Affiche de l'Oberbefehlshaber West

Légende :

Affiche émanant des autorités allemandes concernant les groupes de résistants qui, considérés comme francs-tireurs et non comme soldats réguliers, encourent la peine capitale en cas de capture.

Genre : Image

Type : Affiche

Source : © Archives nationales, 72AJ 804 Droits réservés

Détails techniques :

Typo noire sur papier rouge, bordure noire. Sans lieu ni date.
Hauteur 74 cm x largeur 55 cm

Date document : 1944

Lieu : France

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Analyse média

Le texte de l'affiche renvoie à deux textes officiels :
- l'expression "Droit international" renvoie certainement aux lois de la guerre définies par la conférence de la Paix de La Haye en 1907.
- la convention d'armistice franco-allemande et principalement son article 10.

Les lois de la guerre, en particulier les conventions de La Haye de 1899 et 1907 et la convention de Genève de 1929, sont obligatoires entre l’Allemagne et la France qui ont toutes deux ratifiées ces conventions. La question qui se pose est de savoir si l’Allemagne doit appliquer ces conventions à l’égard des armées de la Libération et des FFI.

Le préambule de la convention de La Haye de 1907 précise : « Dans les cas non compris dans les dispositions réglementaires adoptées par elles, les populations et les belligérants restent sous la sauvegarde et sous l’emprise des principes du droit des gens, tels qu’ils résultent des usages établis entre nations civilisées, des lois de l’humanité et des exigences de la conscience publique ». L’Allemagne comme la France se sont engagés sur ces principes à savoir notamment le respect de la vie et de la dignité des prisonniers.

Cependant, deux raisons sont évoquées par l’Allemagne pour démontrer qu’elle n’est pas tenue juridiquement de respecter les conventions en vigueur à l’égard des armées de la Libération.
Tout d’abord, l’article 10 de la convention d’armistice signée le 20 juin 1940. L’Allemagne considère que cet armistice a été signé par le gouvernement légal français et qu’elle engage la France vis-à-vis d’elle. Le troisième alinéa précise : « Il est strictement interdit aux ressortissants français d’entrer au service d’un pays ennemi de l’Allemagne. Tous les Français qui ne se plieront pas à cette obligation seront considérés par les troupes allemandes comme francs-tireurs ».
La seconde raison est que le seul gouvernement reconnu par les autorités allemandes est celui du maréchal Pétain et que c’est envers ce gouvernement que l’Allemagne doit respecter les lois de la guerre. Et non pas envers le CFLN qu’elle n’a reconnu ni en droits ni en fait.

Les services juridiques du GPRF estiment, quant à eux, que l’article 10 mentionné ci-dessus, ne peut être appliqué aux armées de la Libération. Selon eux, le texte ne vise que les Français « au service d’un pays ennemi de l’Allemagne ». Mais les armées de la Libération ne sont au service ni de la Grande-Bretagne, ni des Etats-Unis mais à celui de la France. « Elles ont été constituées par un gouvernement, le Comité de la Libération qui prétend représenter la France, qui prétend être un gouvernement français, qui administre au nom de la France des territoires français. Les combattants qui composent ces armées ont été incorporés par des autorités françaises ; ils sont placés sous les ordres d’officiers français ; ils dépendent d’un général en chef français, ils combattent sous le drapeau et avec des insignes français » (Note sur l’application des conventions de Genève et de la Haye, GPRF, juin 1944, archives nationales 3 AG 2/457). N’étant pas au service d’un pays ennemi de l’Allemagne, les armées françaises ne peuvent donc être considérées comme francs-tireurs au sens de cet article 10.
Le GPRF souligne également que les traités ne sont pas des actes juridiques engageant seulement les gouvernements ; ils sont obligatoires être les Etats qui doivent en assurer la continuité.

