Compte rendu d'embuscade à Livron le 20 août 1944
Légende :
Le lieutenant Pierre Didelet rend compte à son chef d'une embuscade tendue près d'un gué.
Genre : Image
Type : Note
Source : © Collection Albert Fié, archives Pons Droits réservés
Détails techniques :
Manuscrit à l'encre sur feuille de papier 21 x 27 cm.
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Livron-sur-Drôme
Analyse média
Le document est le compte rendu d'une embuscade tendue au niveau du gué de la route nationale 7 traversant la rivière Drôme, en aval du pont de Livron qui a été coupé par un sabotage dans la nuit du 15 au 16 août.
La première tentative d'attaque échoue devant la puissance de feu ennemie. Une seconde attaque est menée et aboutit à la mort de plusieurs Allemands et à la destruction de véhicules. Par représailles, deux fermes sont incendiées.
Retranscription :
Le S/ lieutenant Pierre Didelet au capitaine Pons Cdt la 1ère Cie du 3ème Bon
Le 20 Août 1944 à 16 h 00, je reçois l'ordre d'aller attaquer des véhicules Allemands au passage du gué au pont de Livron avec 25 hommes.
A 20 h 00 après avoir placé ma section dans un bois, je pars en reconnaissance en direction du gué, arrivé environ à 1kl 00 du pont, j'ai été pris sous un feu violent d'armes automatiques ennemies placées au Nord du gué. Je n'ai pas insisté et je me suis replié en rampant pour rejoindre ma section.
- Le 21 Août 1944, je pars avant la pointe du jour avec 12 hommes (une mitrailleuse et 2 FM).
- Après 5 heures de marche je réussis à prendre les véhicules par l'arrière
- A 10 heures à 100 mètres de la route N° 7, j'attaque une voiture automobile de reconnaissance légère contenant 5 officiers et le chauffeur ainsi que 2 voitures (genre car)
- Pertes officielles, 5 officiers et le chauffeur ainsi que la perte du véhicule
- Pertes officieuses 2 voitures brulées
- je me suis replié après avoir rempli ma mission avec tous mes hommes et sous le feu violent des armes automatiques ennemies
- 2 fermes ont été incendiées par représailles
- Le S/lt
signé Didelet
Auteur : Alain Coustaury
Sources : Mémoires d'un vieil homme, Albert Fié, Archives Pons
Contexte historique
Le document narre une action classique de guérilla. Tous les critères de cette forme de combat sont réunis dans cette description. L'opération est conduite par une petite unité, une section comprenant 25 hommes, voire pour l'attaque 12 hommes. Elle est commandée par un sous-lieutenant. L'action débute la nuit ou au petit matin. L'armement est celui que l'on rencontre fréquemment dans la Résistance. Il est léger. Trois armes de groupe sont utilisées : une mitrailleuse, sûrement une Browning M 30 de 7,62 mm et 2 fusils-mitrailleurs soit des Bren soit des fusils-mitrailleurs (FM) modèle 29. Toutes ces armes constituent un armement peu puissant face à celui des Allemands qui protègent le gué. Cette faiblesse est récurrente dans la Résistance et limite les possibilités de son action. Pour attaquer, il faut donc se rapprocher de l'ennemi et jouer sur la surprise et la rapidité.
L'action se passe aux environs du pont de Livron sur la Drôme, pont qui a été saboté par le commando Henri Faure. Les troupes allemandes ne peuvent donc franchir cette rivière, au régime méditerranéen, que par des gués. Ces derniers sont un lieu favorable d'attaque. Mais ils sont protégés par une puissante artillerie, notamment anti-aérienne. On peut penser que les résistants ont subi le feu de pièces quadruples de 20 mm extrêmement meurtrières.
Le déroulement est classique. Après une longue marche d'approche commencée à l'aube, l'unité utilisant les frondaisons des rives de la Drôme arrive à portée utile pour attaquer. À une centaine de mètres, distance très courte et donc dangereuse, elle ouvre le feu et atteint hommes et véhicules. Un repli immédiat et rapide permet d'éviter des pertes. L'incendie de 2 fermes sont les représailles classiques après un accrochage.
Cet épisode de guérilla se déroule dans le cadre d'une bataille qui va durer une dizaine de jours et qui va voir l'affrontement de deux armées : l'US Army et la Wehrmacht. Un combat classique entre unités constituées disposant d'un armement puissant se déroule entre Montélimar et le pont de la RN 7 enjambant la Drôme à Livron. Des milliers d'hommes sont tués ou blessés. L'armée allemande en retraite ne peut éviter de grosses pertes en hommes et surtout en matériel. Mais elle arrivera à se dégager du « chaudron » dénommé depuis « la bataille de Montélimar ». La Résistance, connaissant bien le terrain, a surtout joué dans cette bataille un rôle d'éclaireur au profit de l'US Army. Elle y a aussi conduit des embuscades semblables à celle du document, notamment à Fiancey le 22 août 1944.
Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme - le Vercors, édition AERI-AERD, 2007.