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Charles Dufour, dit "Charlot", maquisard du camp C3

Légende :

Le maquisard doyen du camp C3, Charles Dufour, dit "Charlot", l'un des cinq membres de l'équipe dite « des Pontois » posant avec le chien-mascotte du camp, fin de l'été 1943

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Collection Marc Serratrice Droits réservés

Détails techniques :

Photographies analogiques en noir et blanc (recto-verso).

Date document : Fin été 1943

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Isère - Pont-en-Royans

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Contexte historique

Charles Dufour est né le 13 décembre 1904 à Paris (VIe arr.). Fils aîné d’un ouvrier brocheur et d'une mère ouvrière dans le textile. Frère aîné d'André Dufour et de Marcel Dufour, Charles Dufour fréquenta l’école primaire jusqu’au Certificat d’études qu’il obtint en 1915 et travailla comme garçon de courses dans une banque. En 1917, sa famille se replie à Lyon. Le père meurt par noyade la même année. À Lyon, Charles Dufour travailla pendant quelques mois à l’usine Berliet, puis entra en apprentissage à Pont-en-Royans (Isère), d’où sa mère était originaire, et apprit le métier de menuisier de 1919 à 1921, puis de charpentier, de 1921 à 1924. Il travailla quelque temps à Lyon, puis effectua son service militaire au 7e Génie à Avignon. Il avait adhéré en 1923 au Parti communiste et s’était syndiqué en 1925 à la CGTU, sans y exercer de responsabilité.

En 1928, il se maria et alla résider à Pont-en-Royans, travaillant sur divers chantiers de la région. Il fut victime d’un accident grave sur le chantier du barrage de Pisançon (Drôme) et, après un bref séjour à Valence, se fixa à Grenoble en 1933, où il travaille dans une petite entreprise locale.

Mobilisé le 3 septembre 1939, il fut démobilisé en août 1940. Il eut des difficultés à trouver du travail et devint finalement charbonnier affûteur des Eaux-et-Forêts. Accusé d’avoir chanté l’Internationale le 1er mai 1942, il fut condamné à cinquante francs d’amende et trois mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Saint-Marcellin. 

Sept mois plus tard, il fut dénoncé pour avoir chanté, cette fois, la Marseillaise, le 11 novembre, devant le monument aux morts de Pont-en-Royans. Arrêté le 12 novembre, incarcéré à Grenoble, il fut interné à Fort-Barraux avec son frère André et plusieurs citoyens de Pont-en-Royans. Mais tous furent libérés le 20 novembre à la suite d’une pétition des habitants de cette bourgade. Il y revint, désormais étroitement surveillé.

En mars 1943, sollicité pour le faire, et après avoir pris conseil auprès de son camarade Perinetti, qui venait de s’évader et organisait le premier maquis FTP de l'Isère, il se joignit au groupe clandestin Franc-Tireur.
Il fit son arrivée au C3 le 2 avril 1943, mais était présent dès sa création à Gros-Martel, Groupement de Méaudre, devenu un véritable hameau comptant plus de 150 réfractaires. Il fallut construire de nouvelles barraques pour agrandir le camp et héberger des réfractaires de plus en plus nombreux. Charles Dufour, qui prit le pseudonyme de Charlot, mit à profit son savoir-faire de menuisier et de charpentier. Doyen d'âge du camp C3, Charlot était le seul maquisard marié et père d'une fillette, Paulette, née en 1929. En son honneur, l'isba de Gros-Martel (Groupement de Méaudre) a d'ailleurs été surnommée Pouloune, le petit nom de Paulette, dont elle fut la marraine.

Le Groupement de Gros-Martel, devenu un véritable hameau des bois, pousse les responsables du mouvement à prendre des mesures de sécurité. Ils décident de créer deux camps séparés, le C3 et le C5. En avril 1943, une partie des hommes placés sous les ordres du chef Roméo Secchi, Robert, et de son adjoint Pierre Baccus, Boby, quittèrent Gros-Martel pour créer le C3. Roméo Secchi, Robert, et son adjoint, Pierre Baccus, Boby, prennent le commandement du C3 qui, après avoir nomadisé en pleine forêt environ une quinzaine de jours, rejoint le lieu-dit "Les Cartreaux", au nord d'Autrans.
À cette époque, le C3 compte entre 30 et 40 hommes. Charlot est nommé chef de groupe. Chaque groupe, comprenant 10 à 12 hommes, est chargé quotidiennement d'effectuer les corvées nécessaires à la vie du camp. Compte tenu de son âge et de sa situation de famille, il était dispensé de certains exercices militaires (éducation physique, ski...). Il était aussi autorisé une fois par mois à se rendre dans sa famille. Il en profitait pour confier à sa belle-mère des rouleaux photographiques de négatifs, développées après-guerre, ce qui explique le grand nombre de photos du C3. 

À son retour au camp, il rapportait pour ses camarades des feuilles de tabac de la vallée de l’Isère. Les feuilles de tabac étaient trempées dans de l’eau salée plusieurs jours, puis séchées sur un fil. Tout le monde participait à l’élaboration de ce tabac afin de le rendre consommable ; il était découpé le plus finement possible à l’aide d’une cisaille-massicot, apportée au camp par Charlot. Fumé, ce tabac était très fort, avec un arrière goût de sel.

À l’automne 1943, le C3 dut rechercher un abri moins exposé aux rigueurs du climat que la région du Bec de l’Orient, appelée la "petite Sibérie". C’est la baraque forestière de Gève, au cœur de la forêt la plus proche d’Autrans, qui devint le cantonnement d’hiver du C3. Il fallut à nouveau réaliser les travaux d’aménagement pour loger près d’une quarantaine d’hommes ; Charlot se mit au travail, mesura, calcula et passa commande à une scierie d’Autrans. Tout le camp participa à l’aménagement de la baraque de Gève. Au cours d’une visite de l’équipe volante, il éprouva une sympathie réciproque avec l’un de ses membres, Bénigno Cacérès, Mirouze, charpentier compagnon du devoir.

Il participa au repli de son camp à La Forteresse et combattit notamment à Saint-Nizier en juin 1944. Il prit part à la campagne du Rhône dans les rangs du 6e BCA. Il fut démobilisé le 10 septembre 1944 et revint à Grenoble.

À la fin de la guerre, il s’employa à reconstituer le syndicat des charpentiers et le Cartel du Bois et du Bâtiment dont il fut le secrétaire jusqu’en 1948. Cette même année, à la suite d’un conflit personnel, il quitta définitivement le PCF et la CGT.
Il travailla à la coopérative ouvrière « La Fraternelle ». En 1951, victime d'un accident du travail, il est placé en invalidité complète. Il prit sa retraite en 1964 à Grenoble et put se consacrer à la vie de l'ANPCVV. 

Charles Dufour décède le 9 janvier 1978.

 
Pour en savoir plus :

Les pseudonymes (A. Raffin)

Rejoindre les camps du Vercors - les filières (A. Raffin)

Auteur : Alain Raffin

Sources :

D'après Pierre Broué, pour le Maitron en ligne.

Archives Départementales de l'Isère, 52 M 119.

Pierre Champion, Biographies de militants communistes, Grenoble, TER, 1973.

Dossier individuel archives ANPCVV - Grenoble.

Témoignages de Marc Serratrice, recueillis par Alain Raffin en 2015 et 2016.