Charles Monier en octobre 1940, à 25 ans
Légende :
Charles Monier envoyé en mission à Valence par le PCF en 1943.
Genre : Image
Type : Portrait
Producteur : Inconnu
Source : © AERD, Mireille Monier Lovie, archives personnelles Droits réservés
Détails techniques :
Photographie type carte d’identité en noir et blanc.
Date document : octobre 1940
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Valence-sur-Rhône
Analyse média
Il s’agit sans doute d’une photo d’identité utilisée pour compléter un document officiel.
Elle n’est pas compromettante à l’époque, puisque neutre par rapport à l’engagement clandestin de Charles Monier, son propriétaire. Elle a donc pu être conservée sans risque tout en respectant les règles de la clandestinité durant les années 1943-1944. Par la suite, l’archivage et le prêt de la famille ont permis qu’elle prenne place dans le Dvd-rom La Résistance dans la Drôme - Vercors (édition AERI-AERD, 2007) et dans ce Musée virtuel.
Auteurs : Michel Seyve
Contexte historique
Charles Monier est né le 5 décembre 1915 au quartier de La Croisière (Bollène, Vaucluse). Élève-maître à l'Ecole normale d'instituteurs d'Avignon, il s'engage dans la lutte contre la guerre et le fascisme.
En 1934, il est nommé à Romainville, puis à Clamart, où il adhère aux Jeunesses communistes, en novembre. En 1936, il fait son service militaire (deux ans). Au cours d'un séjour à Bollène en 1937 - alors qu'il est encore soldat -, il adhère au Parti communiste. Nommé instituteur dans son bourg, il y organise les jeunes, avec René Seston (Jeunesses communistes et comité des loisirs). Il est mobilisé en mars 1939 ; en juillet, il est emprisonné à la caserne d'Avignon (45 jours dont 15 de cellule) « pour être venu en aide [au cours d'une permission] avec ses camarades, aux Républicains espagnols » réfugiés à La Croisière.
Le 26 juillet 1940, le commissaire du gouvernement près le tribunal, informe le préfet du Vaucluse que Charles Monier, « poursuivi pour activité communiste », bénéficie d'un non-lieu mais « qu'il importe de ne pas confier l'éducation (de la jeunesse) à des maîtres qui en paraissent indignes ».
Sa démobilisation intervient deux jours plus tard. Il participe, en septembre, à l'un des trois groupes de jeunes résistants de Bollène, tire des tracts, va en chercher à Avignon, en diffuse.
Simultanément, l'Éducation nationale le « suspend de ses fonctions pour un an, sans traitement ». Il travaille à l'usine Valuy et chez des paysans de Bollène. À la rentrée scolaire 1941, il est déplacé dans les Basses-Alpes (aujourd’hui Alpes-de-Haute-Provence), à l'école de Valsaintes (17 habitants, 4 élèves) où il est mis en résidence surveillée. Il y demeure, avec son épouse et sa fille de 2 mois, pratiquement deux années scolaires.
Pendant les vacances de juillet 1943, il choisit, avec son épouse Andrée, la clandestinité et part pour Valence : le parti communiste lui confie, en octobre, « la tâche de reconstituer les groupes clandestins » dans l'agglomération valentinoise. Charles Monier habite un petit meublé avec sa famille : Andrée Blachère, son épouse, et Mireille, leur fille âgée alors de 2 ans. Il entame une période de clandestinité urbaine, tout en gardant son nom. Pour les propriétaires, monsieur et madame Kergal, il est marchand de vins... En fait, déclaré en congé de maladie, il touche son traitement.
Mettre sur pied une organisation clandestine s’insère dans une stratégie nationale ce qui signifie entre autres, concrètement, créer des « triangles ». Ce sont des groupes de trois hommes, et parfois de femmes ou mixtes, volontaires pour un combat politique clandestin. Ils ne se connaissent que sous leur nom de Résistance. Lorsqu’il s’agit de triangles de « base », le militant est en prise avec la population elle-même, assure le lien avec elle, se renseigne auprès d’elle, tout en l’informant et en s’efforçant de l’organiser dans le sens de la lutte revendicative et contre l’occupant ou ses collaborateurs. Quand il s’agit de triangles d’un autre niveau ou de sommet, chacun des membres de celui-ci est désigné pour des fonctions bien précises comprenant par exemple la liaison avec l’un des volontaires d’un autre triangle. Cela suppose une marginalisation relative : c’est donc le fait d’une minorité qui se nourrit souvent – comme nous le percevons avec Charles Monier – de ses engagements récents en particulier pour la justice sociale réclamée par le front populaire ou pour la solidarité internationale exigée par la guerre d’Espagne.
