Hôpital de Buis-les-Baronnies dans l’entre-deux guerres
Légende :
L’hôpital de la Résistance (juillet-septembre 1944) s’est installé dans les locaux de l’Hôpital-Hospice communal de l’époque.
Genre : Image
Type : Photographie
Producteur : Henri Veux
Source : © Archives communales de Buis les Baronnies, AD26 Droits réservés
Détails techniques :
Photographie argentique en noir et blanc.
Date document : début XXe siècle
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Buis-les-Baronnies
Analyse média
L’entrée de l’hôpital présentée sur le cliché, avec un portail en fer forgé, soigné et important, signe un ouvrage élaboré dans les premières décennies du siècle passé.
Sur la gauche du portail, la charrette à bras, laissée entreposée à l’extérieur de l’établissement, ainsi que la tenue vestimentaire des pensionnaires ou visiteurs en promenade, font penser à une photographie prise dans l’entre-deux-guerres.
Par contre sur la droite, le clocher renvoie à une antériorité relevant d’un passé un peu plus ancien, voire très ancien. En effet, le problème de l’hospice avec collaboration religieuse se pose à Buis-les-Baronnies depuis le Moyen Âge.
Dès le XVIe siècle, un document des archives communales fait référence à un premier hôpital, à l’intérieur des remparts, probablement dans la Grand‘rue, équipé d’une douzaine de lits et sous responsabilité municipale, la gestion étant assurée par des religieuses. En 1789, l’hôpital-hospice, propriété municipale, est transféré en un deuxième lieu, l’ancien Couvent des Ursulines.
Au début du XXe siècle, de nouveaux besoins et l’entrée en guerre en 1914, exigent la construction d’un troisième établissement qui devient Hôpital Militaire Auxiliaire durant le conflit. C’est vraisemblablement au cours de ce chantier que l’important portail observé a été mis en place, et qu’ont été érigés l’église et son clocher, ainsi que les bâtiments hospitaliers voisins. Les premiers blessés sont soignés à la fin du mois d'août 1914. À partir de 1918, l’hôpital civil reprend sa vocation un temps interrompue.
C’est dans cet établissement que le docteur Arnaud Achiary (Armand) crée l’hôpital de la Résistance en début d’été 1944, il faut remarquer tout d’abord que des circonstances locales singulières – la rencontre de deux personnalités marquantes de la Résistance – favorisent cette installation. Le docteur Achiary, clandestin depuis la fin mai 1944, s’étant mis à la disposition du commandement FTP (Franc-Tireur et partisan) de Buis-les-Baronnies, le capitaine "Paris" (Lucien Dufour), celui-ci lui propose de se charger de la création d’un hôpital sous la responsabilité de la Résistance : le docteur lance immédiatement le projet. L’institution, une fois mise en place, fonctionne jusqu’à la fin de l’été, en liaison avec le déplacement de la ligne de front.
Auteurs : Seyve Claude
Sources : Hôpital Local Buis-les-Baronnies, « 1395-2005… L’Hôpital du Buis d’hier à aujourd’hui », Archives de l’Hôpital ; Dvd-rom La Résistance dans la Drôme le Vercors, édition AERI-AERD, 2007 ; États de services dans la Résistance et Historique succinct de l’Hôpital militaire de la Résistance de Buis-les-Baronnies du Médecin-Colonel (Air) Arnaud Achiary (26/11/99).
Contexte historique
L’Hôpital de la Résistance est un moment aussi bref (environ 3 mois) qu’exceptionnel de l’histoire de l’Hôpital-Hospice de Buis-les-Baronnies.
Son existence et l’ampleur de son rôle se comprennent d’autant mieux que l’on tient compte de deux faits marquants de la Seconde Guerre mondiale, aux incidences locales décisives.
Le débarquement de Normandie le 6 juin 1944 d’abord : il soulève un grand espoir, renforce numériquement la Résistance en général, et locale en particulier, multiplie ses actions militaires, entraînant même une prise de contrôle de plusieurs villes par les maquis. Buis-les-Baronnies est libérée le 7 juin et le demeure définitivement. Cette activité accrue comporte des exigences sanitaires.
Puis, c’est le débarquement des Alliés en Provence le 15 août : interviennent alors, le début de la libération du Sud-est, et bientôt la bataille dite de Montélimar.
Le choix, vraisemblablement à la fin mai, de situer l’Hôpital de la Résistance au Buis, trouve-là une importante justification, que les événements ont validée sur-le-champ.
Le docteur Arnaud Achiary écrit ainsi au sujet de cette création : « Dans le courant de mai 1944, inquiet dans ma situation de clandestin évoluant dans une région où j’étais connu de tous, compte tenu de l’avis de la brigade de gendarmerie de Sainte-Cécile-les-Vignes qui me protégeait, je décide de m’éloigner et de me mettre à la disposition des FTP du Buis. L’ami "Paris" (Lucien Dufour) me confie la mission de créer l’Hôpital de la Résistance ».
