Louis Borel reçoit des dirigeants communistes après guerre

Légende :

Louis Borel avec Charles Pioline (responsable communiste dans le Vaucluse pendant la Seconde Guerre mondiale) et Marcel Cachin (dirigeant national du PCF en 1947), dans les Baronnies, près de sa ferme.

Genre : Image

Type : Photo groupe

Producteur : Inconnu

Source : © Michèle Fournel, archives personnelles Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Beauvoisin

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Analyse média

Le cliché, de fin de printemps 1947 dans la montagne des Baronnies, est assez terne. Il laisse soupçonner les marques de l’hiver sur une végétation qui n’est pas encore repartie. Le groupe pose sensiblement en dessus de la ferme de Suzanne et Louis Borel, au lieu-dit « la ferme de la Retrache », au cours d’une réunion amicale, sans protocole, le chien étant au premier plan.

De gauche à droite : Charles Pioline (dirigeant communiste dans le Vaucluse en 1943-1944), André Cartade, Louis Borel, Jeanne Picherie, Rose Borel, Émile Jarnias, Suzanne Borel (?), Marcel Cachin (avec le chapeau). Marcel Cachin est l’un des fondateurs du PCF, Directeur de l’Humanité (1918-1958).

Le PCF était déjà implanté en Drôme méridionale entre-deux-guerres. Son influence à la suite de la contribution qu’il apporte à la libération du pays, est encore grande en ce début 1947. Buis-les-Baronnies, à cinq kilomètres de Beauvoisin, s’est donné un maire communiste ; Albin Vilhet, dans le Nyonsais proche, est conseiller de la République de ce parti et siège au palais du Luxembourg. C’est dans cette période que Marcel Cachin est en visite dans le département, peu avant le renvoi des ministres communistes du gouvernement (4 mai 1947).

Mais s’agit-il d’affirmer une présence politique dans un pays qui a marqué sa sympathie au PCF lors des années précédentes et dans un moment qui s’annonce difficile pour ce parti, une visite publique étant peut-être organisée simultanément ? Il semble que les motivations des membres du groupe soient à chercher ailleurs, selon Michèle Fournel qui a très bien connu la plupart des participants à cette réunion.

Il s’agit d’un groupe de militants et d’amis qui avaient besoin de se réunir, autour d’une table, après les moments éprouvants de la lutte clandestine contre l’envahisseur, dans les Baronnies. Le plaisir simple et fort de se retrouver pour l’échange et la mémoire.

Sans doute, les 78 ans de Marcel Cachin, son amitié avec Charles Pioline originaire de Paris, expliqueraient qu’il n’est pas en mission politique dans le sud de la Drôme, mais y vient seulement pour prendre un bol d’air, pour être d’une rencontre à laquelle on tient particulièrement, avec des camarades de combat. C’est là probablement la raison commune de cette journée, à quelques pas de la grotte de Beauvoisin où s’est camouflé, 4 ans plus tôt, l’un des premiers « maquis » de la Drôme. Si Michel Canals, envoyé en mission à Buis-les-Baronnies en 1943 après le démantèlement du réseau résistant du pays, l’emprisonnement en Italie de ses principaux membres, dont Louis Borel, n’est pas aux côtés de ses amis, c’est qu’il prend la photo. Notons également qu’il l’a ensuite archivée, que la famille a poursuivi ce sauvetage, qui permet maintenant cette présentation. À l’époque, installé au Buis, il y reconstitue un groupe de résistants sédentaires, dont plusieurs sont présents sur le document. Il y manque toutefois Éva et Léon Desplan, malades et très regrettés par leurs amis.


Auteurs : Michel Seyve

Contexte historique

Nous connaissons l'activité résistante de Louis Borel par Suzanne, son épouse, par des amis résistants qui ont parlé de lui.