Le texte qui doit être appliqué aux FFI est l’article 1er de la convention de la Haye de 1907 : « Les lois, les droits et les devoirs de la guerre ne s'appliquent pas seulement à l'armée, mais encore aux milices et aux corps de volontaires réunissant les conditions suivantes : 1° d'avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés ; 2° d'avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance ; 3° de porter les armes ouvertement ; 4° de se conformer dans leurs opérations aux lois et coutumes de la guerre. »
En ce qui concerne le port d’un signe distinctif, il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse d’un uniforme complet, il est admis qu’un simple brassard suffit. Albéric Rolin, dans son ouvrage, Le droit moderne de la guerre (Bruxelles, A. Dewit, 1920), rappelle que c’est l’opinion émise lors de la Conférence internationale de la paix de 1899 par le colonel allemand Gross Von Schwarzhoff. Il écrit également « Et, lors de la conférence à Bruxelles, le général de Voight Rhets, représentant de l’Allemagne, s’était exprimé en termes encore plus significatifs : « Il faudra que les ces hommes portent un signe certain qui les distingue des brigands et des pillards. Ce signe sera facile à trouver : ce sera une croix, un brassard, une marque quelconque donnant à celui qui le porte le caractère de patriote et de belligérant ».

Etant un corps auxiliaire de l’armée française, respectant les critères exigés par la convention de la Haye, les Allemands ne peuvent donc considérés les FFI comme des francs-tireurs.

Afin de renforcer la légitimité des FFI, une ordonnance est promulguée à Alger le 9 juin 1944, elle stipule que les FFI appartiennent aux "Unités combattantes, partie intégrante de l'armée française et bénéficiant de tous les droits et avantages reconnus par les lois en vigueur".

Mais les autorités allemandes ne tiennent pas compte de ces divers éléments. Un communiqué du commandement allemand diffusé par Radio-Paris vers le 27 juillet 1944 et publié dans son intégralité dans le journal France à Londres (n°1217 du 28 juillet 1944), reprend la logique de la convention d'armistice puisqu'il parle de "prétendues forces régulières du général Koenig [qui] consistent en réalité en une organisation de résistance française placée sous le commandement anglais. Leurs cadres sont constitués par des Anglais, des Américains et des Gaullistes parachutés". Selon ces termes, les résistants sont commandés par des Anglais et des Américains donc l'article 10 de la convention d'armisitice est applicable.

Ensuite il cite la convention de La Haye en affirmant, avec raison dans la majorité des cas, que "les terroristes s'enfuient dès l'approche de toute formation allemande ou de police française, cachant immédiatement leurs armes", qui ne sont donc plus portées ouvertement, ce qui découle pourtant d'une logique de protection de la part des Résistants.

Selon les autorités allemandes, les résistants ne respectant pas les conventions en vigueur, les troupes allemandes continueront de les traiter en francs-tireurs et les exécuteront en cas de capture.

Il faut souligner que le mot "franc-tireur" a plusieurs traductions en allemand, ne signifiant pas toutes "combattant illégal". Un dictionnaire allemand de 1930 (Der Grosse Brockhaus Leipzig, 1930) donne comme définition :

"Franktireurs : irreguläre, grösstenteils nicht uniformierte Freischaren bewaffneter Einwohner" [corps-francs irréguliers d'habitants armés pour la plupart sans uniforme].

"Freischaren : Kriegsscharen, die sich im Unterschied zu den -> Freikorps ohne Ermächtigung des Kriegsherrn bilden aus Veranlassung einzelner Persönlichkeiten,...Im Gegensatz zu den -> Franktireurs sind sie der regulären Kriegsmacht angegliedert und unterstellt und deshalb nach dem haager Landkriegsabkommen (1899) als Teile der Kriegsmacht zu behandeln, wenn sie einen verantwortlichen Führer haben, ein bestimmtes, aus der Ferne erkennbares Abzeichen tragen, die Waffen offen führen und die Kriegsgebräuche beachten." ["rassemblement de guerre" qui, à la différence des corps-francs se constituent sans l'autorisation du chef de guerre, sur l'instigation de personnalités isolées,...par opposition aux francs-tireurs, ils sont rattachés aux troupes régulières et sous l'autorité du chef de guerre, et par conséquent sont à traiter selon le traité de La Haye de 1899 comme membre de la puissance belligérante, quand ils ont un chef responsable, quand ils portent un signe reconnaissable de loin, qu'ils ont ouvertement des armes, et qu'ils respectent les usages de la guerre].


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources :
Archives nationales 3 AG 2 / 457, "Note sur l’application des conventions de Genève et de la Haye", GPRF, juin 1944.
Patrick Martin, La Résistance dans le département de la Drôme, Paris, Université Paris IV (Thèse de doctorat), 2002.
Albéric Rolin, Le droit moderne de la guerre, tome 1, Bruxelles, A. Dewit, 1920