Attestation délivrée par Alphonse Kienzler en faveur de Paul Weil
Genre : Image
Type : Attestation
Source : © Service historique de la Défense, DAVCC (Caen) Droits réservés
Détails techniques :
Lettre dactylographiée sur papier à en-tête au nom de docteur Kienzler
Date document : 26 février 1953
Lieu : France - Grand Est (Alsace) - Haut-Rhin - Mulhouse
Analyse média
Né le 1er avril 1923 à Mulhouse, étudiant à la Faculté de médecine de l'Université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand, Alphonse Kienzler est arrêté pour ses activités résistantes le 5 septembre 1942 à Montluçon (Allier). Incarcéré à la maison d'arrêt de Clermont-Ferrand, il y fait la connaissance de Paul Weil qui y est également détenu. A partir de ce moment, de prisons en camps de concentration, leurs parcours se suivirent : prison Saint-Paul de Lyon, maison centrale d'Eysses, Compiègne, Dachau, Stutthof.
Par cette attestation, Alphonse Kienzler certifie que Paul Weil a été déporté avec lui :
- du 2 juillet au 16 septembre 1944 au camp de Dachau
- du 16 septembre 1944 à fin janvier 1945 au camp de Stutthof (Prusse orientale)
et qu'ils ont libéré par les Russes le 12 mars 1945 à Putzig.
Fabrice Bourrée
Contexte historique
Issu d’une famille alsacienne installée à Versailles après la défaite de 1870, Paul Weil est né le 8 mars 1916 à Versailles. Il passe son enfance rue de la Paroisse et suit ses études secondaires au lycée Hoche. Paul Weil est étudiant en médecine lorsqu’éclate la guerre. Fait prisonnier le 19 mai 1940 dans sa formation sanitaire, il s’évade le 2 novembre 1940. Il rejoint alors Clermont-Ferrand où est repliée l’université de Strasbourg, vivier de la résistance estudiantine. Il s’engage dans le réseau Mithridate et en décembre 1941 dans les mouvements Combat puis Franc-Tireur. Arrêté une première fois en avril 1942, il est libéré faute de preuves.
Le 14 décembre 1942, il est arrêté avec un groupe de Franc-Tireur suite à la destruction du siège du PPF à Vichy. Condamné le 23 juillet 1943 à cinq ans de travaux forcés par le tribunal d'état de Lyon pour activité antinationale et détention d'armes et d'explosifs. Incarcéré successivement à Clermont-Ferrand, Cusset puis à la prison Saint-Paul de Lyon, il arrive à Eysses le 3 août 1943.
Pendant tout le temps de son incarcération dans ces différentes prisons, ce jeune médecin en formation transcrit quotidiennement ses sentiments et ses réflexions dans un journal intime destiné à sa fiancée. Embauché à l’infirmerie d’Eysses en octobre 1943, au moment où les détenus politiques obtiennent de tenir les postes généraux, il utilise le temps restant pour rédiger sa thèse et donner des conférences à ses codétenus (sur le cancer, la tuberculose, l’alcoolisme). En tant que responsable du service médical de l’infirmerie, il est soupçonné d’avoir utilisé son poste pour diriger l’organisation clandestine et donc tenu pour personnellement responsable des armes retrouvées enterrées dans la cour de l’infirmerie après la reddition. Il est violemment malmené par les hommes de la brigade spéciale de Limoges. Le 23 février, il est contraint de « défiler » devant les corps de ses camarades qui viennent d'être fusillés par les GMR dans la cour de la buanderie de la centrale d'Eysses.
Transféré à Compiègne le 30 mai 1944, il est déporté à Dachau par le convoi du 2 juillet 1944 surnommé "le train de la Mort". Le 20 septembre 1944, il est transféré au camp de Stutthof. Evacué en Poméranie en février 1945, il parvient à s'évader le 11 mars 1945. Médecin-chef de l'hôpital de Putzig Pologne, il est atteint du typhus. Paul Weil est rapatrié en France le 11 juillet 1945. Il reprend l'externat à Paris et soutient sa thèse de médecine le 21 juin 1946. Inscrit à l'ordre des médecins de Seine-et-Oise le 11 juillet 1946, il devient quelques années plus tard chef du centre de transfusion sanguine de Versailles. De 1961 à 1979, Paul Weil est président de l'Amicale des anciens détenus d'Eysses.
En juillet 2004, pour rendre hommage au destin exceptionnel de ce médecin versaillais, le Conseil municipal a décidé de donner son nom au rond-point, carrefour des rues Champ-Lagarde et Vauban et d'apposer une plaque commémorative sur son immeuble au 87, avenue de Saint- Cloud, où il s'est éteint le 20 décembre 1980.
Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Service historique de la Défense (Vincennes et Caen) ; Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy : l'exemple des centrales d'Eysses et de Rennes, L'Harmattan 2007 ; archives départementales du Rhône ; archives départementales de Lot-et-Garonne ; archives municipales de Versailles.