« Sa maison, bâtie au pied de La Fournache, écrit Denis Arlaud – un maquisard du camp FTP (Franc-Tireur et partisan) de la Fournache –, a été toujours ouverte et accueillante à tous, résistants et amis. Il fut un très grand résistant. Avec lui, nous avons partagé les mêmes menottes et de durs moments en prison ». Les huit maquisards qui s'installent à la grotte de Beauvoisin, sur la crête dominant la maison de Louis Borel, passent auparavant, clandestinement, quelque temps chez lui ; par la suite, c'est le fermier lui-même qui assure le gros de leur ravitaillement. C'est encore lui qui organise, avec Gaby Reynier, Aimé Buix, Paul Tagnard, Bernard, Philibert, Raoul Espérandieu, Léon Desplan, d'autres également, le camp de la Fournache, sur le Linceuil, montagne immédiatement au nord de la Baume Noire (commune de Beauvoisin).
Pierre Barlet, l'un des premiers du maquis de la grotte de Beauvoisin, semble avoir conservé en mémoire des images, sobres mais sûres, du début 1943. Peu après avoir mis le pied sur le quai de la gare de Buis-les-Baronnies - venant d'Orange par le petit train fonctionnant à l'époque - il communique le mot de passe : il est alors mis en contact avec Aimé Buix (secrétaire de mairie au Buis et appartenant au même groupe de Résistants sédentaires). Celui-ci lui annonce son départ chez un fermier, Louis Borel.
« Nous sommes arrivés chez [lui] à pied, vers minuit. Louis et sa mère mirent le couvert. Une bonne soupe au lard nous fut servie, fromage et pain blanc, plus du vin pour faire glisser le tout. Un banquet. Louis m'a montré ma chambre : la grange à fourrage. De bon matin, avec notre guide, direction la grotte. »
En fait, Louis Borel participe à un comité de résistants à Buis-les-Baronnies, qui s'occupe, entre autres, dès le printemps et l'été 1943, de cacher les premiers jeunes réfractaires au STO (Service du travail obligatoire) et de les installer dans les maquis. Ils « mettent en place un premier noyau », écrit Alain Chaffel.
En revenant « à vélo d'une réunion de responsables du camp de la Fournache, qui se déroulait au Buis » dans la nuit du 8 au 9 août 1943, il surprend « un convoi d'une vingtaine de camions », rapporte Denis Arlaud. Il pressent une offensive contre le camp. C'est en fait une action conjuguée des Italiens et de la Milice.

Louis Borel parvient à sauver le maquis en le prévenant à temps (Denis Arlaud est le seul à avoir été fait prisonnier). Mais il se fait arrêter en tentant d’avertir ses amis du comité de Buis-les-Baronnies.

« Nous nous sommes retrouvés quatre : Borel, MM. Delhomme [hôtelier au Buis] et Saint-Donat. Nous étions tous les quatre dans la même pièce et menottés », précise Denis Arlaud.
Louis Borel et les deux autres Buxois sont « emmenés par les Italiens, internés en France, puis en Italie », se souvient Aimé Buix, qui commente : « la chute de Mussolini permettra leur libération quelques semaines plus tard [après 28 jours de détention ; ils] pourront heureusement rejoindre leur foyer sains et saufs ». Lucien Dufour (capitaine Paris) explique cette libération par le fait que l'Italie « signe un armistice séparé ». Il ajoute : « Nos amis, libérés, reviendront et reprendront leurs activités dans la Résistance. » Ce combat se terminera avec la libération des Baronnies puis de la Drôme, durant l'été 1944.

Louis Borel mène alors de front le travail de paysan et les activités militantes qui étaient les siennes avant la Seconde Guerre mondiale : la période de la Résistance constitue naturellement, dans ce parcours, le moment d'engagement le plus fort, le plus dangereux, le plus tendu vers l'unité nationale, qu'il ait connu.

Les multiples liens de solidarité, d’hospitalité et de voisinage, propres à ces pays de montagne, font aussi partie de sa vie. Ainsi se situe la joie de parler des moments de la Résistance, de leur rôle de communiste à l’époque, peut-être aussi de l’avenir, thèmes probables de la rencontre dont témoigne le cliché.


Auteurs : Michel Seyve
Sources : DVD Rom, La Résistance dans la Drôme – le Vercors, Editions AERI-AERD, 2007. Alain Chaffel, Les communistes de la Drôme, de la Libération au printemps 1981, Editions L’Harmattan, 1999. Michèle Fournel, archives personnelles.