Avant que soit créé l’hôpital, le docteur Claude Bernard soigne les résistants, cache des réfractaires au STO (Service du travail obligatoire). Achiary, avec le soutien de cet officier FFI (Forces françaises de l'intérieur) et de ses services, concrétise rapidement ce projet dans les locaux de l’Hôpital-Hospice communal, qui, avec l’accord de la mère supérieure et de la municipalité, est entièrement réquisitionné.
Une salle d’opérations sera installée avec les matériels, stérilisation comprise, de l’Hôpital de Nyons. Achiary précise dans son compte rendu : « Cette réquisition n’a pas été réalisée sans mal, devant l’opposition des résistants locaux. Pourtant mon ordre de mission était signé par le Capitaine Auron ( ?), Délégué Militaire Départemental. Il fallut l’intervention du sous-préfet Majoureau. (nous nous étions bien connu dans notre adolescence en Pays Basque ! ) pour que la situation se débloque. »
Dans cet hôpital, sœur Léonce après avoir suivi le docteur Achiary, sera présente en tant qu’infirmière « remarquable », « pour servir ce beau matériel », selon les termes mêmes du médecin dans son historique. Les pensionnaires de l’hôpital seront transférés par les soins du docteur Achiary à la Station Thermale de Propiac, à quelques kilomètres du Buis. Sœur Thérèse d’Avila, « remarquable elle aussi à tous égards ainsi que la cuisinière, sœur Calixte », resteront à ses côtés. Des infirmiers militaires se joignent à leur groupe tels que Fernande Bouet, Jean-François de Perreti et Poirson, ainsi que des infirmières civiles comme Camille Mahistre de Nyons et Yvette Touche – il ajoute les concernant : « depuis longtemps et partout au service des résistants ». Il n’oublie pas de citer Max Rocarpin pour la pharmacie.
Il recevra le renfort de confrères dans la clandestinité comme André Lévy ("Charles"), Marcel Zalher, Causse (ORL) venu spontanément de Nyons, le docteur Streusand, chirurgien à Montélimar, qui sera d’une aide précieuse – il demande à Maurice, « le conducteur de l’hôpital, de le faire prendre chaque fois que le besoin s’en faisait sentir –».
L’intendance et la gestion de l’hôpital, la garde de son registre – doublement confidentiel – seront tenus par Odette, épouse du docteur Achiary, et par François Trottolli dit Tiran.
À l’ouverture de l’hôpital, le docteur opère seul, grâce à l’aide de sœur Thérèse d’Avila, bien qu’il ne soit pas chirurgien. Le relais sera pris ensuite par les docteurs Streusand et Causse.
Courant juillet, une nouvelle unité est créée sous la direction d’Yvette Touche : c’est l’annexe du domaine Rieuchaud. Cette annexe est à la fois hôpital médical, infirmerie de garnison et maison de convalescence. Elle accueille les internés politiques de la Citadelle de Sisteron dont la santé était précaire. Elle recevra une centaine de malades, de convalescents ou d’anciens internés, sans compter les consultants externes de la garnison ou des compagnies environnantes.
L’hôpital principal, quant à lui, affirme une vocation essentiellement chirurgicale, étant le seul établissement de santé de la Résistance dans la Drôme dans ce cas. On peut résumer son activité en quelques chiffres mentionnés dans l’historique du docteur Achiary : du 10 juillet au 3 septembre 1944, 115 malades sont traités, 920 journées d’hospitalisation sont enregistrées.
Parmi les malades soignés à l’hôpital, précise le texte, outre les ressortissants du 1e régiment FTP (Franc-Tireur et partisan) Drôme, sont accueillis les membres des maquis AS (Armée secrète) du Vaucluse notamment, ainsi que ceux du maquis Vasio replié dans les parages.
Le personnel de l’hôpital intervient également à l’extérieur de Buis-les-Baronnies : le 12 août 1944, par exemple, Yvette Touche se rend dans une ferme aux environs de la base aérienne d’Orange-Caritat pour prodiguer des soins à Garcia qu’elle ramène à l’hôpital du Buis. Un autre exemple : le 22 août 1944, le docteur Achiary, avec Rocarpin, "Max", le préparateur en pharmacie de l’hôpital, installent, à Suze-la-Rousse, aux environs de la nationale 7, un poste de secours utile en cas d’attaque de cet important axe stratégique. Ils se rendent chez madame la marquise de Bryas qui leur remet un stock de médicaments et du matériel. Le docteur et Max, n’ayant d’autres moyens de locomotion, rentrent à pied à l’hôpital, avec « quatre panières » de précieux produits pour les soins. Le docteur Achiary évoque leur retour, « évitant les routes, par collines et vallons, couchant quelques heures dans une grange, jusqu’à l’Auberge de Jeunesse de Mollans. » C’est là que l’ambulancier Maurice les récupère et les ramène à l’hôpital.
Auteurs : Seyve Claude
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme - le Vercors, édition AERI-AERD, 2007 ; États de services dans la Résistance et Historique succinct de l’Hôpital militaire de la Résistance de Buis-les-Baronnies, Médecin-Colonel (Air) Arnaud Achiary (26/11/1999).