Extrait du registre d'écrou de la prison de Clermont-Ferrand concernant Paul Weil
Légende :
Extrait du registre d'écrou de la maison d'arrêt de Clermont-Ferrand sur lequel figure l'incarcération de Paul Weil.
Pour en faciliter la lecture, nous avons divisé ce document en deux parties (recto-verso).
Genre : Image
Type : Registre d'écrou
Source : © Archives départementales du Puy-de-Dôme, 2315W3 Droits réservés
Détails techniques :
Registre préimprimé et manuscrit
Date document : 16 décembre 1942
Lieu : FrancePuy-de-Dôme - Clermont-Ferrand
Analyse média
L'écrou est le procès-verbal consigné sur registre constatant qu'un individu a été placé en détention dans un établissement pénitentiaire. Les registres se présentent de façon chronologique, dans l’ordre des mises sous écrou. Chaque détenu fait l'objet d'une notice organisée en huit colonnes, s'étendant sur une double page.
Chaque double page contient les notices de plusieurs détenus. Ces registres sont riches d'informations sur le profil et sur le parcours des détenus.
On y trouve :
1 - Le numéro d’ordre (ou numéro d’écrou) ;
2 - les informations d’état civil, les caractéristiques physiques et le signalement anthropométrique du détenu ;
3 - Sa tenue vestimentaire à son arrivée ;
4 - l’acte de remise du détenu au surveillant-chef de la prison ;
5 - La transcription des mandats de dépôt et d'arrêt ;
6 - La transcription des arrêts de jugement ou de condamnation ;
7 - la date de commencement de peine ;
8 - l’époque a laquelle la peine doit se terminer (ou la date selon les registres) ;
9 - Date et heure de sortie ;
9 - La description des vêtements à sa sortie ;
10 - la cause de la sortie.
L'extrait présenté dans cette notice concerne l'incarcération à Clermont-Ferrand de Paul Weil. Voici les renseignements que l'on peut y relever :
1 - 1204
2- Weil Paul
Fils de Jules et de Blanche Guinzburger, né à Versailles le 8 mars 1916, étudiant en médecine, Juif.
3 - 1 complet bleu, 1 paire de souliers, 1 pardessus noir et 7327 francs 60.
4 - Ce jourd'hui 16 décembre 1942, s'est présenté au greffe de la Maison d'arrêt de Clermont-Ferrand, le sieur Robert agent à la résidence de Clermont, porteur d'ordre délivré par M. le juge d'instruction sous la date du 16 décembre 1942, en vertu duquel il m'a fait la remise de la personne du nommé Weil Paul, prévenu de bris de clôtures et détention d'explosifs ainsi que le constate l'acte qui m'a été présenté et dont la transcription se trouve ci-contre.
Le dit Weil Paul ayant été laissé à ma garde, j'ai dressé le présent acte d'écrou que le sieur Robert agent a signé avec moi, après avoir reçu décharge.
5 - Nous juge d'instruction près le tribunal de première instance de Clermontt-Ferrand ordonnons de déposer à la maison d'arrêt de cette ville le nommé Weil Paul prévenu de bris de clôtures et détention d'explosifs. Enjoignons aus erveillant-chef de la garder en dépôt jusqu'à nouvel ordre. Fait à Clermont le 16-12-42.
6 - [vide]
7 - [vide]
8 - [vide]
9- 12 janvier 1943. Transféré à Cusset par la gendarmerie.
10 - Cette colonne contient des mentions complémentaires : "Mis en liberté en vertu d'un ordre de M. le Procureur de la République end ate du 31.12.42. Maintenu en vertu d'un mandat d'amener par M. le juge d'instruction de Cusset notifié le 31.12.42.
Fabrice Bourrée
Contexte historique
Issu d’une famille alsacienne installée à Versailles après la défaite de 1870, Paul Weil est né le 8 mars 1916 à Versailles. Il passe son enfance rue de la Paroisse et suit ses études secondaires au lycée Hoche. Paul Weil est étudiant en médecine lorsqu’éclate la guerre. Fait prisonnier le 19 mai 1940 dans sa formation sanitaire, il s’évade le 2 novembre 1940. Il rejoint alors Clermont-Ferrand où est repliée l’université de Strasbourg, vivier de la résistance estudiantine. Il s’engage dans le réseau Mithridate et en décembre 1941 dans les mouvements Combat puis Franc-Tireur. Arrêté une première fois en avril 1942, il est libéré faute de preuves.
Le 14 décembre 1942, il est arrêté avec un groupe de Franc-Tireur suite à la destruction du siège du PPF à Vichy. Condamné le 23 juillet 1943 à cinq ans de travaux forcés par le tribunal d'état de Lyon pour activité antinationale et détention d'armes et d'explosifs. Incarcéré successivement à Clermont-Ferrand, Cusset puis à la prison Saint-Paul de Lyon, il arrive à Eysses le 3 août 1943.
Pendant tout le temps de son incarcération dans ces différentes prisons, ce jeune médecin en formation transcrit quotidiennement ses sentiments et ses réflexions dans un journal intime destiné à sa fiancée. Embauché à l’infirmerie d’Eysses en octobre 1943, au moment où les détenus politiques obtiennent de tenir les postes généraux, il utilise le temps restant pour rédiger sa thèse et donner des conférences à ses codétenus (sur le cancer, la tuberculose, l’alcoolisme). En tant que responsable du service médical de l’infirmerie, il est soupçonné d’avoir utilisé son poste pour diriger l’organisation clandestine et donc tenu pour personnellement responsable des armes retrouvées enterrées dans la cour de l’infirmerie après la reddition. Il est violemment malmené par les hommes de la brigade spéciale de Limoges. Le 23 février, il est contraint de « défiler » devant les corps de ses camarades qui viennent d'être fusillés par les GMR dans la cour de la buanderie de la centrale d'Eysses.
Transféré à Compiègne le 30 mai 1944, il est déporté à Dachau par le convoi du 2 juillet 1944 surnommé "le train de la Mort". Le 20 septembre 1944, il est transféré au Stutthof. Evacué en Poméranie en février 1945, il parvient à s'évader le 11 mars 1945. Médecin-chef de l'hôpital de Putzig Pologne, il est atteint du typhus. Paul Weil est rapatrié en France le 11 juillet 1945. Il reprend l'externat à Paris et soutient sa thèse de médecine le 21 juin 1946. Inscrit à l'ordre des médecins de Seine-et-Oise le 11 juillet 1946, il devient quelques années plus tard chef du centre de transfusion sanguine de Versailles. De 1961 à 1979, Paul Weil est président de l'Amicale des anciens détenus d'Eysses.
En juillet 2004, pour rendre hommage au destin exceptionnel de ce médecin versaillais, le Conseil municipal a décidé de donner son nom au rond-point, carrefour des rues Champ-Lagarde et Vauban et d'apposer une plaque commémorative sur son immeuble au 87, avenue de Saint- Cloud, où il s'est éteint le 20 décembre 1980.
Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Service historique de la Défense (Vincennes et Caen) ; Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy : l'exemple des centrales d'Eysses et de Rennes, L'Harmattan 2007 ; archives départementales du Rhône ; archives départementales de Lot-et-Garonne ; archives municipales de Versailles.