Homme-Hauet-Vildé")" in Revue d'Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 30, avril 1958.
Boris Vildé, Journal et Lettres de prison, Paris, Allia, 1997.