Note sur la discipline dans le 3e bataillon de la Drôme
Légende :
Note de service du 11 juillet 1944, émise par le commandant du 3e bataillon de la Drôme aux commandants de compagnies FFI.
Genre : Image
Type : Note de service
Source : © Collection Albert Fié, archives compagnie Pons Droits réservés
Détails techniques :
Texte dactylographié sur feuille de papier de 20 x 16 cm.
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme
Analyse média
La note de l\'état-major fixe des règles de discipline dans les FFI (Forces françaises de l\'intérieur).
Texte soigné, en-tête et signature précisent l\'origine de la note qui définit les FFI et les devoirs des combattants. Elle serait la 301e note de service émise par l\'état-major FFI, révélant ainsi une sérieuse organisation administrative. Le texte dactylographié est la copie d\'une note manuscrite d\'\"Alain\". Le second paragraphe précise une conception de la discipline. Les troisième et quatrième paragraphes indiquent les punitions infligées pour manque de discipline. La peine de mort est envisagée pour sanctionner la désertion, le pillage et l\'espionnage.
Auteurs : Alain Coustaury
Contexte historique
Parfois on reproche à la Résistance de comporter des éléments indisciplinés, un manque d\'organisation conduisant à un laissez-aller aboutissant à des pratiques répréhensibles comme le pillage et, plus grave, à une justice expéditive sanctionnée par la peine de mort.
La note d\'\"Alain\", pseudonyme de Pierre Raynaud, chef de bataillon, se situe un mois après le débarquement de Normandie. La Résistance opère maintenant au grand jour. Les effectifs augmentent rapidement. Quelques éléments louches peuvent entrer dans les unités de résistants. Ils profitent de la situation pour pratiquer des réquisitions qui sont plus proches du pillage que de la nécessité d\'alimenter les groupes de résistants. Il ne faut pas exagérer l\'importance de ces exactions mais elles existent et nuisent au bon renom de la Résistance. Ses chefs ont conscience de ces problèmes. Ils essaient donc d\'instituer une discipline dans leurs unités afin de former une armée digne de ce nom, disciplinée et efficace.
C\'est dans cet esprit que le capitaine \"Alain\" fait parvenir une note à ses chefs de compagnie. On peut penser qu\'il relaie des ordres venus de ses supérieurs.
Il précise que, désormais, le résistant est un combattant dans une Armée ; la majuscule est à noter. S\'il bénéficie du statut de combattant, sous-entendu de celui à qui sont appliquées les lois de la guerre, il doit respecter la discipline de l\'armée. \"Alain\" insiste sur le fait que si elle est nécessaire et stricte, elle est librement consentie. Là se trouve la différence avec une vision plus traditionnelle d\'une discipline brutale, imposée sans discussion. (Il faut se rappeler que le règlement de discipline générale est toujours signé par le président de la République. En 1939 – 1945, une des règles maîtresse dudit règlement stipule : la réclamation n’est permise au subordonné que lorsqu’il a obéi. Ce qui ne laisse aucune place au consentement.) Nous sommes à un moment où chefs militaires, dirigeants politiques, pensent déjà à la future armée française qui doit naître après la guerre. Cette révolution intellectuelle est bien dans l\'esprit de la Résistance. Elle correspond aussi à la conception qu\'\"Alain\" se fait de la discipline, conception qui n\'est pas acceptée, sous la même forme, par tous les chefs militaires de la région. Cette divergence est une des explications des relations tendues entre \"Alain\" et Jean Drouot « L\'Hermine ».
Il faut, pour l\'instant, parer au plus pressé et discipliner les groupes de résistants formés dans la clandestinité et, parfois, jaloux de leur indépendance. Des punitions sont prévues pour sanctionner des écarts de discipline. Les commandants de compagnie pourront infliger des jours de travail dans des compagnies disciplinaires. En juillet 1944, une de celles-ci existe dans le Vercors.
Éventuellement, pour des fautes graves, désertion, pillage ou espionnage, le Conseil de guerre, instrument judiciaire de l\'armée, peut condamner à mort.
La Résistance dispose donc d\'un arsenal de mesures pour faire respecter la discipline dans les rangs de ses combattants, en dehors de celle imposée par les chefs de groupe. On doit savoir que, très souvent, les résistants suivent et servent l\'homme auprès de qui ils se sont engagés. Ils admettent difficilement des ordres venus d\'ailleurs. C\'est vrai pour la compagnie Pons. Il reste à savoir si cet arsenal de mesures a pu être réellement appliqué. Dans la Drôme, plusieurs hommes faisant partie d\'unités de la Résistance ont été exécutés pour pillage. Des sanctions ont été infligées pour des cas mineurs d\'indiscipline. Il est des exemples de sanctions qui ont déclenché, postérieurement, des polémiques. L\'affaire du sous-lieutenant Marion est représentative de ces difficultés du commandement pour faire face aux circonstances. Dans la journée du 26 juillet 1944, alors que le Vercors succombe sous l\'attaque allemande, que l\'ordre de dispersion y a été donné le 23, le sous-lieutenant Marion est chargé par le lieutenant Breton, de la compagnie Pons, de tenir le col de Marignac. Ce col permet le passage de Die à la vallée de Quint. Les Allemands, ayant été bloqués au pont et au tunnel du passage des Tourettes, essaient de contourner l\'obstacle en empruntant le col de Marignac. Militairement ce col ne pouvait être tenu que par, au moins, deux ou trois cents hommes. Marion ne dispose que d\'une vingtaine de résistants. Pour se protéger de la pluie, Marion abrite ses hommes dans la ferme Bertrand. C\'est là qu\'il est surpris dans la nuit du 26 juillet par les Allemands. Il se replie sur le PC, à l\'Escoulin, de \"Legrand \" (de Lassus Saint-Geniès), chef départemental des FFI. Le désarroi semble régner dans le PC où n\'arrivent que de mauvaises nouvelles. Le sous-lieutenant Marion, victime de cette ambiance, subit les remontrances de son chef. Il est condamné à une dégradation et à tenir avec quelques hommes un piton isolé, armé d\'une mitrailleuse. Sa condamnation à mort, pour refus de combat, est même envisagée. Or, Marion, comme tout chef de groupe, était maître de sa décision et semble avoir bien réagi en se repliant devant un ennemi largement supérieur et sur une position difficilement défendable. La justice militaire s\'applique donc, malheureusement, parfois avec maladresse.
L\'auteur de la note subit lui-même, quelque temps après, une aventure similaire. Il va devoir se justifier de son attitude et de son action, en particulier lors de l\'attaque allemande du 21 juillet. La crise entre \"Alain \"et \"Legrand\" atteint un tel niveau que, le 7 août, Alain est mis aux arrêts. C\'est le point culminant de l\'affaire \"Alain\".
La question de la discipline au sein de la Résistance est délicate et a entraîné, postérieurement, de nombreuses polémiques. Elles ne sont pas spécifiques à la Résistance. Elles jalonnent toute l\'histoire militaire.
Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Albert Fié, Mémoires d\\\'un vieil homme, manuscrit.