Germaine Tillion chez Sil Ghazali, Aurès, 1934
Légende :
Sil Ghazali est un des hôtes de Germaine Tillion, dans l'Aurès.
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Association Germaine TILLION Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique en noir et blanc
Date document : 1934
Lieu : Algérie
Contexte historique
Germaine Tillion obtient son certificat de l’Institut d’ethnologie en 1932 et s’inscrit en thèse avec Marcel Mauss ; c’est lui aussi qui lui procure son premier travail. L’International Institute for African Languages and Cultures de Londres accorde deux bourses à des étudiantes françaises ; Mauss recommande Tillion pour l’une d’entre elles. Elle part en décembre 1934, en même temps que Thérèse Rivière, pour la région des Aurès, en Algérie, où elle restera jusqu’en février 1937, à étudier la société des Chaouias. Selon Henri Labouret, représentant français de l’Institut international des langues et civilisations africaines de Londres, leur mission consiste à mener « une enquête ample, à la fois sociologique et ethnologique sur l’Aurès et ses habitants dans le but d’apporter une contribution efficace aux méthodes de colonisation ; la connaissance des usages, croyances et techniques des possessions indigènes rendant possible avec ces dernières une collaboration plus féconde et plus humaine, et conduisant à une exploitation plus rationnelle des richesses naturelles…Accessoirement, nous nous proposons de constituer une collection d’objets systématiquement recueillis avec photographies, croquis et films ».
Très vite après leur arrivée dans l’Aurès, au pays des Chaouïa, elles s’établissent chacune de leur côté pour mener des recherches indépendantes, quitte à travailler ensemble en des occasions particulières. Thérèse Rivière, muséographe déjà expérimentée, sillonne le secteur pour collecter et répertorier objets et techniques. Germaine Tillion prend le parti de s’installer chez les Ah-Abderrahmane de Kebach, dans le douar de Tadjemout, « le plus petit, le plus pauvre et le moins accessible de l’Aurès, donc le plus éloigné des représentants de l’ordre », à 14 heures de cheval d’Arris, le centre administratif le plus proche.
Pendant ses missions successives, de 1934 à 1937, puis de 1939 à 1940, elle suit cette tribu Chaouïa semi-nomade dans ses déplacements saisonniers : "Les gens de cette région étaient à la fois éleveurs et cultivateurs, car ni l’élevage ni la culture ne pouvaient les nourrir. Ils étaient donc semi-nomades : l’hiver ils vivaient au Sahara, l’été tout en haut des cimes, et en mi-saison dans les gourbis qui avoisinaient la guelaâ - forteresse où ils stockaient leurs récolte." (Il était une fois l’ethnographie, p.111). Elle suit le pèlerinage qui, chaque été, chemine sur 200 kilomètres jusqu’à la montagne du Djebel Bous et, en compagnie de Thérèse Rivière, assiste aux cérémonies de mariage et de circoncision. Elle s’attache à reconstituer la généalogie de chacune des familles, « sur environ deux siècles en y joignant tous les événements retenus par les mémoires.» (Il était une fois l’ethnographie, p.19). Elle apprend à connaître les habitants et leur territoire, étudie les relations entre les sexes, les lignées, la vie économique et les aspects matériels, le statut de la femme Chaouia et la transmission du patrimoine.
Du printemps 1937 à l’été 1939, entre ses deux longs séjours dans l’Aurès, elle fréquente à nouveau les cours de Marcel Mauss et de Jean Marx, ceux d’Emile Destaing aux Langues Orientales, et découvre ceux de Louis Massignon qui deviendra son deuxième directeur de thèse et un ami proche pour la vie. Elle obtient, en 1939, le diplôme des Hautes-Etudes avec un mémoire sur « La morphologie d’une république berbère : les Ah-Abderrrahman transhumants de l’Aurès méridional ». L’étude exhaustive des institutions de cette tribu et de chacune des familles qui la composent est le sujet de la thèse principale qu’elle projette de présenter en Sorbonne, la thèse complémentaire traitant de l’ensemble des tribus du pays Chaouïa. Mais les 700 pages déjà rédigées de sa thèse et ses documents de travail disparaîtront en 1945 au camp de Ravensbrück. Et c’est seulement en l’an 2000 que paraîtra « Il était une fois l’ethnographie » livre qui retranscrit, à partir de ses souvenirs et des bribes de documents sauvegardés, son expérience d’ethnologue dans les Aurès, enrichie de soixante années de réflexion.
Le 28 mai 1943, alors que Germaine Tillion est détenue à Fresnes, les objets qu’elle-même et Thérèse Rivière avaient rapportés de leurs missions sont présentés au Musée de l’Homme, et le resteront jusqu’en mai 1946, dans une exposition « Les collections de l’Aurès » ouverte à l’initiative de leur collègue Jacques Faublée.
Tzvetan Todorov, "Germaine Tillion, une ethnologue au Panthéon"
Michèle Coquet, "Un destin contrarié. La mission Rivière-Tillion dans l’Aurès (1935-1936)", Les Carnets de Bérose n° 6, Lahic / DPRPS-Direction des patrimoines, 2014.
Le don Guérin-Faublée et la collection Thérèse Rivière sur le site du musée du Quai Branly.
Site de l'association Germaine Tillion