Le mémorial du Fenouillet, La Roque d’Anthéron
Légende :
Le mémorial du lieu-dit "Fenouillet" (commune de La Roque-d'Anthéron), érigé en l'honneur des 28 victimes fusillées sur ce lieu par les troupes d'occupation le 13 juin 1944
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Cliché Robert Mencherini Droits réservés
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur.
Date document : Décembre 2007
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - La Roque-d'Anthéron
Analyse média
Le lieu-dit "Le Fenouillet", situé entre Charleval et La Roque-d’Anthéron (mais sur le territoire de cette commune) est à l’écart de la route départementale 561. On accède au petit vallon arboré où s’est déroulé le massacre par un chemin de terre qui longe le canal EdF. Une haie de végétation dense entoure la stèle commémorative et le carré du charnier, d’où ont été exhumés, en novembre 1944, avant leur transfert, les derniers corps non identifiés.
La stèle porte vingt-trois noms : Arnaud Marius, Martigues - Barthélémy Joseph, Martigues - Chave Aldéric, Martigues - Daugey Robert, Martigues - Di Lorto Paul, Martigues - Lombard Paul, Martigues - Toulmond Lucien, Martigues - Tranchier Henri, Martigues - Durand Victor, Lambesc - Castaldi Batiste (Baptiste), Lambesc - Castaldi Louis, Lambesc - Martini Émile, Lambesc - Robin Paul, Lambesc - Turc Marcel, Lambesc - Billot Cyprien, Charleval - Armenico René, Mallemort - Favaro Arthur, Miramas - Flandre Georges, Montpellier - Richard Georges, Paris - Lazzarino Henri, Port-de-Bouc - Abbadie Barthélémy, Saint-Victoret -Borel Georges, Salon-de-Provence - Gérard André, Saint-Cyr-au-Mont-d’Or.
Au pied de la stèle, une pierre gravée indique :
« Le 13 juin 1944, en ce lieu, ont été massacrés 28 martyrs de la Résistance, victimes de la barbarie allemande. Ils sont morts pour que la France vive ».
Robert Mencherini
Contexte historique
Sur la stèle, cinq tirets indiquent que cinq personnes massacrées dans ce lieu demeurent inconnues. Parmi les vingt-trois noms, dix sont ceux de victimes, capturées le 12 juin et emmenées à la base aérienne de Salon, puis conduites au Fenouillet le lendemain en fin d’après-midi et fusillées. Treize résistants dont les noms sont inscrits sur la stèle, ont été arrêtés dans d’autres lieux, Martigues en particulier. Ils ont été amenés tout spécialement de Marseille où ils étaient détenus, pour être mis à mort dans ce vallon.
Ainsi que le déclare Dunker-Delage, lors de l’instruction de son procès, les Allemands se saisirent de l’occasion pour « vider entièrement la prison du 7e étage du bâtiment 403 de la rue Paradis […] les prisonniers furent mis dans un car et conduits avec d’autres prisonniers se trouvant dans la prison des Baumettes au champ de bataille de la veille dans la forêt « Chaîne des Côtes » entre Charleval et Lambesc. Ils ont été exécutés sur les ordres de Pfanner [responsable de la Gestapo] ». Il s’agit de Barthélémy Abbadie, Joseph Barthélémy, Aldéric Chave, Robert Daugey, Paul Di Lorto, Georges Flandre, André Gérard, Henri Lazzarino, Paul Lombard, Georges Richard, Lucien Toulmond, Henri Tranchier.
Marius Arnaud - dont le nom figure en tête de la liste - grièvement blessé, a péri pratiquement immédiatement après son arrestation à Martigues. On n’a jamais retrouvé son corps.
Ainsi que l’établissent plusieurs rapports, les résistants ont été fusillés à genoux, par rafales de mitraillettes, et achevés au revolver. Les victimes avaient été dépouillées de leurs papiers d’identité et les corps, mutilés, étaient méconnaissables.
Les corps furent photographiés, afin de permettre leur identification ultérieure. Quelques-uns furent identifiés par les habitants de La Roque-d'Anthéron et Charleval. La plupart furent ensevelis sur place. Les sept Martégaux dont les corps furent identifiés en octobre ont été inhumés au cimetière Saint-Pierre de Martigues, le 21 octobre 1944, lors d’une cérémonie grandiose qui mobilisa toute la ville et les autorités.
Le monument fut inauguré le 13 juin 1945, en présence de Francis Leenhardt, président du CDL, du maire de Martigues, Jean Toulmond (père d’une des victimes), des maires de Lambesc, Charleval, Mallemort, des représentants du maquis de Lambesc, des CLL d’Aix, de Martigues et de Port-de-Bouc, du conseil municipal de Marseille, de la présidente de la Croix-Rouge, du délégué de l’Organisation universitaire des MUR-MLN, Paul Giraud, du commandant de la section de gendarmerie d’Aix. Plusieurs discours furent prononcés à cette occasion. Francis Leenhardt rendit hommage, dans le sien, en particulier au pasteur Georges Flandre, dit Montcalm.
Le peintre Antoine Serra, qui participa au maquis de Sainte-Anne et échappa de justesse à la mort, réalisa, après-guerre, un tableau sur cette tragédie. Tous les ans, le 13 juin, une cérémonie rend hommage aux résistants assassinés dans la clairière du "Fenouillet". Une forte délégation de la ville de Martigues y participe.
Auteur : Robert Mencherini
Sources :
Archives nationales, 72 AJ 104, AIII 7 bis, le Kommandeur de la SIPO et du SD de Marseille, « Rapport final (…) Affaire Catilina », Marseille, 6 juillet 1944, signé Dunker, SS Scharführer ;
archives départementales des Bouches-du-Rhône, 58 W 20, interrogatoire de Dunker par le principal chef de la BST, 8 juillet 1945 ;
76 W 129, rapport de la brigade de gendarmerie de Lambesc, 12 juin 1944, et divers témoignages ;
documents fournis par Suzanne Gérard-Vaisse, sœur d’Henri Vaisse, tué au maquis ;
Éric Roche, site « Le maquis de Sainte-Anne », 2012 ;
Jacky Rabatel, Une ville du Midi sous l’occupation. Martigues, 1939-1945, Martigues, Centre de développement artistique et culturel, 1986, 269-274 ;
Robert Mencherini, Résistance et Occupation, 1940-1944, Midi rouge, Ombres et lumières. Histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 1930 - 1950, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.