Procès-verbal d'audition de Paul Weil dans le cadre de la procédure judiciaire suivie contre Joseph Schivo
Légende :
Procès-verbal d'audition de Paul Weil dans le cadre de la procédure judiciaire suivie contre Joseph Schivo, ancien directeur de la maison centrale d'Eysses.
Genre : Image
Type : Document judiciaire
Source : © Archives départementales de Lot-et-Garonne,1738W53 Droits réservés
Détails techniques :
Une feuille recto-verso
Date document : 20 février 1946
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Agen
Analyse média
A la suite de l’évasion de 54 détenus du quartier cellulaire de la centrale d’Eysses en janvier 1944, la direction de l’établissement est confiée à Joseph Schivo, ami personnel de Darnand. Schivo est militaire de carrière jusqu’en 1926, officier dans la Légion étrangère. Huissier de 1926 à 1937, il devient chef départemental de la Milice des Bouches-du-Rhône. N’appartenant pas à l’administration pénitentiaire, il prend son poste comme directeur de la centrale dès le 24 janvier 1944, avant d’être nommé sur contrat à titre temporaire à compter du 1er mars 1944. Lors de la libération de l’établissement le 19 juillet 1944, le directeur Schivo tente de prendre la fuite en passant par Agen où SS et miliciens se rassemblent en vue de se replier sur l’Allemagne. Il est finalement arrêté à Tarascon, après avoir été reconnu et signalé par la famille d’un ancien détenu.
Une procédure judiciaire est mise en place par la cour de justice du Lot-et-Garonne. Les principales accusations portées contre l’ex-directeur concernent la répression de l’insurrection du 19 février 1944 et la remise des détenus aux Allemands le 30 mai 1944. C'est dans ce contexte que Paul Weil est auditionné par Jacques Vergnes, juge d'instruction, le 20 février 1946. Voici la retranscription de la partie lisible de cette audition :
"J'ai été détenu à la maison centrale d'Eysses du 3 août 1943 jusqu'au 30 mai 1944. J'étais affecté comme docteur à l'infirmerie de la prison. Le 19 février 1944, pendant la nuit du 19 au 20 plus exactement, je n'ai pas cessé d'opérer et de soigner les détenus blessés. Le lendemain matin, on a eu la visite du chirurgien Péribère qui a refusé de donner ses oins aux blessés leur disant au départ qu'ils aveient maintenant compris et qu'ils ne recommenceraient pas. Le 22 au matin, la centrale a été investie par de nombreux policiers et 36 d'entre nous ont été désignés pour se rendre au quartier cellulaire. Premier interrogatoire dans l'après-midi de chacun de nous. Dans la nuit, on vient me [partie illisible] (...) après la fusillade des gendarmes sont venus me chercher, m'ont mené à la cour de la buanderie et après m'avoir fait défiler devant les corps des suppliciés encore atatchés m'ont ramener à la bibliothèque. Les coups m'ont été portés par trois miliciens et trois policiers qui venaient de Vichy, dont j'ignore l'identité. Je sais que Schivo est intervenu au moment où un de mes camarades se rendait à un interrogatoire. Il l'a grossièrement insulté. (...) Trois ou quatre jours après, il est venu dans ma cellule avec deux officiers SS. Ils sont venus voir ce que j'avais dans ma cellule et m'ont pris un livre. Le 30 mai, lorsque nous avons été livrés à une formation de ss, Schivo était avec les Allemands et Alexandre se trouvait là avec sa mitraillette. C'est Schivo qui a désigné aux Allemands plusieurs de nos camarades qui ont été très durement matraqués par les SS. Je vous signale que nos dossiers nous ont suivis à Compiègne et ont dû être envoyés par Schivo."
La cour de justice d’Agen, réunie le 13 mars 1946, jugea l’ex-directeur de la maison centrale d’Eysses, le colonel milicien Joseph Schivo, son épouse Elisabeth Schneiderhöhn et son garde du corps, François Alexandre. A l’issue des délibérations, Joseph Schivo et sa femme furent condamnés à mort. L’ex-directeur d’Eysses fut exécuté, le 29 mai 1946, au Polygone d’Agen. Madame Schivo vit sa peine commuée - comme il est de coutume pour les femmes - en travaux forcés à perpétuité, puis à vingt ans.
Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Jean-Pierre Koscielniak, Collaboration et épuration en Lot-et-Garonne 1940-1945, Editions d’Albret, 2003. Jean-Claude Farcy,Guide des archives judiciaires et pénitentiaires 1800-1958, CNRS Editions, 1992. « Le procès » in Unis comme à Eysses. Bulletin d’information et de liaison de l’amicale des anciens détenus patriotes de la centrale d’Eysses, n°4, mars 1946. « Schivo exécuté, à quand le tour du tueur Alexandre ? » in Unis comme à Eysses. Bulletin d’information et de liaison de l’amicale des anciens détenus patriotes de la centrale d’Eysses, n°5, juin 1946. Gustave Blandinières, « Schivo et sa femme, bourreaux des patriotes d’Eysses, sont condamnés à mort ».