En début d'automne 1943, Charles Monier est responsable politique du triangle de direction ; il remplace ainsi le militant désigné à cette fonction avant lui, mais qui s'est fait repérer par la police, et a dû « se mettre au vert ». Des triangles sont organisés, très cloisonnés, dans les quartiers de Valence, de Bourg-lès-Valence, dans des entreprises comme la Cartoucherie, la MGM (Manufacture générale de munitions), la gare.
Au début de 1944, il accède au triangle interdépartemental Drôme-Ardèche, mission « plus importante et plus dangereuse ». Il doit organiser des groupes clandestins communistes dans les deux départements, les coordonner, répartir les tracts à Valence, Bourg-lès-Valence, Portes-lès-Valence, Die, Nyons, Donzère, ainsi que Aubenas, Privas, Saint-Pierreville, Le Cheylard pour l'Ardèche. Chargé de la propagande dans le triangle dirigé par Jean Labro, il s'occupe d'édition : le politique (Labro) écrit les tracts et journaux (L'Humanité, La Voix Populaire de la Drôme). Charles Monier cache les textes dans les partitions de monsieur Kergal (qui est musicien) puis les transmet au technique, Denis Bizot, instituteur révoqué, de Marseille. Il ignore le lieu de l'imprimerie clandestine qui les reproduit. Les documents imprimés lui reviennent "par une voie bien établie". Il lui reste à les diffuser dans les localités prévues de la Drôme : sac tyrolien, pantalon de golf de « l'innocent sportif », vélo, ainsi sont évités les contrôles des gares et des autobus. Pour l'Ardèche, il emprunte le petit train du Vivarais et le car, en prenant soin de déposer le sac de tracts dans le filet, loin de la place qu'il occupe. Le pont de Valence est dangereux : assez souvent, « il tombe sur un barrage allemand ». Quelles peurs, chaque fois. Au cours de ses sorties, il ne doit avoir aucun contact avec les FTP (Francs-Tireurs et partisans).
Les Monier illustrent bien ce type de Résistance familiale fréquente dans le département. Par ailleurs, nous remarquons que plusieurs documents de ce musée virtuel (Canals, Chaiffre, Borel, Tressos...) font penser à un soutien cohérent (restructuration de l’organisation, position politique à côté des autres formations résistantes) du Parti communiste du Vaucluse ou de la région marseillaise à l’égard de l’espace drômois.
Avec la Libération et la fin de la guerre, Charles Monier obtient un poste d'instituteur dans la Drôme et accède à des responsabilités à la Fédération du PCF de ce département, tandis qu'Andrée Blachère, devenue Andrée Monier, est élue conseillère générale de Valence.
Retraité à Bollène, il demeure douze ans adjoint au maire de la ville (1977-1989). Il écrit ses mémoires, témoigne pour la Résistance, par la parole et l'écrit, en dirigeant notamment, en 2002 une édition : Les chemins de la Résistance à Bollène et dans le canton, 1939-1944. Il décède en 2010
Auteurs : Michel Seyve
Sources : Mémoires, Charles Monier, archives personnelles, Mireille Monier Lovie ; DVD-Rom La Résistance dans la Drôme – le Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.
Sources : © Collection Charles Monier, droits réservés.
Carte FFI de Charles Monier en juin 1944Sources : © Collection Charles Monier, droits réservés.
Cérémonie au monument aux morts de Valence après lAu premier plan, tenant la gerbe, Antoine Plan, secrétaire fédéral du PCF, en retrait, Peyrichou, ancien déporté, en veste foncée et pantalon clair, Charles Monier.
Sources : © Collection Charles Monier, droits réservés.